Loret, lettre du 24 février 1663 Ce Ballet noble et magnifique, Ce charmant Ballet harmonique, Autrement Ballet musical, Qui, durant le feu Carnaval, Étant, en merveilles, fertile, Divertit la Cour et la Ville Fut rechanté, fut redansé, Encor Jeudi, dernier passé, Et fut, tout à fait, trouvé leste, Par Monsieur le Cardinal d’Este, Car c’était pour lui, seulement, Qu’on fit ce renouvellement ; Et pour d’autres Messieurs, encore, Qu’au Louvre on aime et l’on honore, À savoir Monsieur de Créqui, Ambassadeur de France, et qui N’avait, à cause de l’absence, Vu ce Ballet de conséquence, Ni Monsieur le Duc Mazarin, Depuis peu, de retour du Rhin, Ni sa belle et chère Compagne, Ni même un Envoyé d’Espagne, Venu de Madrid en ces lieux Pour témoigner, tout de son mieux, Le deuil qu’a son Maître, dans l’âme, Pour le trépas de feue Madame. Iceux, donc, maintenant en Cour, Virent ce Ballet à leur tour : C’est peu de dire qu’ils le virent, De tout leur cœur ils l’applaudirent. […] Plusieurs Princes et Grands Seigneurs, Dignes, certes, de tous honneurs, En ce Ballet galant dansèrent, Et, des mieux, le Roi secondèrent. […] Les autres Beautés renommées, Qu’ailleurs j’ai, toutefois, nommées, C’étaient Saint-Simon, Cévigny, De mérite presque infini, La Vallière, autre Fille illustre, Digne un jour d’avoir un Balustre, Et la défunte Mortemar, Je la nomme défunte, car Depuis qu’elle n’est plus pucelle, Ce n’est plus ainsi qu’on l’appelle : Elle a toujours les mêmes traits, Autrement, les mêmes attraits, Elle est toujours jeune et brillante, Elle est, même, encore vivante : Mais cette beauté de renom, Est, du moins, morte par le nom, Qui n’est plus que pour Père et Mère, Que, de longue-main, je révère, Étant leur très humble Valet : Mais, pour revenir au Ballet, Les Voix douces et naturelles De quatre aimables Demoiselles, Les Luthistes et Violons, En leur Art, de vrais Apollons, Et, bref, toute la symphonie, Causaient une joie infinie. […] Nos Reines, pleines d’un bon sens, Mais qui des plaisirs innocents, (Comme sages et débonnaires) Ne sont nullement adversaires, Malgré l’âpre et rude saison, Quittant Chambre, Alcove et tison, Furent, non seulement, icelles, Mais Monsieur et Mesdemoiselles,27 Assez volontiers sur le lieu, Pour audit Ballet dire adieu ; Ayant illec, pour assistance, Plusieurs Personnes d’importance, Princes, Ducs, Comtes et Marquis, Et quantité d’Objets exquis, C’est-à-dire de beaux Visages Bien dignes de vœux et d’hommages, Que je lorgnais par-ci, par-là, Étant en lieu propre à cela.
L’année suivante, il composait pour ce théâtre son premier ballet Raoul, tiré d’une comédie de Manuel et peut-être imité d’un ballet de Dauberval. […] Il fait répéter un ballet des mois entiers. […] Ce ballet lui avait coûté des peines infinies. […] On reprendra bien encore quelques-uns de ses ballets, on cherchera à l’imiter, mais le charme est rompu, on ne saurait monter un ballet de Viganò sans Viganò. […] Henry tenta de conserver la tradition du ballet « à la Viganò ».
La danse du sérénissime duc se dispersa ; trente figurants devinrent tout-à-coup autant de maîtres de ballets ; riches de mes partitions, de mes programes et de mes dessins de costume, ils se répandirent en Italie, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en Portugal ; ils remirent mes ballets partout en se disant mes élèves : en me copiant, ils m’estropièrent souvent, et ne rendirent que très-imparfaitement les productions de mon imagination. […] Si ces prétendus maîtres de ballets se faisoient lire ce qu’Apulée a écrit sur leur art, s’ils pouvoient entendre et concevoir les longues énumérations des qualités et des connoissances que doit avoir le maître de ballets, ils seroient effrayés de leur ignorance, ils abandonneroient une profession qui n’est pas faite pour eux et qu’ils dégradent journellement par des productions monstrueuses : en se bornant au pur méchanisme de l’art, nous serions plus riches en bons figurants, et les ballets prendroient alors une forme plus sage, un caractère plus imposant ; ils offriroient des tableaux plus agréables, un intérêt plus soutenu, des situations plus naturelles, des groupes mieux dessinés, des contrastes moins choquants et une action plus vive, plus noble et plus expressive. Je vais parcourir le plus rapidement possible les occupations du maître de ballets, les obligations qu’il a à remplir, les règles qu’il doit suivre, et les principes qu’il doit adopter. […] Le maître de ballets ignore-t-il la danse, ou ne la connoit-il qu’imparfaitement ? […] où en sera-t-il lorsqu’il essayera de composer nn pas de progression propre à terminer la finale d’un grand ballet ?
Elle a disposé les groupes et dirigé le mouvement d’ensemble de son corps de ballet avec simplicité et symétrie. Si le résultat manque très ostensiblement de caractère et d’inédit, la tenue du petit ballet reste bonne et discrète : groupes bien équilibrés, lignes amples. L’interprétation est honorable, régulière sans être éclatante ; le corps de ballet, assez bien éduqué, est à la hauteur de sa tâche — qui n’est pas écrasante. Mlle Vronska, danseuse étoile, a été dans son pays grand sujet du ballet impérial. […] Sans la participation de la danse masculine, tout ballet reste incomplet, aucune étoile ne peut donner sa mesure.
Du Ballet Moderne Lors de l’Établissement de l’Opéra en France, on conserva le fond du grand Ballet dont on fit un Spectacle à part ; mais on en changea la forme. […] [Voir Ballet] La Danse n’y fut qu’en sous-ordre. […] Le grand Ballet fut pour toujours relégué dans les Collèges, et à l’Opéra même le Chant prit tout à fait le dessus. […] Ce beau génie qui avait eu des idées si vastes, si nobles, si vraies sur le genre qu’il avait créé, n’eut que des vues fort bornées sur le Ballet qu’il n’avait que défiguré. […] On pouvait l’atteindre plus aisément dans le Ballet où il était fort au-dessous de lui-même ; ainsi on l’imita dans sa partie défectueuse, où on l’égala ; mais on ne fit que le copier dans sa partie supérieure, où peut-être ne l’égalera-t-on jamais.