Hypnotisés par une force occulte, les danseurs répètent à l’infini les mêmes mouvements, à peine équarris, compacts, obstinés, sinistres, jusqu’à l’instant où un soubresaut spasmodique vient modifier cet accord plastique, monotone, buté. […] Et l’on se dit que d’autres mouvements plus harmonieux, plus libres leur sont interdits car ils auraient été blasphématoires ! […] L’unique résultat des mouvements, par lui imaginés, fut la réalisation du rythme. […] Mais ce vide il l’a rempli par une succession de mouvements sans logique, sans raison d’être, par des exercices collectifs dénués d’expression. […] Mlle Nijinska est dramatique dès le premier moment : immobile, le coude gauche appuyé sur la paume droite, la joue penchée sur l’autre paume dans un mouvement familier à la femme slave, elle est l’image même de l’angoisse.
— Disposez les attitudes de vos personnages et donnez à leurs membres un mouvement tel que cet accord fasse voir ce qui se passe dans leur âme. […] — Ne mettez jamais la tête droite sur les épaules, mais un peu tournée de côté à droite ou à gauche, soit que vous fassiez regarder votre figure en haut, ou en bas, ou devant elle, parce qu’il importe que vous donniez à vos têtes un mouvement qui annonce de la vivacité naturelle, et qu’elles ne paraissent pas endormies. […] — La nature enseigne et agit d’elle-même, sans qu’on ait besoin de raisonnement ; de sorte que celui qui veut sauter, élève avec vitesse les bras et les épaules qui se mettent simultanément en mouvement avec une partie du corps en raison de l’impulsion ; et ils se soutiennent élevés, tant que le mouvement est accompagné de celui du corps, dont les reins se courbent, et de l’élans qui se forme dans la jointure des cuisses, des genoux et des pieds, et cette extension se fait de deux sens ; c’est-à-dire en avant et en haut, alors le mouvement destiné à se porter en avant, place aussi le corps en avant au moment du saut, et celui qui le porte en haut l’élève, en lui faisant décrire un grand arc et rend le saut plus rapide. […] — Comment l’homme fait trois mouvements en sautant.
D’autres se terminent par une ouverture de jambe où vous devez observer la même chose au demi-coupé, qui est d’étendre le même bras du pied que vous faites le demi-coupé, sans néanmoins que ni l’un ni l’autre bras fasse aucun mouvement pendant l’ouverture de jambe. […] D’autres que vous prenez en avant ; c’est qu’ayant étendu le bras en prenant votre demi-coupé, vous le passez avec le même pied, si vous devez tourner ; parce que ce doit être ce bras qui vous serve de guide ou de balancier pour vous faire tourner : c’est pourquoi, regle generale, si vous avez à tourner du côté droit, il faut que le bras droit se plie, parce qu’après il s’étend & donne par son mouvement la facilité au corps de se tourner : ainsi de même quand vous tournez du côté gauche. […] Pour moi je trouve que l’on peut faire un mouvement des deux poignets, en faisant ce coupé, cela même m’a parû moins embarrassant. […] Il y en a qui se font devant & se finissent derriere, dont la maniere est singuliere en ce que, si vous faites un demi-coupé en avant du pied droit, en vous relevant la jambe gauche s’approche de la droite, faisant un battement derriere ; & se remet à la même place qu’elle étoit avant à la quatriéme position derriere, ce qui fait le coupé entier dans ce pas en prenant votre demi-coupé en avant du pied droit, c’est le bras gauche qui s’oppose à la jambe droite, & pour le mieux distinguer, l’épaule droite s’efface, son bras fort étendu en arriere ; ce qui dégage le corps, & lui donne de l’agrément ; pour ceux qui se font en avant & qui sont battus au second pas, on ne doit faire aucun mouvement de bras dans le tems que vous formez vos battemens ; parce que ce pas n’est que pour faire voir la liberté de jambe que vous possedez, sans tourmenter le haut du corps ; ce qui le dérangeroit de la grace qu’il doit toûjours conserver.
Ce tems n’a rapport à la marche que par l’exécution du plié ; car pour sauter il faut plier les deux genoux à la fois, et forcer ce mouvement. […] Exercer ce tems alternativement des deux jambes en avant, et successivement en arrière, observant également la même règle que pour le tems de courante à un mouvement, avec la différence du second mouvement exécuté à la seconde position. […] Ce tems, comme exercice, habitue à tenir un mouvement continu, et exerce les articulations. […] Ils exécuteront cet enchaînement continuement, suivant le mouvement des quatre mesures de ce trait. […] On exécutera ces deux traits continuement, suivant le mouvement des huit mesures de ces traits.
La Peinture qui retrace à nos yeux les images les plus sortes ou les plus riantes, ne les compose que des attitudes, du mouvement des bras, du jeu des traits du visage, qui sont les parties dont la Danse est composée comme elle. […] Sa marche va de tableaux en tableaux, auxquels le mouvement donne la vie. […] Ce que les Romains ont vu faire à Pylade et à Bathylle peut encore être exécuté par de jeunes gens exercés, qui ont tous les mouvements expressifs et faciles.
Il faut observer que chaque plié s’achève les jarrets tendus ; on aura l’attention de corriger les défauts des positions, et de prévenir les mauvaises habitudes que pourrait contracter l’écolier dans les différents mouvements qu’on lui fait exécuter. Les deux pas glissés doivent s’exécuter en pliant les genoux et glissant alternativement les pieds sur la pointe, le cou-de-pied tendu à la quatrième position en avant, en observant que la moitié du chemin doit se faire en pliant et l’autre moitié en tendant les jarrets d’un mouvement lent et égal dans l’intervalle des quatre premiers temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque glissé emploie deux temps des deux mesures. Les deux marchés qui complètent le pas s’exécutent en portant les pieds de même à la quatrième position, d’un mouvement plus accéléré, avec les jarrets tendus dans l’intervalle des deux derniers temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque marché emploie un temps des deux mesures.
Etant élevez sur la pointe des pieds ainsi que je viens de le dire, les pieds à la quatriéme position, le corps également posé ; je suppose que le pied droit soit devant, de-là vous laissez échaper vos deux jambes, comme si les forces vous manquoient, en laissant glisser le pied droit derriere, & le pied gauche revient devant en partant tous deux à la fois, & en tombant les deux genoux pliez, & du même instant vous relever en remettant le pied droit devant, & le pied gauche revient derriere, ce qui vous remet à la même position que vous estiez en commençant ; mais vous estes encore plié, & vous vous relevez du même tems en rejettant le corps sur le pied gauche, & assemblant par ce mouvement sauté, le pied droit auprès du gauche en se posant à la premiere position, puis vous faites un pas du pied gauche ; ce qui s’appelle dégager le pied, & c’est aussi ce qui vous met dans la liberté de faire les pas qui suivent, mais cet enchaînement de pas se fait dans l’étenduë de deux mesures à deux tems legers, j’ay taché de le circonstancier dans toutes ces parties, afin d’en rendre l’execution plus facile. […] Mais pour donner une intelligence plus facile de comprendre ce pas dans tous ces differens mouvemens ; j’ay mis ces trois figures de suite qui en démontrent tous les tems ; Savoir, la premiere lorsque vous êtes élevé sur la pointe des pieds, comme je viens de le dire, le pied droit devant en laissant échaper les deux jambes à la fois, le pied droit qui étoit devant se trouve derriere, & les genoux pliez de même que le represente cette premiere Figure ; la seconde fait voir le changement au second mouvement, puis que le pied droit revient devant & les genoux sont pliez, comme au premier ; & la troisiéme represente le dernier mouvement qui se termine par un assemblé, ce qui finit l’étenduë de ce pas.
De jeunes enfants les suivaient : ils imitaient leurs pas, répétaient leurs mouvements, se modelaient sur leurs attitudes. […] Un autre jour les Vieillards42 rassemblés au son des Instruments champêtres représentaient par des figures expressives, des pas graves, des mouvements de caractère, la simplicité, la sagesse, le bonheur du siècle de Saturne. […] C’était une espèce de branle44 que ces jeunes Spartiates exécutaient vivement avec des pas légers, des mouvements rapides et des figures variées qui exigeaient la plus grande prestesse et beaucoup de vigueur. […] Leurs pas, leurs regards, leurs mouvements étaient si modestes, si remplis d’agréments et de décence, qu’elles ne faisaient jamais naître l’amour, sans inspirer un nouveau goût pour la vertu. « Toutes les Danses des Lacédémoniens, dit Plutarque, avaient, je ne sais quel aiguillon qui enflammait le courage, et qui excitait dans l’âme des Spectateurs un propos délibéré, et une ardente volonté de faire quelque belle chose47. » Telle est dans un État la force de l’éducation établie sur de bons principes, lorsqu’elle est générale, et que des exemples contagieux n’en dérangent point les effets48. […] C’était là toute la magie des mouvements différents l’un de l’autre, sur le même air.
Le mouvement du genoüil est different de celui-ci, parce qu’il n’est dans sa perfection qu’autant que la jambe est étenduë & la pointe basse, ce qui se voit dans les demi-coupez, le genoüil se plie & la pointe se leve un peu, mais lorsque vous passez le pied & que vous vous élevez, c’est le cou-de-pied qui perfectionne ce pas ; ainsi le mouvement du genoüil est inseparable du cou-de-pied : celui de la hanche est très-different, son mouvement n’est pas si apparent en ce qu’il est plus caché, néanmoins c’est elle qui conduit & dispose des autres mouvemens, puisque les genoux ni les pieds ne se peuvent tourner si les hanches ne sont tournées d’abord, ce qui est incontestable, puisqu’elle est superieure aux autres jointures ; il se fait des pas où il n’y a que la hanche qui agit comme dans les battemens terre à terre, les entrechats & les cabrioles qui sont des pas de Ballets, ou lorsqu’ils se font en l’air, il n’y a que les hanches qui agitent les jambes, parce que pour les faire dans leur perfection elles doivent être étenduës : ainsi le cou-du-pied ni les genoux ne se meuvent pas ; mais comme je n’ai entrepris que de donner l’instruction de faire les differens pas des danses de ville, c’est ce qui m’engage de ne me pas étendre sur ces pas qui sont d’une plus grande execution.
Pour commencer ce tems, il faut approcher le pied gauche du droit ; & en l’approchant, laissez tourner votre coude ainsi qu’il est representé par ces mots : Rond du coude du haut en bas, qui forment le demi cercle ; & vous tracent le tour que le bras doit faire de haut en bas, comme ces autres mots : Rond du poignet, vous marquent le mouvement du poignet droit. […] Figure du mouvement du cou du pied La 3e. […] Il se forme plusieurs tems differens des tems de courantes : vous avez même des pas graves qui se forment en allant de côté ; mais comme ces tems sont ouverts, en ce qu’ils se prennent ordinairement de la 3e. position à la 2e. qui est une position ouverte, & qui par consequent ne demande pas d’opposition ; les bras étant ouverts dans ce pas il faut faire un mouvement leger des deux, & aussi des poignets de bas en haut : par exemple, vos deux bras ouverts, & les mains tournées de même qu’ils sont representez dans la premiere Figure cy-devant, il faut en pliant que vous laissiez tourner vos bras en dessous, & en vous relevant & finissant votre pas, faire un petit mouvement des coudes & des poignets de bas en haut ; ce qui remet vos bras dans leur premiere situation.
Du menuet On a abandonné depuis longtemps le menuet, et il n’est plus d’usage dans les danses de société, cependant il renferme tous les principes de l’art ; et il est facile de démontrer qu’on ne peut parvenir à danser, je ne dis pas bien, mais même médiocrement sans s’y être appliqué : cette danse développe les membres, leur donne des contours gracieux, du moelleux et de la justesse dans les mouvements, de l’aplomb et du soutien dans l’équilibre du corps ; et si la plupart des danseurs ont des attitudes forcées, des mouvements durs et un équilibre mal assuré, c’est qu’ils ignorent ou qu’ils n’ont pas assez pratiqué ces premiers principes ; aussi voit-on la plupart des danseurs modernes se placer comme des mannequins et se mouvoir comme des automates ; j’invite donc les amateurs à ne point le négliger ; il est très-important de s’appliquer à le bien apprendre, d’autant plus qu’il est à l’art de la danse ce qu’est l’a, b, c, à l’égard des mots et des discours.
Les figures, les pas, les mouvements de la Danse amusent également et le Danseur qui les exécute, et le Spectateur qui suit des yeux le tableau vivant dont il est frappé. […] Ce sens, si l’on en croit Platon, produit l’harmonie de tous les mouvements de l’âme et du corps que la Danse sert à entretenir. « Lorsque (dit il poétiquement), la raison répète à la mémoire les concerts que cette harmonie a formés, toutes les puissances de l’âme se réveillent ; et il se forme une Danse juste et mesurée entre tous ces divers mouvements. » On dirait que ce philosophe ne nous considère que comme des espèces de clavecins bien accordés, sur lesquels des mains exercées touchent les airs différents, qu’un caprice heureux leur suggère.
C’est que ces vastes et symétriques mouvements de masses asservies à une volonté unique n’admettent aucune velléité individuelle ; vue d’une avant-scène des quatrièmes loges, la disposition des danseurs doit se montrer pareille à un tracé planimétrique. […] Tel le pas de la cruche, discrètement accompagné par l’assistance frappant du pied la mesure : ce pas figure la recherche de l’équilibrer par un mouvement ondulé des bras à la seconde ; commencé sur la plante, il continue sur les pointes. […] Je dois encore à la Maladetta d’avoir pu apprécier dans une merveilleuse variation sautée les grandes qualités de Mlle de Craponne, l’élan et le ballon de ces bonds, les belles courbes arrondies de ses mouvements tournants.
Rome entière en mouvement, sollicitée, poussée par la faction d’Hylas court en foule au Théâtre. […] Sa danse grave, ses bras croisés, ses pas lents, ses mouvements quelquefois animés, souvent suspendus, ses regards tantôt fixes sur la terre, tantôt tournés vers le ciel, peignaient un homme occupé des plus grandes choses, qu’il voyait, qu’il pesait, qu’il comparait en Roi. Les Spectateurs frappés de la justesse, de la dignité, de l’énergie d’une peinture si expressive, entraînés hors d’eux-mêmes par un mouvement unanime, poussent un cri d’admiration, après lequel il ne fut plus possible de revenir à l’idole qu’on voulait établir.
Nous avions constaté dès le premier jour que Cydalise était en somme une pantomime mesurée, une comédie en musique où tout mouvement de danse ne se produit qu’en fonction de la donnée dramatique. […] Car il ne faut même pas de ruban pour danser, pour libérer, pour exalter l’esprit chorégraphique, le génie du mouvement organisé, l’imagination plastique, l’ivresse motrice. […] Il a en somme remplacé le grand style classique par des effets de stylisation, étouffé le mouvement sous le costume, l’essentiel sous l’accessoire.
Ainsi le passage sur les danses du grand siècle, étonnant entre tous, nous montre le rythme et la configuration même du mouvement chez le danseur épousant la ligne musicale dans un parallélisme quasi absolu. Or, dans cette « prose dansée » du critique, les coupes et les modulations de la phrase traduisent le mouvement chorégraphique d’une manière si concrète que l’on croit voir la démarche élastique, le genou fléchi, les petits pas frappés et tendus d’Alexandre Sakharoff, toute cette promenade cérémonieuse et ironique. […] jamais devant ces morceaux savamment rapportés, devant cet agencement méticuleux, laborieux des détails, je n’ai la sensation d’une chose organique, complète, d’un grand jet d’inspiration, d’un grand rythme intérieur extériorisé par le mouvement.
[4] Soignez la tenue du corps et le port des bras ; il faut que leurs mouvements soient doux, gracieux et toujours d’accord avec ceux des jambes. […] (a) On appelle temps un mouvement de jambe. […] Ce charme qui naît de l’harmonie des mouvements de la musique et des mouvements du danseur, enchaîne ceux même qui ont l’oreille la plus ingrate et la moins susceptible de l’impression de la musique. […] C’est en musique la différence du mouvement qui résulte de la vitesse ou de la lenteur, de la longueur ou de la brièveté des temps. […] (a) Cette Muse inventa aussi la Chironomie, qui signifie art de faire avec grâce les gestes et les mouvements du corps, de cheir, main, et de nomos, loi.
Quant à ce pas de chahut, ce mouvement de la jambe tendue, violemment projetée en avant à la hauteur des yeux, mouvement que les dancing-girls anglaises, bataillons d’anges pervers, ont emprunté aux quadrilles français, aux Grille d’Égout et aux Nini Patte-en-l’air, ne se retrouve-t-il pas identique, mais transfiguré par je ne sais quelle hiératique grandeur dans les bas-reliefs mortuaires des tombeaux royaux de Sakkarah ? […] C’est ainsi que l’ample mouvement des pleureuses de Pharaon apparaît, provocant et impudique sur les planches du music-hall. […] Ce débat de la femme avec les voix, ce dialogue des mouvements avec les sons m’ont procuré le plus franc plaisir. […] Mais sa conception est juste : mouvement exagéré et fantaisiste, corsé par l’humour d’une action bouffonne.
Sous la mantille du boléro ou le tartan de la gigue, le tracé de son mouvement reste celui de la danse classique : pur, ample, abstrait. […] Je vois Mlle Zambelli enlever ce mouvement brillant ; il serait plus haut, plus soutenu que celui de Mlle Schwarz : sa pointe aurait parcouru une courbe plus vaste et, dardée victorieusement, piquerait dans l’espace. […] Sans doute le système de danse classique exige, pour le compléter, un langage mimique conventionnel qui exclut le mouvement naturaliste. […] L’étoile, instrument concertant, indique le mouvement, simple temps d’exercice, mais beau de sérénité, de logique constructive : grand battement, relevé sur les pointes. […] Les « grands bonshommes » du xixe siècle ont su doter le mouvement d’une amplitude de développements plus grande, d’une envergure très vaste.
Le pas de Bourée est composé de deux mouvemens sçavoir, un demi coupé, un pas marché sur la pointe du pied & d’un demi-jetté, ce qui fait le second mouvement, & l’étenduë de votre pas, je dis un demi-jetté ; parce qu’il n’est sauté qu’à demi, & comme ce pas est un pas coulant, c’est pourquoi son dernier pas ne doit pas être marqué si fort, mais comme il faut avoir beaucoup de cou de pied, pour faire ce pas aisément & surtout pour les Demoiselles ; c’est pourquoi on en a adouci l’usage, en faisant des fleurets, qui est aprochant le même pas, puisqu’il ne contient non plus que 3. pas. Mais il n’a qu’un mouvement ; c’est un pas aisé & que l’on apprend facilement, il suffit d’en connoître la construction pour le faire de suite : il est composé d’un demi-coupé & de deux pas marchez sur la pointe des pieds. […] Ce même pas se fait encore d’une autre maniere, en ce qu’en faisant votre premier pas qui est un demi-coupé, ayant le corps posé sur le pied gauche vous pliez dessus, & en prenant ce mouvement la jambe droite qui est en l’air marche en faisant un batement sur le cou du pied, & du même tems se porte à côté à la deuxiéme position en vous élevant dessus, & continués votre pas comme cy-devant. […] Il faut faire le demi-coupé en arriere en portant le pied à la quatriéme position, le second pas se porte vîte à la troisiéme, & vous restez un peu dans cette position sur la pointe des pieds les jambes étenduës ; puis vous laissez glisser le pied qui est devant jusqu’à la quatriéme position, ce mouvement se fait en laissant plier le genou du pied de derriere qui renvoie par son plié le corps sur le pied de devant, ce qui fait l’étenduë de ce pas. […] Ne l’ayant rapporté qu’à l’occasion du pas de Bourée à un mouvement, & que l’on nomme fleuret ; c’est pourquoi je reserve cette explication pour un autre volume, ce qui se trouvera dans la maniere de faire tous les differens pas de Ballet.
Premierement, lorsque vous pliez sur les deux jambes pour lever le pied droit, en prenant ce mouvement vous pliez les poignets de haut en bas, & vous les étendez en vous relevant ; mais lorsque vous pliez sur les deux pieds pour faire votre dernier saut, vous pliez aussi vos deux poignets en les relevant de bas en haut : ce qui fait l’accord des bras avec le pas. […] Les Jettez sont encore de ces pas qui se font par l’articulation du cou-de-pied : c’est pourquoi il n’y a que les poignets qui agissent : par exemple, vous faites un Jetté du pied droit & un du gauche, en ce que l’on en fait deux de suite, pour la valeur d’un autre pas, les deux emplissant une mesure à deux tems : de sorte qu’en les commençant du droit, vous prenez seulement un petit mouvement des poignets de haut en bas, & les bras demeurent étendus dans le cours du second pas ; mais comme ces deux pas se succedent l’un à l’autre, & que ce sont des mouvemens très-legers, les bras par consequent ne se doivent pas tourmenter.
Cette précaution utile qui mettoit le Spectateur au fait de l’idée & de l’exécution imparfaite du Peintre, l’instruiroit aujourd’hui de la signification des mouvements méchaniques & indéterminés de nos Pantomimes. […] Je n’y ai jamais vu la Danse en action ; les grands récits étoient mis en usage au défaut de l’expression des Danseurs, pour avertir le Spectateur de ce qu’on alloit représenter ; preuve très-claire & très-convaincante de leur ignorance, ainsi que du silence & de l’inefficacité de leurs mouvements. […] Le Ballet est, suivant Plutarque, une conversation muette, une peinture parlante & animée qui exprime par les mouvements, les figures & les gestes. […] Lorsque les Danseurs animés par le sentiment, se transformeront sous mille formes différentes avec les traits variés des passions ; lorsqu’ils seront des prothées, & que leur physionomie & leurs regards traceront tous les mouvements de leur ame ; lorsque leurs bras sortiront de ce chemin étroit que l’école leur a prescrit ; & que parcourant avec autant de grace que de vérité un espace plus considérable, ils décriront par des positions justes les mouvements successifs des passions ; lorsqu’enfin ils associeront l’esprit & le génie à leur Art ; ils se distingueront ; les récits dès-lors deviendront inutiles ; tout parlera, chaque mouvement dictera une phrase ; chaque attitude peindra une situation ; chaque geste dévoilera une pensée ; chaque regard annoncera un nouveau sentiment ; tout sera séduisant parce que tout sera vrai, & que l’imitation sera prise dans la nature. […] L’Acte des Fleurs ; l’Acte d’Eglé dans les Talents Lyriques ; le Prologue des Fêtes Grecques & Romaines ; l’Acte Turc de l’Europe galante ; un Acte entr’autres de Castor & Pollux, & quantité d’autres, où la danse est, ou peut être mise en action avec facilité & sans effort de génie de la part du Compositeur, m’offrent véritablement des Ballets agréables & très-intéressants ; mais les Danses figurées qui ne disent rien ; qui ne présentent aucun sujet ; qui ne portent aucun caractere ; qui ne me tracent point une intrigue suivie & raisonnée ; qui ne font point partie du Drame & qui tombent, pour ainsi parler, des nues, ne sont à mon sens, comme je l’ai déjà dit, que de simples divertissements de Danse, & qui ne me déploient que les mouvements compassés des difficultés méchaniques de l’Art.
Tous nos mouvements sont purement automatiques & ne signifient rien, si la face demeure muette en quelque sorte, & si elle ne les anime & ne les vivifie. […] Comment fera-t-il passer dans l’ame du Spectateur les mouvements qui agitent la sienne, s’il s’en ôte lui-même le moyen, & s’il se couvre d’un morceau de carton & d’un visage postiche, triste & uniforme, froid & immobile. […] Le Public peut-il les voir naître, s’appercevoir de leurs progrès & suivre le Danseur dans tous ses mouvements ? […] Ce Costume étoit si gênant & si incommode, que l’Acteur récitant ne faisoit aucun mouvement. […] La dispute de Ciceron & de Roscius, à qui rendroit mieux la pensée, Ciceron par le tour & l’arrangement des mots, & Roscius par le mouvement des bras & l’expression de la physionomie, prouve très-clairement que nous ne sommes encore que des enfants ; que nous n’avons que des mouvements machinaux & indéterminés, sans signification, sans caractere & sans vie.
Deuxième position On détachera le pied droit du gauche en le portant en droite ligne sur le côté à la distance d’un pied, et posant la pointe du pied à terre avant le talon, les jarrets tendus, observant qu’en détachant le pied, le corps et la tête ne fassent aucun mouvement. […] Voilà donc les cinq positions naturelles de la danse et qui en font la base, qu’on doit se rendre familières, c’est-à-dire, se les graver dans la mémoire, les répétant souvent, tantôt du pied droit, tantôt du pied gauche, tous les pas dérivant de ces cinq positions, qu’il est très important de bien savoir ; on aura l’attention d’observer pour tous ces mouvements et changements de positions, ce qui a été dit ci-devant.
Il se commence de la premiere position ayant les deux pieds assemblez, vous pliez les deux genoux également, & vous vous relevez en sautant & en levant du même temps la jambe droite qui s’ouvre à côté, & le genou étendu & là reposez du même mouvement aussi à la premiere position ; mais à peine est-elle posée que la jambe gauche se leve en s’ouvrant à côté, sans faire aucuns mouvemens du genou, ce n’est que la hanche qui agite la jambe & la baisse tout de suite, & les deux pieds étant à terre, vous pliez & vous relevez en sautant & en tombant sur les deux pieds ; ce qui termine ce pas, après on fait un pas en avant ou à côté selon le pas que vous entreprenez de faire après ; mais il est indépendant du pas de Rigaudon, ce n’est que pour faire une liaison de ce pas avec un autre, & faire le mouvement du pas suivant avec plus de facilité.
Quant à la traduction, elle se réduit essentiellement à indiquer par le mouvement des bras la durée des sons, les accents et la courbe mélodique de la pièce. […] Cependant les jambes ne suivent qu’à grand’peine l’appel des bras qui les invitent à la course au bond, au tourbillonnement des mouvements giratoires. […] Mais elle a assez de ballon pour pouvoir battre et croiser, et je vois fort bien l’entrechat-six compléter le mouvement, et les pointes basses piquer les planches.
La ressource indiquée au maître de ballet c’est donc le mouvement imitatif. […] Et je songe à ces danses des oiseaux et des cerfs filmées en Afrique occidentale et exécutées par des indigènes : ce sont des merveilles de mouvement stylisé et d’une utilisation caractéristique de l’accessoire. […] Les accoutrements des mantes religieuses sont des camisoles de force qui entravent le mouvement.
Les mouvements de danse de Tsérételli-Marasquin ont une justesse, une désinvolture et surtout une ampleur, un parcours qui nous reposent de la paralysie partielle des comédiens ordinaires ! Et ce même Tsérételli, dans le rôle d’Hippolyte, monté sur ces patins qui l’exhaussent et l’héroïsent, commande à son mouvement une allure monumentale, le torse se portant avec puissance sur le genou plié. […] Vous avez vu, dans les théâtres où l’on parle le mouvement gauche ou guindé, toujours amoindri et incertain des hommes en veston et des hommes en chiton, toute cette misère plastique, tout ce néant dynamique.
[2] Le sublime de l’ancienne Danse était la Pantomime, et celle-ci était l’art d’imiter les mœurs, les passions, les actions des Dieux, des Héros, des hommes, par des mouvements et des attitudes du corps, par des gestes et des signes faits en cadence et propres à exprimer ce qu’on avait dessein de représenter. […] Ce nom ne lui venait pas de Saltare qui signifie Sauter, mais d’un certain Salius qui, le premier, avait enseigné cet Art aux Romains ; et tous les auteurs conviennent qu’on l’exécutait par des gestes parlants, par des signes expressifs et par des mouvements de la tête, des yeux, de la main, des bras et des jambes. […] L’unité du lieu n’est donc pas compatible avec la Saltation ; et comme il ne nous est pas permis non plus de nous arrêter à dialoguer, et que nous devons toujours agir et suivre des mouvements qui nous lassent, nous sommes forcés de resserrer dans un espace de quelques minutes les sujets les plus étendus, et l’unité du temps, dans ces bornes étroites, est impossible à conserver. […] Des spectateursfroids et tranquilles ont admiré nos pas, nos attitudes, nos mouvements, notre cadence, notre « à plomb », avec la même indifférence qu’on admire des yeux, des bouches, des nez, des mains artistement crayonnés.
Vous en avez, de plus, accusé les accents par des mouvements intensément marqués. […] Je me rappelle une pose qui correspond à peu près au deuxième mouvement d’une préparation à la quatrième croisée. […] Tout de suite vous étiez récompensée : car la courbe altière de ce mouvement sauté enlevant le corps qui retombe verticalement comporte une notion symbolique d’héroïsme martial, d’affranchissement, plus profonde que toute simagrée mimique. […] Vraiment, une danseuse classique en arrivait à se mépriser un peu elle-même, exilée comme elle l’était du mouvement artistique.
Après un rapide pas de bourrée, la danseuse dégage à la grande seconde et, pendant que ses bras impriment au corps un mouvement rotatoire, la jambe d’appui, par un effort du coup de pied, se détache de terre et, pointe basse, s’enlève. […] En exécutant à trois reprises le mouvement grandiose et léger que nous venons de décrire, la danseuse a remonté à reculons le plateau incliné — et elle le redescend en diagonale, par un enchaînement de pirouettes et de temps battus, somptueux et complexes, selon le rythme lourdement scandé de l’accompagnement. […] Et il faut voir Mlle Rousseau battre l’entrechat-six, ce mouvement complexe et symétrique qui est bien de son fait : on pourrait mesurer l’amplitude de chaque temps, les segments des deux lignes brisées que décrivent, en croisant et se décroisant, les jambes — et les rapports se montreraient exacts comme dans un tracé d’architecte. […] Je signalerai, en soupirant — toujours dans le même mouvement décisif — une jambe imparfaitement tendue, au genou un peu en dedans.
Il faut plusieurs mots, pour exprimer une pensée : un seul mouvement peut peindre plusieurs pensées, et quelquefois la plus sorte situation. […] Ce ne sont que des tableaux successifs qu’on a à peindre, et qu’il faut animer de toute l’expression, qui peut résulter des mouvements passionnés de la Danse.
Non uniquement par le geste significatif mais surtout par le dynamisme vivant du mouvement. Ce mouvement est ample et désinvolte car la danseuse est tournée en dehors.
La danse dite classique, qui fut une acrobatie élégante satisfaisant à un appétit d’harmonie bien ordonnée, de mouvement symétrique, devint le langage de l’indicible, le mouvement s’érigea en symbole, le geste conventionnel se mua en un signe, une formule abstraite. […] S’évadant de la réalité, abordant l’au-delà, la danseuse brise avec le mouvement naturel et s’astreint à une dynamique abstraite et sublime. […] C’est une forme de mouvement inouïe, qui s’affranchit des lois de la gravitation, des habitudes mécaniques du mouvement vulgaire, des nécessités de l’aplomb. […] Une autre conquête de la danse romantique, c’est l’amplitude plus grande des mouvements, le diapason plus vaste des lignes. […] quel rythme de mouvements !
Le Balancé est un pas qui se fait en place comme le Piroüetté, mais il se fait ordinairement en presence, quoiqu’il se puisse faire aussi en tournant ; mais comme ce n’est que le corps qui se tourne, & que cela ne change aucun mouvement ; c’est pourquoi je vais décrire la maniere de le faire en presence : je dirai d’abord qu’il est composé de deux demi-coupez, dont l’un se fait en avant & l’autre en arriere ; Sçavoir, en commençant vous pliez à la premiere position, & vous le portez à la quatriéme en vous élevant dessus la pointe, puis vous posez le talon à terre, & la jambe qui est en l’air s’étant aprochée de celle qui est devant, & sur laquelle vous vous estes élevé, étant en l’air vous pliez sur celle qui a fait ce premier pas, & l’autre étant plié se porte en arriere à la quatriéme position, & vous vous élevez dessus ce qui finit ce pas ; mais en faisant ce pas au premier demi-coupé l’épaule s’efface, & la tête fait un petit mouvement ; ce qui donne l’agrément à ce pas, & que j’expliqueray avec la maniere de conduire les bras dans la seconde Partie.
Il prétend que le corps humain est un instrument harmonieux, orné d’une voix fléxible & sonore, composé de la main de Dieu, avec la matiere la plus pure des quatre élémens, sur les principes de la Musique naturelle, dont les quatre humeurs dominantes sont comme quatre clefs qui servent de régles pour faire agir de concert les 242 parties principales dont le corps humain est composé, & que le poulx y est établi comme le Musicien ou Maître de chœur qui bat la mesure dans un concert, & qu’il y régle par un mouvement ou battement égal, toutes les facultez corporelles, lequel battement doit être de quatre mille fois dans une heure, quand toutes les parties du corps sont bien organisées ; ce qui l’entretient dans une santé parfaite jusqu’à l’age décrépite, qui est le tems que ces organes se relâchent, comme les cordes d’un instrument, ce qui cause sa destruction. […] J’oserai dire encore que la surprenante Machine de Marly peut donner une idée & même une espece de preuve du mouvement harmonieux des Planetes ; laquelle auroit été encore plus sensible, si l’Inventeur de cette merveilleuse Machine, avoit pensé d’ajoûter à son mouvement des tuyaux d’orgue, qui auroient pû former un Jeu d’orgue hidraulique, comme on en voit en Italie ; ce qui est encore faisable, si le Roi vouloit rendre ce grand chef-d’œuvre plus digne d’admiration. Ce n’est pas que son mouvement prodigieux & cadencé ne produise une espece d’harmonie qu’on appelle patétique, parce qu’elle a la faculté d’émouvoir l’ame la premiere fois que l’on l’entend ; j’en ai vû & fait plusieurs fois l’expérience. Ainsi il a été facile à Dieu de donner aux Planetes un mouvement harmonieux, sur les principes de cette Musique naturelle, comme l’a crû Pitagore.
Les chœurs remplissent le théâtre, et forment ainsi un fort agréable coup d’œil ; mais on les laisse immobiles à leur place : on les entend dire quelquefois que la terre s’écroule sous leurs pas, qu’ils périssent, etc. et pendant ce temps ils demeurent tranquilles au même lieu, sans faire le moindre mouvement. L’effet théâtral qui est résulté des actions qu’on leur a fait faire dans l’entrée d’Osiris, des fêtes de l’Hymen et de l’Amour, doit faire sentir quelles grandes beautés naîtraient de leurs mouvements, si on les exerçait à agir conformément aux choses qu’on leur fait chanter. […] Mais l’expédient sûr et d’embellir le spectacle, et de donner du mouvement aux chœurs, est de mettre à leur tête, et en avant, tous les doubles hommes et femmes. Plus rompus à l’action que la multitude des choristes, il serait aisé de leur faire faire les mouvements nécessaires. Les chœurs les suivraient comme une compagnie de soldats suit les mouvements de ses officiers.
Je ne puis m’empêcher, Monsieur, de désaprouver les Maîtres de Ballets, qui ont l’entêtement ridicule de vouloir que les figurants & les figurantes se modelent exactement d’après eux, & compassent leurs mouvements, leurs gestes & leurs attitudes, d’après les leurs ; cette singuliere prétention ne peut-elle pas s’opposer au développement des graces naturelles des exécutants, & étouffer en eux le sentiment d’expression qui leur est propre ? Ce principe me paroît d’autant plus blâmable, qu’il est rare de trouver des Maîtres de Ballets qui sentent ; il y en a si peu qui soient excellents Comédiens, & qui possédent l’Art de peindre les mouvements de l’ame, par les gestes ! […] Les gestes ne sont-ils pas l’ouvrage de l’ame, & les interpretes fidelles de ses mouvements ? […] Servandoni ne réussissoit pas faute de gestes ; les bras de ses Acteurs n’étoient jamais dans l’inaction ; cependant ses représentations Pantomimes étoient de glace ; à peine une heure & demie de mouvement & de geste fournissoit-elle un seul instant au Peintre. […] Lorsque toutes ces parties ne sont pas mises en œuvre par l’esprit, lorsque le génie ne dirige pas tous ces mouvements, & que le sentiment & l’expression ne leur prêtent pas des forces capables de m’émouvoir & de m’intéresser ; j’applaudis alors à l’adresse, j’admire l’homme machine, je rends justice à sa force, à son agilité ; mais il ne me fait éprouver aucune agitation ; il ne m’attendrit pas, & ne me cause pas plus de sensation que l’arrangement des mots suivants : fait.. pas.. le.. la.. honte.. non.. crime..
La danse, comme je la conçois, est toute autre chose ; son but doit être de parler aux yeux par le geste, de substituer des mouvements aux paroles, de représenter par des personnages vivants des actions intéressantes, enfin d’introduire sur la scène des comédiens muets, qui, sans le secours de la déclamation, fassent passer dans l’âme des spectateurs les impressions agréables qu’ils vont chercher aux théâtres ; je veux parler enfin de cette pantomime expressive, art connu, si chéri des Romains, et que ce peuple préférerait à tous les autres amusements. […] N’oublions jamais qu’un ballet est un tableau, et que pour faire un beau ballet, il faut nécessairement que le compositeur soit un grand peintre : la scène est la toile, les danseurs sont les personnages, leurs mouvements sont les couleurs, la fidélité du costume le coloris. […] Il est encore plus nécessaire que le maître de ballet connaisse la musique ; elle doit être en quelque sorte la régulatrice de tous les mouvements du danseur, qui ne saisira jamais l’esprit ni le caractère de son rôle, s’il n’asservit pas fidèlement et avec une précision sévère sa pantomime aux impulsions que la mélodie vocale ou instrumentale doit lui communiquer. […] Cet art est d’ailleurs fort imparfait, il n’indique exactement que l’action des pieds, et s’il désigne les mouvements des bras, il n’exprime ni les positions, ni les contours qu’ils doivent avoir.
Ayant fini votre pas de Menuet en avant, & le corps posé sur le pied gauche, vous approchez le pied droit auprès vous pliez, & vous vous relevez du même tems, ensuite vous glissez le pied droit devant jusqu’à la quatriéme position, & vous élevés dessus, & faites un jetté échapé du pied gauche, & reprenez votre pas de Menuet ; mais pour se mettre dans l’habitude de le faire facilement, c’est de s’exercer, d’en faire plusieurs alternativement avec un pas de Menuet, & lorsque vous avez acquis cette facilité de les faire, vous les placez dans les endroits convenables, où ils font un effet tout des plus gracieux : par exemple, en presentant la main lorsque vous avez fini votre pas de Menuet en revenant du côté gauche, & en allant à la Demoiselle, vous levez le bras droit, comme je l’ai déja dit, dans la maniere de presenter les mains dans ce même tems à la place d’un pas de Menuet en avant, vous faites ce tems qui doit être fort soûtenu, on peut dans ce même tems faire un petit mouvement du corps, & la tête fait aussi une legere inclination, & le corps & la tête se redressent en faisant le jetté échapé, & vous reprenez de suite vôtre pas de Menuet, en continuant la Figure que vous devez faire. Je dis un jetté échapé ; parce que lorsque vous avez fait ce tems soûtenu, & que vous vous êtes élevez dessus le droit les jambes étenduës, aussi-tôt le genoüil droit se plie, qui par son mouvement rejette le corps sur la jambe gauche qui se passe doucement devant, en se laissant tomber sur son pied : ce qui ne se peut appeller autrement, d’autant qu’il n’est sauté qu’à demi. […] On le fait encore dans une autre occasion, par exemple, vous dansez quelquefois avec une personne qui fera trois pas de Menuet en avant, dans le tems que vous n’en avez fait que deux, ainsi il se trouve que vous faites votre pas de Menuet en allant à droit, dans le tems que la personne avec qui vous dansez va en avant ; ainsi pour vous remettre dans une conformité de Figure, vous faites ce pas soûtenu en allant du côté droit, en pliant sur les deux jambes, & en vous relevant sur la gauche la jambe droite se glisse à côté jusqu’à la deuxiéme position, & vous posés le corps dessus en vous élevant du même temps sur la pointe, mais par la position du corps & cette élevation, la jambe gauche suit, en laissant poser le talon droit à terre, & le genoüil se pliant ; par ce mouvement il oblige la jambe gauche de se croiser devant la droite en faisant un jetté échapé ; ensuite vous faites votre pas de Menuet en revenant du côté gauche, ce qui vous remet l’un & l’autre dans la même regularité de figurer.
Cette sorte de pas est particulier dans sa maniere, il tient pour ainsi dire du pas tombé, en ce qu’il faut être levé sur la pointe du pied pour le commencer ; mais comme j’ai donné dans ma premiere Partie l’intelligence pour le faire, & qu’il ne me reste plus que de vous instruire sur la maniere d’y faire les bras ; je vous dirai seulement, que, lorsque vous le commencez ayant les pieds l’un devant l’autre à la quatriéme position, par consequent un bras opposé qu’il faut faire votre premier mouvement : pour lors ce bras qui est opposé doit s’étendre de haut en bas, & l’autre dans le même tems vient de bas en haut ; mais ne change pas au second saut : ensuite en faisant le troisiéme qui est un assemblé, vous laissez tomber vos deux bras à côté de vous ; puis vous faites un petit mouvement de la tête en la baisant, & vous la relevez de même que les bras, lorsque vous faites un autre pas comme de Bourrée, ou tels que la Danse le demande ; cette petite action, quand elle est faite à propos donne beaucoup d’agrémens, mais sur tout point d’affectation.
… On dirait qu’elle paye l’espace avec de beaux actes bien égaux, et qu’elle frappe du talon les sonores effigies du mouvement. […] À la lumière de ses jambes, nos mouvements immédiats nous apparaissent des miracles. […] On ne doit voir son corps qu’en mouvement. […] C’est pourquoi je veux voir avec une tendre émotion, poindre sur cette vivante, le mouvement sacré. […] Pourquoi feindre, mes amis, quand on dispose du mouvement et de la mesure, qui sont ce qu’il y a de réel dans le réel ?
Ce mouvement du fandango où elle développe lentement les bras et se cambre, tandis que les castagnettes exécutent un crescendo subtilement nuancé, comme il est admirablement filé ! […] Or, j’avoue ne pas savoir distinguer le mouvement d’un blues de celui d’un vulgaire fox-trott, ce qui m’amène à supposer qu’il y a, en somme, une danse moderne unique qui comporte un grand nombre de variantes musicales plutôt que chorégraphiques.
Il se fait aussi des Piroüettez qui sont sautez, où les bras se conduisent à peu prés de même : excepté que le mouvement du bras imite celui de la jambe, en ce que lorsque vous sautez le mouvement se releve plus vîte : aussi le bras s’étend vivement ; ce qui facilite le corps de se tourner du même côté que le bras s’étend.
Ce mouvement de trois quarts qui régit ses airs préférés : mazurkas, polonaises et valses, n’est-il pas le souffle même de la danse noble ? […] Mouvements simples comme bonjour mais qu’on dirait ensorcelés ; on n’en vient pas à bout. […] On aperçoit dans cette composition indigente et routinière de nombreuses jolies philistines en rose ou en vert s’adonnant à un exercice prolongé pareil de tous points aux mouvements d’un frotteur qui astiquerait un parquet en mesure. […] Quelques rares souvenirs du « rat d’Opéra » que naguère elle fut, quelques temps timidement sautés, des bras et un torse traduisant avec insistance le mouvement musical comme ceux d’un chef d’orchestre.
Cette petite défaillance, cette déviation du mouvement qu’avait perçue l’œil infaillible, sombre et lumineux de l’Italienne que son verbe bref et incisif va relever — mais c’est un effondrement, une catastrophe ! […] Vous sacrifiez à une pose qui vous plaît le mouvement et ses lois inexorables. […] Ses muscles se plient aux nécessités du mouvement voulu. […] Ses membres n’agissent plus qu’en fonction d’un mouvement d’ensemble.
A peine est-il permis à un Maître de Ballets de faire changer le mouvement d’un air ancien ; on a beau leur dire que nos Prédécesseurs avoient une exécution simple ; que les airs lents s’ajustoient à la tranquillité & au flegme de leur exécution : vains efforts ! […] eh bien, Monsieur, la Danse sans Musique n’est pas plus expressive que le Chant sans paroles ; c’est une espece de folie, tous ses mouvements sont extravagants, & n’ont aucune signification. […] On se plaint que les Danseurs ont du mouvement sans action, des graces sans expression ; mais ne pourroit-on pas remonter à la source du mal ? […] que le mouvement de son panier l’affecte & l’occupe quelquefois plus sérieusement que celui de ses bras & de ses jambes. […] Les Interpretes de Sophocle, d’Euripide & d’Aristophane, disent cependant que les Danses des Egyptiens représentoient les mouvements célestes & l’harmonie de l’Univers ; ils dansoient en rond autour des Autels qu’ils regardoient comme le Soleil, & cette Figure qu’ils décrivoient en se tenant par les mains désignoit le Zodiaque ou le cercle des Signes ; mais tout cela n’étoit ainsi que bien d’autres choses que des figures & des mouvements de convention, aux-quels on attachoit une signification invariable.