L’Amour fait disparoître les filets, les Faunes et les Nymphes accourent de toutes parts ; et ce petit ballet est terminé par des danses vives et voluptueuses.
[Seconde partie] 30Par l’exposé que je viens de faire, on voit que ce Ballet forme une Action complète ; qu’elle y est vive, intéressante, et marche toujours à sa fin, sans être retardée par des épisodes, qui ne saurait que la refroidir ; que sur ce plan on pourrait en faire une Tragédie comme celle des Grecs, en faisant parler mes personnages, et en substituant des Cœurs de Mages, de Satrapes, de peuple, de femmes au corps de Ballet que j’ai employé ; et je répète ici avec cette satisfaction qu’on ressent lorsqu’on fait part au Public de ses découvertes, que je crois que le théâtre des Grecs doit uniquement nous guider pour nos plans, et qu’il n’y a aucune Tragédie de ce Théâtre, qui ne puisse être traitée avec succès en Ballet Pantomime. […] Incapables d’ordinaire de plier, et de conserver l’à plomb, ils dansent presque toujours sur des airs d’un mouvement vif et rapide.
Pourroit-on se dispenser de nommer cette action franche et vive, danse naturelle, ou danse primitive ? […] Cependant on est autorisé à croire que l’amour est aussi ancien que le monde, et que de tout tems il exerca son empire sur les coeurs et que les passions vives qu’il alluma stimulées par le désir de plaire à l’objet adoré, échauffèrent l’imagination, excitérent l’industrie, et dévelopérent dans l’homme le germe de tous les talens.
Si j’ai quelquefois préféré les sujets tragiques, c’est par reconnoissance : ce genre m’a fourni de grands moyens d’action et d’expréssion ; le jeu varié des passions a prêté aux gestes et à la physionomie cette éloquence vive et animée que les sujets tendres et langoureux m’ont constament refusée : je peignois en grand, mes teintes étoient vigoureuses, et je les employais avec les pinceaux hardis d’une imagination exaltée. […] Cette représentation eut le plus grand succès ; mais moins indulgent que le public, je me jugeois sévèrement ; et ayant toujours préféré la qualité à la quantité ; m’étant fortement persuadé que les longueurs dans un ballet en action effacent les impressions reçues ; je fus très fâché de m’avoir pas cousu mon divertissement à la fin du second acte ; en diminuant les longueurs, je n’aurois pas éteint le feu que l’action et l’expression avoient allumé ; ni amorti les impressions vives qu’elles venoient de faire éprouver au spectateur.