La scène Française, la plus riche de l’Europe en drames de l’un et de l’autre genre, et la plus fertile en grands talens a été forcée, en quelque façon, pour satisfaire au goût du public, et se mettre à la mode, d’associer les danses à ses représentations. […] L’indulgence avec la quelle le public applaudit à de simples ébauches, devroit, ce me semble, engager l’artiste à chercher la perfection. […] Le public, de son côté, aime à se faire une douce illusion, et à se persuader que le goût et les talens de son siècle sont fort au dessus de ceux des siècles précédens ; il applaudit avec fureur aux cabrioles de nos danseurs, et aux minauderies de nos danseuses. Je ne parle point de cette partie du public, qui en est l’ame et le ressort, de ces hommes sensés qui, dégagés des prejugés de l’habitude, gémissent de la dépravation du goût, qui écoutent avec tranquillité, qui regardent avec attention, qui pèsent avant de juger, et qui n’applaudissent jamais que lorsque les objets les remuent, les affectent et les transportent : ces battemens de mains prodigués au hazard ou sans ménagement, perdent souvent les jeunes gens qui se livrent au théatre.
L’Auteur croit devoir prier le Public de ne point le confondre avec un artiste du même nom, qui, depuis quelque tems, fait annoncer de toutes parts un nouveau Cours de danse.
Notre bien amé le sieur Jacques Bonnet Nous ayant fait remontrer qu’il souhaiteroit faire imprimez & donner au Public un ouvrage de sa composition qui a pour titre : Histoire générale de la Danse, depuis son origine jusqu’à présent, s’il Nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Privilege sur ce necessaires. […] A la charge que ces Presentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, & ce dans trois mois de la datte d’icelles ; que l’impression de ce Livre sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & en beaux caracteres, conformément aux Reglemens de la Librairie ; Et qu’avant que de l’exposer en vente, le Manuscrit ou Imprimé qui aura servi de copie à l’impression dudit Ouvrage sera remis, dans le même état où l’approbation y aura été donnée, és mains de notre tres-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Fleuriau d’Armenonville, & qu’il en fera ensuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothéque publique, un dans celle de notre Château du Louvre & un dans celle de notre tres-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Fleuriau d’Armenonville ; le tout à peine de nullité des Présentes.
Cependant en y réfléchissant, j’ai pensé que ces programmes pourroient avoir quelqu’utilité, ou plutôt qu’ils en avoient une très réelle ; en effet, c’est d’après eux que la plupart des ballets qu’on a donnés au public depuis moi ont été dessinés ; on a fait mieux, on ma fait l’honneur d’en prendre plusieurs et de les suivre scène par scène. […] Il en est un autre dont il faut bien faire l’aveu : on a tant de fois mis mon ouvrage à contribution sans me nommer, on s est si souvent et si hardiment paré de mes dépouilles que j’ai senti qu’il ne me resteroit plus rien, si je ne prenois le parti de déposer et de consigner le peu qui me reste, afin que 1’opinion publique, je n’ose dire la postérité, puisse le reconnoître et le réclamer pour moi.