Pour les participants de la nouvelle civilisation bourgeoise, mercantile, utilitaire, hypocrite quant aux masses, purement intellectuelle dans son élite, de cette civilisation qui amena l’atrophie du geste spontané et du régime cérémonieux du mouvement, la situation de l’homme-danseur se présentait comme indigne, frivole, voire perverse.
C’est d’abord Paquita qui se présente. […] Aussi, lorsque Paquita se présente, et, pour donner un échantillon de son savoir-faire, essaie quelques pas d’une danse rustique qu’elle a rapportée de son village, le faux maître de ballets, enchérissant sur les rires et les murmures de ses élèves, lui déclare que jamais elle ne pourra faire proprement une pirouette ni un jeté battu. […] Une lutte s’engage dans son cœur ; l’amour pur va triompher, quand, par malheur, un laquais vient apporter à l’écolier, de la part de la veuve, une invitation à se présenter chez elle. […] L’offre étant acceptée, l’écolier va pour s’emparer du bras de la maîtresse de la maison, afin de pouvoir s’expliquer avec elle ; mais la veuve, devinant sans doute ses intentions, présente vivement sa main à don Gil, — et tout le monde se rend à la foire.
Comme je ne prétens rapporter ici que quelques faits historiques, qui concernent les bals de cérémonie, je passe d’Antiochus à Louis XII, qui étant à Milan, se trouva dans un bal, avec les Cardinaux de Narbonne & de Saint-Severin, qui ne firent point de difficulté d’y danser devant Sa Majesté ; parce qu’on ne peut se dispenser d’obéïr à une Dame qui vient vous prendre : on doit du moins se présenter pour faire la révérence avec elle, la remener en sa place, & ensuite aller prendre une autre Dame, pour en faire encore autant ; afin de ne point interrompre l’ordre du bal, & pour ne pas passer pour un homme qui n’a pas l’usage du monde : c’est ce qui a fait dire à Pibrac dans l’un de ses quatrins, N’aille au bal qui n’y voudra danser. […] L’Hôtel de Ville avoit envie de les régaler avec grand appareil ; mais n’ayant pas de fonds dans ce tems-là pour survenir à cette dépense ; le Gouverneur de Paris, le Prevôt des Marchands & les Echevins s’aviserent de présenter un Mémoire au Roi, pour le prier de leur accorder un petit droit sur les Robinets des Fontaines publiques de la Ville, pour régaler les Cantons. […] Le Passepied est encore une danse des plus anciennes, puisque Pline nous assure qu’elle tire son origine de la Pyrique, & que cette danse est fort convenable à la jeunesse pour dénouer le corps, & lui donner la bonne grace quand il se présente dans une assemblée.
Vialart parle ainsi : « Désirant apporter remède aux abus et scandales qui se commettent fort souvent les dimanches et les fêtes, et autres jours de l’année, à l’occasion des danses qui ont coutume de s’y faire, et où Dieu se trouve offensé en plusieurs manières, nous défendons, sous peine d’excommunication, toutes les danses publiques aux principales fêtes de l’année, (ces fêtes sont nommées tout de suite…) comme aussi de danser publiquement les dimanches et fêtes commandées, durant le service divin, ou proche de l’église, ni sur le cimetière, ni de nuit, ni avec des chansons dissolues… Et voulons qu’outre la première publication qui sera faite par le curé, de notre présente ordonnance, dans la huitaine ou quinzaine au plus tard, elle soit encore publiée tous les ans, le dimanche avant la fête de tous les saints, et celui d’après pâques. […] Vialart donna un mandement où il renouvela les ordonnances qu’il avoit déjà publiées contre les danses, et défendit à tous ses curés de recevoir, pour présenter un enfant au baptême, ceux et celles qui auroient violé sur ce point ce qu’il ordonnoit. […] Une première raison, c’est que le temps de la vie présente n’est pas le temps de songer à se divertir, et surtout par un divertissement aussi dissipant que la danse ; mais le temps de gémir et de pleurer, parce que nous sommes ici-bas dans un lieu d’exil, dans une vallée de larmes, et comme dans une prison, et que de quelque côté que l’homme se tourne il ne voit autour de lui que des sujets d’affliction.