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2. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XVIII. » pp. 185-200

Son âme forte, mais sensible se répandoit sur tous les traits de sa physionomie, et les imprégnoit des sentimens, et des passions qu’il avoit à peindre. […] Ses gestes sont éloquents, parce qu’ils ne sont point étudiés dans une glace infidèle, qu’ils sont mus par les passions, dessinés par le sentiment, colorés par la vérité, et que le principe de leurs mouvemens réside dans l’âme de l’acteur. […] Son expression est pure, elle n’est pas plus étudiée que ses gestes ; des transitions heureuses, un silence effrayant, et qui annonce l’éclat des passions, un débit simple en apparence, qui sert de repoussoir aux grands traits d’éloquence, et a ce sublime que Mlle. […] Je les regarde comme le trop plein d’une âme fortement agitée par quelques passions violentes, ou par de grands intérêts. […] Dans les passions vives et violentes, l’expression animée de ses traits devançoit toujours le geste ; c’étoit l’image de la fondre qui frappe avant que l’éclair perce la nüe.

3. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE X. » pp. 261-289

L’action en matiere de Danse est l’Art de faire passer par l’expression vraie de nos mouvements, de nos gestes & de la physionomie, nos sentiments & nos passions dans l’ame des Spectateurs. […] Les passions varient & se divisent à l’infini ; il faudroit donc autant de préceptes qu’il y a chez elles de variation. […] Le geste puise son principe dans la passion qu’il doit rendre ; c’est un trait qui part de l’ame, il doit faire un prompt effet, & toucher au but, lorsqu’il est lancé par le sentiment. […] Les passions sont les ressorts qui font jouer la machine : quels que soient les mouvements qui en résultent, ils ne peuvent manquer d’être vrais. […] Il pourroit se partager entre le méchanisme des pas & les mouvements qui sont propres à rendre les passions ; la Danse alors délivrée des petites choses, pourroit se livrer aux plus grandes.

4. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Avant-propos. » pp. -

L’opéra prit bientôt une nouvelle forme quant au costume à la pompe et à la variété des ballets ; et la danse de ce spectacle, qui, quoique susceptible encore de perfection, est devenue néanmoins la plus brillante de l’Europe, sortit enfin à cette époque de sa longue enfance ; elle apprit à parler le langage des passions qu’elle n’avoit pas encore balbutié. […] Il étudie le caractère et l’accent des passions et les fait passer dans ses compositions. De son coté, le maître de ballets s’élançant au de là des bornes du matériel de son art, cherche dans ces mêmes passions, les mouvemens et les gestes qui les caractérisent, et liant de la même chaîne les pas, les gestes et l’expression de la figure aux sentimens qu’il veut exprimer, il trouve dans la réunion de tous ces moyens, celui d’opérer les effets les plus étonnans. […] Il y a sans doute une foule de choses que la pantomime ne peut qu’indiquer, mais dans les passions il est un dégré d’expression que les paroles ne peuvent atteindre, ou plutôt, pour le quel il n’est plus de paroles. […] Les exclamations qui sont comme le dernier terme où le langage des passions puisse monter deviennent insuffisantes et alors elles sont remplacées par le geste.

5. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XIII. » pp. 122-133

Lorsqu’un maître de ballets choisira un sujet dans son répertoire, il faut, avant de le transporter sur la scène, qu’il l’examine scrupuleusement ; un pressentiment juste le déterminera à retrancher les parties qui en rétarderoient la marche, les inutilités, qui jetteroient de la confusion ou de la langueur dans l’action pantomime ; car cette action doit être vive et animée puisqu’elle est l’interprète des passions. […] Mais pour que le maitre de ballets arrive à ce but, il est absolument necessaire qu’il exerce son âme à sentir vivement, sa physionomie à recevoir les sensations diverses qu elle lui communique, les gestes qui doivent les rendre avec vérité ; si son coeur est froid, si son âme est glacée, si son visage est invariable et ne se prête point au-jeu des passions, si ses yeux sont fixes et immobiles, si son corps est roide et guindé, et que les articulations propres à le faire mouvoir ne jouent pas avec facilité, si enfin la tête ne se meut pas avec grâce et que les éffacemens du corps ne contrastent pas avec ses diverses positions ; comment un tel maître de ballets pourra-t-il servir de modèle à ses danseurs ? […] Ces ombres sont heureuses, aucune passion ne trouble leur repos. La danse peut-elle exprimer quelque chose, si les passions ne lui prêtent leurs organes ? […] cette répétition des mouvemens, cette peinture animée des passions, cette action commandée par l’âme, cette agitation de toute la machine, enfin toutes ces transitions variée !

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