Le choix des mots, la tournure des pensées, la belle élocution, les sentences, les portraits, les récits, les monologues raisonnés, le dialogue ; voilà ce qui est réservé au drame ; il faut donc que le maître de ballets, privé de tous ces secours, sache s’en passer ; qu’il ait l’art de les remplacer par des scenes de situation, par des tableaux frappans, par des coups de théatre bien préparés, mais toujours inattendus, par une action vive, par des grouppes bien dessinés et artistement contrastés, par la pompe du spectacle et par un costume vraisemblable ; telles sont les règles de mon art ; celles du drame sont chargées d’entraves ; loin de m’y assujettir, je dois en éviter de nouvelles, et me mettre au dessus de celles qui n’ont jamais été crées pour la danse. […] Ce Prince est dans son char ; Cassandre, .Princesse Troyenne et fille de Priam est placée à sa gauche ; le peuple de Mycènes suit ce char, en jettant des cris d’allégresse et et portant des couronnes de laurier, tandis qu’une autre partie s’empresse à parsemer de fleurs les chemins par les quels Agamemnon doit passer, Scène ii.
Ces perruques ont passé de la ville à l’opéra.
Je ne m’aviserois pas, certes, d’entretenir M. de Voltaire de ces jeux d’enfans, et de lui montrer les marionnettes, si je ne savois qu’après avoir éclairé le monde littéraire du feu de son génie, et avoir passé seize heures de la journée à embellir les arts, à donner de grands modèles dans tous les genres, et s’être élevé par la puissance de son imagination jusques dans les plus hautes régions des connoissances humaines, il se plaisoit à descendre sur la terre, à danser les soirs des branles aux chansons, à rire de mauvais contes bleus, et à les trouver couleur de rose.
En 1744 il passa dans les mains de M. […] Nous les rapportons ici, parce qu’elles racontent l’histoire du temps actuel tout autant que celles du temps passé ; on y retrouve l’origine de tous les monopoles exercés dans la suite par l’Opéra, et de tous les priviléges dont il a joui. […] L’Opéra fit alors une courte halte dans la petite salle des Menus-Plaisirs ; de là il passa à la salle de la Porte-Saint-Martin, qui, commencée à la fin de juillet, fut achevée le 27 octobre : elle fut construite ainsi en cent jours, par les soins de l’architecte Lenoir. […] Le Directoire, époque de fastueux délire et d’opulence, rendit à l’Opéra une partie de son éclat royal ; il fut le rendez-vous de la société élégante : on eût dit qu’un reflet de la Régence, ou qu’un pâle rayon du siècle de Louis XV avait pénétré dans la salle, sur la scène et dans les coulisses ; c’était une aurore, aurore boréale toutefois, tant elle était à la fois éloignée des destinées passées et du destin futur de l’Opéra.