Si j ajoute à toutes ces merveilles la variété des traits de la physionomie, leur mobilité à se ployer, et à se déployer pour exprimer énergiquement les sensations, et les affections de l’âme ; si je parle du langage des yeux, du feu qui en animant les regards, embrase, éclaire et vivifie tous ses traits, et les grouppes variés, que les passions y impriment ; si je joins à tant de facultés sublimes la variété des sons et des infléxions de la voix, ses modulations naturelles, la finesse de l’oreille, son tact et sa sensibilité ; enfin les gestes éloquents qui en résultent, et forment un langage universel, on trouvera dans cette richesse de moyens, les principes innés de la danse, et de la pantomime sans règle, de la musique, et de la mélodie sans étude. L’homme, condamné dès sa naissance à la peine et au travail, eut besoin de délassement ; ce besoin devint actif ; il sentit que la joye, et le plaisir pouvoient seuls le consoler des fatigues de la journée ; pour éxprimer ses sentimens, il sauta, gambada, et trépigna, fit des bonds, frappa dans ses mains en signe d’allégresse ; ses bras s’associèrent aux mouvements de ses pas et de son corps ; les sons éclatants de sa voix se réunirent à son action ; les traits de sa physionomie s’animèrent ; ses yeux éxprirnèrent le sentiment de la joye ; et ses mouvemets toniques peignirent de concert le plaisir, et le bonheur.
Une surprise subite vous arrête, vous éprouvez une émotion générale, vos regards comme absorbés restent dans une sorte d’immobilité, votre âme entière se rassemble sur une foule d’objets qui l’occupent à la fois ; mais bientôt rendue à son activité, elle parcourt les différentes parties du tout qui l’avait frappée, sa chaleur se communique à vos sens, vos yeux lui obéissent et la préviennent : un feu vif les anime ; vous apercevez, vous détaillez, vous comparez les attitudes, les contrastes, les coups de lumière, les traits des personnages, leurs passions, le choix de l’action représentée, l’adresse, la force, la hardiesse du pinceau ; et remarquez que votre attention, votre surprise, votre émotion, votre chaleur, seront dans cette circonstance plus ou moins vives, selon le différent degré de connaissances antérieures que vous aurez acquis, et le plus ou le moins de goût, de délicatesse, d’esprit, de sensibilité, de jugement, que vous aurez reçu de la nature. […] Les mots d’imagination, de génie, d’esprit, de talent, ne sont que des termes trouvés pour exprimer les différentes opérations de la raison : il en est d’eux à-peu-près comme des divinités inférieures du paganisme : elles n’étaient aux yeux des sages, que des noms commodes pour exprimer les divers attributs d’un Dieu unique ; l’ignorance seule de la multitude leur fit partager les honneurs de la divinité. […] Au reste soit que la vérité triomphe enfin de l’erreur, soit que le préjugé plus puissant demeure le tyran perpétuel des opinions contemporaines, que nos illustres modernes se consolent et se rassurent : les ouvrages du dernier siècle sont regardés maintenant sans contradiction, comme des chefs-d’œuvre de la raison humaine, et il n’est pas à craindre qu’on ose prétendre qu’ils ont été faits sans enthousiasme : tel sera le sort, dans le siècle prochain, de tous ces divers monuments glorieux aux Arts et à la patrie, qui s’élèvent sous nos yeux.
voilà ce qui tient du prodige, et voilà ce que nous avons vu, de nos propres yeux vu ! […] James n’a d’yeux que pour la sylphide, qu’il s’efforce de saisir et qui toujours se dérobe. […] Un admirateur anonyme analyse de la façon suivante le style que Mlle Taglioni porta, dans la Sylphide, à son point culminant : « …Les lignes télégraphiques, les figures géométriques disparaissent ; plus de ces poses laborieusement voluptueuses, plus de ces scènes soi-disant lascives, qui se jouent avec le sourire et les yeux ; plus de coudes pointus, de poignets cassés, de petits doigts détachés ; en un mot, rien qui sente le travail d’une profession, les artifices d’un métier, les caractères d’une école. […] Précurseurs du préraphaélitisme, ils faisaient de Marie une vierge à la Boticelli, touchante de candeur éthérée et portant dans les yeux cet air de mélancolie qui exprime la nostalgie du ciel. […] Car sur toi l’œil impur ne trouve point de place ; Mais toujours le regard se repose enchanté, Et de ta chaste majesté Tout mouvement est une grâce Toute pose est une beauté84.
Il prenait à leurs yeux les proportions d’un Prométhée dérobant le feu du ciel. […] Le 12 juillet, Charles Maurice écrit : « Il est difficile d’être plus jolie, d’avoir des yeux plus ravissants que Mlle Fanny, et d’être plus majestueuse que Mlle Thérèse. […] « Le talent de Mlle Fanny Elssler, dit une note du 19 août, consiste dans une très grande vivacité, une vigueur étonnante, de la précision au milieu de ce désordre apparent, de riches pointes, une abondance d’entrechats bien passés, beaucoup de souplesse, des jambes qui se portent moelleusement plus qu’à la hauteur de la hanche, et des yeux, des airs de tête singulièrement agaçants. […] Il n’avait plus d’yeux que pour la débutante ; du premier coup il fut conquis. […] elle ne pouvait plus y danser, depuis que s’étaient fermés ces deux yeux si brillants et si vifs qui la regardaient avec amour.