Tout ce qui est trop précis finit par lui nuire ; elle-même nuit toujours à l’action : par nature, elle l’arrête, elle la fixe.
Néron masqué indécemment courait les rues de Rome pendant les nuits, tournait en ridicule la gravité des Sénateurs, et déshonorait sans scrupule les plus honnêtes femmes de Rome.
La joie sainte des solennités, qui, en passant de l’âme jusqu’au sens, devint bientôt moins pure, les deux sexes qu’elles rassemblaient, la nuit, si propice à la séduction, qui était le temps marqué pour la célébration de presque toutes les grandes Fêtes, plus que tout cela, peut-être le refroidissement de la ferveur, qui ne fut plus capable dès lors d’étouffer les autres mouvements, voilà quels furent les principes d’un débordement intolérable, qui dégrada des pratiques autrefois dignes de louanges.
Mais depuis Auguste, l’Empereur Tibere voulant réformer le luxe de Rome, & les fêtes licentieuses qu’on y célébroit de son tems, abolit entre autres celle des Saturnales, où il se commettoit des crimes effroyables pendant la nuit, dans des lieux souterrains faits exprès pour cette solemnité. Cependant les Romains ne voulant pas perdre entierement l’usage de leurs plaisirs, pendant ce tems de réjouissance, s’aviserent d’inventer des mascarades nocturnes ; chacun alloit déguisé chez ses amis, où il y avoit festin ou assemblée, y portoient des Momons, comme je l’ai vû pratiquer il y a trente ou quarante ans, dans Paris ; d’autres couroient les rues la nuit & le jour, ainsi qu’il est rapporté dans Pétrone, au sujet de Néron, qui se plaisoit d’insulter les passans. […] Je me souviens à propos du Carnaval, d’une critique que l’on trouve dans le cinquiéme tome des Mémoires de l’Espion Turc, sur l’usage que tous les Catholiques font de ce tems de réjouissance : il dit que ceux qui professent la Religion Romaine, ont un mois dans l’hyver où la plûpart du peuple de l’un & de l’autre séxe, même des gens du premier ordre, se masquent, les uns pour courre le bal la nuit, d’autres pour courre le jour dans les rues, comme des fous ; & que leur folie finit le Mercredi des Cendres, où tout le peuple va le matin dans les Eglises, se mettre à genoux devant des Prêtres qui leur font une croix au front avec une cendre qui a la vertu de les remettre dans leur bon sens.