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186. (1887) Ces Demoiselles de l’Opéra « VII. Brelan d’astres » pp. 134-175

Taglioni, qui n’est aujourd’hui pour nous, comme les Gardel, les Montessu et les Bigottini pour les gens de l’Empire, qu’un madrigal dans un mot, et qui, aux yeux de nos pères, représentait la Danse comme la Malibran représentait la Musique : l’une, le sourire aux lèvres, les bras harmonieusement étendus, la pointe du pied sur la pointe d’une fleur ; l’autre, un flot de cheveux noirs déroulé sur de blanches épaules, une joue pâle appuyée sur une main diaphane, un œil lustré par les larmes, — nos deux fées, s’est écrié quelque part Théophile Gautier, les fées que nous invoquions pour nous inspirer, nous autres romantiques qui ne croyons plus aux Muses ! […] Marie Taglioni était une danseuse chrétienne, si l’on peut employer ce mot à propos d’un art proscrit par le catholicisme ; elle ressemblait à une âme.

187. (1909) Une vie de danseuse. Fanny Elssler « Chapitre VIII. victoires et revers  » pp. 262-319

Lorsque, à la fin du spectacle, le bruit des ovations se fut un peu apaisé, Fanny s’avança près de la rampe et, les yeux pleins de larmes, prononça ces mots : « Nous prenons congé de vous le cœur accablé ; jamais, jamais nous ne vous oublierons. » Elles partirent, suivies d’unanimes regrets, auxquels se mêlait un sentiment de colère contre Paris, « l’heureux Paris, digne d’envie, disait l’Allgemeine Theaterzeitung, la cité orgueilleuse et avide, qui sait attirer à elle ce qu’il y a de grand, de beau, d’excellent, de n’importe quel pays, et qui, de temps en temps seulement, daigne envoyer au dehors ses favoris pour quelques semaines à peine126 ». […] On lui appliqua le mot de Tieck : « C’est un de ces chants suaves qui ne touchent point la terre, qui passent d’une marche ailée dans l’or du crépuscule et de là-haut saluent le monde. » D’autres soupiraient un vers italien : E passato il tempo che Fanni ballava. […] « L’on peut dire hardiment que Mlle Fanny Elssler est la plus belle des femmes qui sont maintenant au théâtre ; d’autres ont peut-être quelques portions d’une perfection plus achevée, des yeux plus grands, une bouche plus heureusement épanouie, mais aucune n’est si complètement jolie que Fanny Elssler ; ce qui est séduisant chez elle, c’est l’harmonie parfaite de sa tête et de son corps ; elle a les mains de ses bras, les pieds de ses jambes, des épaules qui sont bien les épaules de sa poitrine ; en un mot, elle est ensemble ; qu’on nous passe ce terme d’argot pittoresque ; rien n’est beau dans elle aux dépens d’autre chose.

188. (1887) Ces Demoiselles de l’Opéra « X, les étoiles d’aujourd’hui. » pp. 204-

Je cueille Rosita Mauri au vol — c’est le mot — au moment où elle va sortir.

189. (1909) Une vie de danseuse. Fanny Elssler « Chapitre VII. le diable boiteux  » pp. 220-261

Il est fort compréhensible que ces habitudes qui paraissaient « agaçantes » aux uns avec le sens élogieux qu’avait le mot en 1830, l’aient été pour d’autres avec la signification fâcheuse que nous lui donnons aujourd’hui. […] Digne porte-paroles d’une génération attachée à la matière, mais qui avait volontiers les mots d’idéal et de vertu à la bouche, le critique du Journal des Débats célébrait une fois de plus, à l’occasion de la reprise de la Sylphide, la chasteté de Mlle Taglioni : « Quand l’Opéra a revu sa grande passion — Taglioni qui lui revenait — l’Opéra l’a d’abord applaudie, avec cette admirable fureur que vous savez ; puis bientôt le plus grand silence a commencé.

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