Robinet, lettre du 13 février 1667 Ils avaient cet ANGE auprès d’eux Qu’ont mis au Jour leurs premiers Feux, La mignarde MADEMOISELLE, Comme un Ange spirituelle, Avec la PRINCESSE MIMI,76 Personne importante, vraimi. C’est elle qui, sur la Fougère, Quand notre HÉROÏNE est BERGÈRE, Dans le grand BALLET des Neufs SŒURS, Fait trembler les Loups ravisseurs, Comme l’a mis dans son beau Livre, Qui fera MIMI toujours vivre, BENSÉRADE, que, sans abus, On peut dire notre PHÉBUS.
On me dira qu’il n’apartient pas à tout le monde de faire des liures, qu’il ne faut pas mettre au iour ses fantasies mal à propos, & qu’auant que les coucher à la presse il les faut esprouuer, & sans effronterie sonder si on aura autant d’asseurance que le papier : en fin que ceux qui postposent toute autre consideration à celle de se faire cognoistre ce n’est pas merueilles s’ils sont cogneus à leur desaduantage, & si la bonne opinion qu’on auoit de leur esprit s’est alterée quand on l’a veu marqué d’ancre. Ie ne mets point toutes ces choses en debat elles sont sans replique, & ne suis pas de ceux qui sacrifieroient à l’impertinence, mais de n’espargner pas mesmes tant de braues gens qui ont si long temps & si heureusement conuersé sur ceste montaigne tant renommée du Dieu des sciences, & qui ont si dignement traité ce qu’ils ont entrepris, que me peut-on respondre, sinon que comme chasque chose tend à son centre, de mesme nostre inclination par le mal-heur auquel nous engagea la desobeissance premiere se porte naturellement au mal, comme à son obiect plus souhaitable, où elle se lie si estroitement que nous ne l’en pouuons separer que par violence, ie veux dire par vne soigneuse estude de la vertu qui pressupose tousiours du contraste. Mais d’autant que la deprauation de nostre nature nous fait trouuer ce combat trop penible, il est extra-ordinaire de voir quelqu’vn qui ne se laisse emporter à l’influence de son astre, ce que n’ignorant pas, ce seroit perdre la cognoissance de moy mesme, de m’imaginer pouuoir estre plus heureux qu’vne infinité de beaux esprits, qui ont esté mis au monde pour y estre admirez de mes semblables, & qui pourtant ne se sont peu affranchir de l’agitation de tant de vents contraires. […] Il est vray, ce n’est pas mon mestier que la danse, ny certes ma resolution de mourir en l’exerçant, mais en vn temps & en vn pays où ie me trouue engagé de mettre en pratique ce que poussé de mon inclination i’auois autre fois appris pour mon contentement particulier, & par maniere d’exercice, c’est ma gloire de m’en pouuoir aquitter sciemment, & contenter ensemble ceux qui m’imitent, & cest essay me seruira de garand que la vanité ne me donne point ces paroles, car quiconque entrera en quelque experience de son vtilité, il n’y rencontrera que des actions, ou la bien seance se remarquera tousiours, comme en son element plus necessaire. […] C’est à vous Messieurs qui y auez de l’interest, de donner desormais vn meilleur ordre à la duree de vostre reputation que le tacite consentement, qu’il semble que vous donnez aux abus (par vostre souffrance) va portant dans le mesme tombeau ou la negligence de nos deuanciers a mis l’origine des Danses, dont la recherche seroit inutile : car nostre malheur est tel que nous n’en auons quasi rien de certain.
Des Bals publics Le nombre multiplié des Bals masqués pendant le règne de Louis XIV avait mis au commencement de ce siècle cet amusement à la mode. […] On peut mettre au nombre des Bals publics ceux que la Ville de Paris a donnés dans les occasions éclatantes, pour signaler son zèle et son amour pour nos rois ou pour célébrer les événements glorieux à la France. […] Mais ils étaient sans fonds et ils demandèrent à Henri IV pour fournir à cette dépense la permission de mettre un Impôt sur les Robinets des Fontaines. […] Ce Magistrat que la postérité, pour l’honneur de notre siècle, mettra de niveau avec les hommes les plus célèbres du siècle de Louis XIV107, sut bien changer une cour irrégulière, en une salle de Bal la plus magnifique qu’on eut vue encore en Europe, et un édifice gothique, en un Palais des Fées.
Mais s’ils s’arrogent des droits tout-à-fait impertinens, ce n’est point leur faute ; qu’on s’en prenne à ceux qui pourraient mettre un frein à leur orgueil, & qui les laissent tranquillement former un Aréopage aussi indécent que ridicule. […] Le soleil, en se montrant sur l’horizon, efface par sa vive lumière, tous les objets les plus brillans : je vais aussi faire fondre, dissoudre, éclipser tous les infiniment petits, à qui la manie d’écrire met la plume à la main. […] j’ai eu le bonheur de concevoir l’idée des Ouvrages que je mets au jours, en faisant le saut de carpe & celui du tremplin. […] Je grossirai les Dictionnaires des Auteurs vivans : que j’aurai de plaisir à voir mon nom moulé dans un Livre où l’on ne met sans doute que celui des gens illustres !