Celui qui a fait le premier opéra à Naples, arrive à Milan pour composer le second ; celui qui a fait le premier opéra a Milan, part pour aller composer le second à Turin, Vous voyez, que tous ces hommes de mérite font la navette.
Un pareil hommage rendu au mérite, honore autant ceux qui l’ont offert, que celui au quel il fut présenté.
Toutes les deux sont fondées sur la force de l’imagination pour bien inventer leurs productions, & sur la solidité du jugement pour les bien conduire : elles ne sçavent choisir que des sujets qui soient dignes d’elles, & se servir des circonstances & des accidens qui les font valoir ; comme elles sçavent rejetter tout ce qui leur est contraire, ou qui ne mérite pas d’être représenté. […] Il s’est même trouvé d’excellens Peintres & de très-habiles Sculpteurs, qui pénétrez du mérite de leur art, consacrerent aux Dieux leurs ouvrages, croyant que les hommes en étoient indignes. […] On sçait encore que ce Peintre ayant un jour laissé tomber un pinceau en faisant le portrait de Charles-Quint, cet Empereur le ramassa ; & que sur le remerciment & l’excuse que Titien lui en faisoit, il dit ces paroles : Titien mérite d’être servi par César. Mais supposé que l’idée de la Peinture, à la considérer dans sa perfection, ne soit pas encore bien établie, si celle que l’on conçoit aujourd’hui n’avoit pas un fond de mérite, par toutes les connoissances qu’elle renferme, & pour tout ce qu’elle est capable de produire sur les esprits, d’où viendroit la passion qu’ont pour elle les grands Seigneurs & tant de gens d’esprit, & que ceux mêmes qui ont de l’indifférence pour cet art, n’oseroient l’avouer sans rougir. […] J’aurois pû me prévaloir ici d’une infinité d’autoritez des Auteurs les plus célébres pour soutenir le mérite de la Peinture, si je n’avois appréhendé de rendre cette Dissertation trop longue.
La fortune de son extérieur, l’agaçante94 finesse de son regard, le dessin de son col, la beauté de ses épaules, la grâce de ses bras, l’élégance de son ensemble, la légèreté de sa danse et le charme de son mérite promettent à cette artiste un succès… véronien. » En même temps qu’il donnait cet alléchant portrait de Fanny, le directeur du Courrier des Théâtres essayait de faire vibrer pour elle de puissantes sympathies en touchant une corde particulièrement délicate. […] Il était impossible de trouver un plus frappant contraste avec le mérite, si justement apprécié, de Mlle Taglioni, dont la danse est toute ballonnée (c’est encore un terme de l’art)98. » Ce langage était infiniment plus précis et mieux approprié que celui du maître de la critique d’alors, de Jules Janin. […] Mlle Taglioni mérite tous les bravos, tous les applaudissements ; cependant il nous semble que ceux-ci avaient l’air d’être prodigués comme compensation au brillant et légitime succès de Mlle Elssler, et en cela les auteurs du divertissement se sont montrés maladroits. » La Revue de Paris était taglioniste. […] Elle prétend que, la claque ayant été supprimée pour la circonstance, ce sont les spectateurs payants qui auraient seuls applaudi, et, comparant ce résultat à celui qui n’aurait été obtenu six jours auparavant, à la Tempête, qu’avec le secours de mains mercenaires, elle ajoute méchamment : « Nous espérons qu’un jour Mlle Elssler pourra répudier les bruyantes acclamations qui couvrent le petit bruit de ses petites pointes, et que le public artificiel du lustre laissera faire au public sérieux. » Le grand public fut invité à se prononcer sur les mérites des deux rivales.