Toutes mes vues, toutes mes idées ne tendent uniquement qu’au bien, et à l’avancement des jeunes danseurs, et des maîtres de ballets : qu’ils pésent mes idées, qu’ils se fassent un genre neuf ; ils verront alors que tout ce que j’avance peut se mettre en pratique et réunir tous les suffrages.
Je veux encore que les pas soient placés avec autant d’esprit que d’Art, & qu’ils répondent à l’action & aux mouvements de l’ame du Danseur ; j’exige que dans une expression vive on ne forme point de pas lents ; que dans une Scene grave on n’en fasse point de légers ; que dans des mouvements de dépit on sache éviter tous ceux qui ayant de la légéreté, trouveroient place dans un moment d’inconstance ; je voudrois enfin que l’on cessât d’en faire dans les instants de désespoir & d’accablement : c’est au visage seul à peindre ; c’est aux yeux à parler ; les bras même doivent être immobiles, & le Danseur dans ces sortes de Scenes ne sera jamais si excellent que lorsqu’il ne dansera pas ; toutes mes vues, toutes mes idées ne tendent uniquement qu’au bien & à l’avancement des jeunes Danseurs & des nouveaux Maîtres de Ballets ; qu’ils pesent mes idées, qu’ils se fassent un genre neuf, ils verront alors que tout ce que j’avance peut se mettre en pratique & réunir tous les suffrages.
La danse Sacrée étoit encore admise dans les funérailles des Payens, comme on le voit dans Platon, Livre 12 de ses Loix, en parlant de la pompe funébre des Gouverneurs d’Athenes : il dit que ceux qui formoient le convoi étoient vétus de blanc ; il y avoit autour du cerceuil deux rangs de quinze filles qui dansoient, & une autre troupe de jeunes garçons qui précedoient le corps, en dansant au son des flutes & d’autres instrumens à l’usage des pompes funébres ; les Prêtres chantoient alternativement des Hymnes & des Cantiques en l’honneur du défunt : il y avoit dans ces convois des femmes d’une extrême vieillesse & vétues lugubrement, qui faisoient les pleureuses ; elles étoient payées à proportion des larmes qu’elles répandoient.
Il voudra exiger les mêmes moyens dans son écolier que ceux dont la nature le fait jouir ; il rapportera tout à lui, sans s’appercevoir ni des différences, ni des difficultés que l’écolier ne peut vaincre, parce que la nature s’y oppose ; qu’elle se prête, mais qu’elle ne se change point, ou qu’elle ne peut changer que dans un âge tendre, où les os même n’ont pas encore acquis leur dernier dégré de solidité ; ils sont dans cette circonstance l’image du jeune arbrisseau qui, malgré son penchant, obéit et prend la direction que le jardinier lui impose : de même, le maître habile guétera la nature, l’assujétira à ses desseins, et d’une main industrieuse, il lui donnera des formes étrangères à son inclination et à ses penchants.