Preuves de la possibilité de la Danse en action La parole n’est pas plus expressive que le geste. […] [Voir Geste, Geste (Danse), Geste (Chant du Théâtre)] Mais la Peinture n’a qu’un moment qu’elle puisse exprimer.
Mais comme il est aussi difficile de marcher, sans s’égarer, dans les routes obscures de l’antiquité, que d’anatomiser des objets presque décharnés , et de distinguer exactement ceux dont la forme se perd dans l’immesurable distance des siècles, il faut présumer avec les commentateurs raisonnables, que les anciens avoient des gestes de convention, qui devenoient les signes représentatifs de telle ou telle chose, j’en ai parlé avec assez d’étendue dans mes lettres précédentes ; j’ai même avancé qu’il a existé des dictionnaires explicatifs de tous les gestes possibles. […] La pantomime est purement celui des sentimens et des affections de l’âme exprimés par les gestes. […] La pantomime ou l’art du geste, étoit associée chez eux à la déclamation des pièces de théâtre. […] Voilà le spectacle, non tel qu’il étoit chez les Grecs dans sa création, mais tel qu’il existoit à Athènes et à Rome, dans le tems de sa perfection, si le geste étoit expliqué par la poésie ; si la pantomime étoit fortifiée par les Interlocuteurs, qui étoient à la tête des chœurs, il n’est pas étonnant que les gestes qui accompagnoient le dialogue, fussent entendus de tout le monde, j’ai employé la pantomime de la même manière et avec succès dans les opéras d’Alceste, d’Orphée, d’Helene et Paris, de la composition du célèbre Gluck. […] Le tonnérre gronde, les éclairs percent la nue, les flots de la nier s’élèvent avec fracas, le ciel s’obscurcit, la terre tremble, un bruit souterrain se fait entendre ; la tombe s’ouvre, l’ombre de Lybas se lève, fait un geste menaçant, accépte le combat et descend de son tombeau.
Tout doit peindre, tout doit parler chez le danseur ; chaque geste, chaque attitude, chaque port de bras doit avoir une expression différente. […] Je crois, Monsieur, que l’art du geste est resserré dans des bornes trop étroites pour produire de grands effets. […] Les anciens étoient nos maîtres à cet égard, ils connoissoient mieux que nous l’art du geste ; et c’est dans cette partie seule de la danse, qu’ils l’emportoient sur les modernes. […] Le geste est un trait qui part de l’âme ; il doit faire un prompt effet et toucher au but, lorsqu’il est vrai. […] Tel est le danseur dont la figure ne dit rien, tandis que ses gestes ou ses pas expriment le sentiment vif dont il est agité.
S’ils sentent foiblement, ils exprimeront de même ; leurs gestes seront froids, leur physionomie sans caractère, leurs attitudes sans passions. […] les gestes ne sont-ils pas l’ouvrage de l’âme, et les interprètes fidèles de ses mouvemens ? […] L’art de la pantomime est sans doute plus borné de nos jours qu’il ne l’étoit sous le règne d’Auguste ; il est quantité de choses qui ne peuvent se rendre intelligiblement par le secours des gestes. […] Servandoni ne réussissoit pas, ce n’étoit pas faute de gestes ; les bras de ses acteurs n’étoient jamais dans l’inaction ; cependant ses représentations pantomimes étoient de glace ; à peine une heure et demie de mouvemens et de gestes, fournissoit-elle un seul instant au peintre. […] Ne dansant point, il devient étranger au ballet ; son expression dailleurs étant dépourvue des graces que la danse prête aux gestes et aux attitudes, paroît moins animée, moins chaude et conséquemment moins intéressante.