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134. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre XI. » pp. 145-156

J’ai connu des danseurs qui ont trouvé l’art de dérober ce défaut à tel point qu’on ne s’en seroit jamais apperçu, si l’entrechat droit et les temps trop forts ne les avoient décelés. […] Si l’art peut alors l’emporter sur la nature, de quels éloges le danseur ne se rend-il pas digne ? […] On comprend au surplus que si ce vice de conformation venoit de la difformité des os, tout travail seroit inutile et les efforts de l’art impuissans. […] Leur vigueur les abandonne-t-elle un instant, ils sont gauches ; ils ignorent l’art de dérober leur situation par des temps simples qui, n’exigeant aucune force, donnent toujours le tems d’en reprendre de nouvelles ; ils ont de plus très-peu d’élasticité, et percutent rarement de la pointe. […] L’art consiste à tirer parti de ces imperfections, et je connois des danseurs qui, par le moyen des effacemens du corps, dérobent habilement la longueur de leurs bras ; ils en font fuir une partie dans l’ombre.

135. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XVI. » pp. 160-172

Cette heureuse tentative m’engagea à la tourner du côté de mon art et à en faire une seconde dans quelques scènes de mes ballets, lorsque les circonstances me le permettroient. […] J’entendrai dire à la plupart des maîtres de ballets, si toutefois ils me lisent, que cette action est noire, que la danse ne doit offrir que des images riantes, que les sujets tristes doivent être absolument proscrits, et que l’art n’exige que de la gaieté et de l’enjouement. […] Petersbourg mon ballet de Médée, et la sensation qu’il a généralement faite, m’a valu de la part de sa Majesté l’Empereur une marque de distinction d’autant plus flatteuse que je n’avois aucun titre à la solliciter auprès de ce grand Prince protecteur des arts et ami des sciences. […] Il ne m’avoit pas écrit depuis vingt ans, et à dater de cette époque, il savoit que je m’occupois à écrire sur mon art, à l’embellir par des productions nouvelles, et à rendue un compte fidèle des voyages et des entreprises de mon imagination. […] Après une digression dont mon coeur avoit besoin, je reviens aux maîtres de ballets qui sont pour moi des êtres parfaitement inutiles à un art que j’ai embelli.

136. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur la poétique du ballet et de l’opéra »

C’est proprement le secret de l’art, et l’écueil ordinaire de presque tous les auteurs qui ont tenté de se montrer sur le théâtre de l’opéra. […] En réduisant donc les choses à un point fixe qui puisse être utile à l’art, il est démontré, 1°. […] Heureux les auteurs qui, bien convaincus de cette vérité, auront l’art de couper les leurs comme Quinault, s’il vivait aujourd’hui, les couperait lui-même. […] Un auteur moderne, en le maniant d’une manière ingénieuse, a montré que le malheur de cette première tentative ne devait être imputé ni à l’art ni au genre. […] L’art d’amener les fêtes, de les animer, de les faire servir à l’action principale, est fort rare : cependant, sans cet art, les plus belles fêtes ne sont qu’un ornement postiche.

137. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 25 septembre. Raden Mas Jodjana, danseur classique. »

Mas Jodjana, fils d’un haut et puissant seigneur de son pays, fut — éducation de prince — instruit, dès l’âge de douze ans, dans l’art de la danse. Ayant participé aux divertissements solennels dont la cour de l’empereur de Solo a conservé la tradition, il a passé en Europe avec l’ambition de faire connaître à l’Occident l’art de sa race, cette race si altière et si rêveuse que nous ne connaissons que par les romans d’aventures de Joseph Conrad, le grand écrivain anglo-slave. […] Et en même temps le vocabulaire de ce langage est si riche, les nuances si parfaitement différenciées, que la perfection de cet art, où tout est prévu, voulu, n’apparaît jamais monotone.

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