L’abbé Du Bos [Dubos], à la suite de ses réflexions sur la Poésie et la Peinture, a fait un volume entier pour établir un système tout à fait nouveau sur la Musique et la Danse des Grecs et des Romains. […] Premièrement les parties mécaniques de la Musique, du Chant et de la Danse des Grecs et des Romains étaient évidemment pour le fond, pour les principes, et à plusieurs égards, pour la forme les mêmes que les nôtres. […] Or il est évident que si la Danse théâtrale ancienne n’avait pas été formée des pas, des attitudes, des mouvements de la Danse simple, si elle avait eu un autre fond, en un mot si elle n’avait pas été une vraie danse, les Grecs et les Romains, les plus exacts de tous les hommes dans la dénomination des Arts qui leur furent connus, ne se seraient pas servis d’un seul mot générique pour les désigner l’une et l’autre. […] Troisièmement, la diversité des effets de la Danse théâtrale ancienne et de la nôtre, qui a induit l’Abbé Du Bos dans la plus grande erreur, se concilie fort aisément avec la certitude dans laquelle il aurait dû être, lui qui connaissait si bien l’antiquité, que les Grecs et surtout les Romains, ont porté cet Art infiniment plus loin que nous ; et c’est ce qu’on verra sans obscurité par le détail des faits que j’ai recueillis, pour former la suite historique de cet Ouvrage. […] Celle du nôtre lui est cependant très supérieure5 ; et je prouverai, malgré cela qu’elle n’est encore en comparaison de celles des Romains, que dans l’état où se trouverait un jeune homme rempli de dispositions heureuses, avant que des maîtres habiles les eussent développés.
On a encore donné ce nom à toutes les Danses que les Égyptiens, les Grecs et les Romains instituèrent à l’honneur de leurs faux Dieux, à celles qu’on pratiquait dans la primitive Église, et à toutes les autres, en un mot, qui, dans les différentes Religions du monde, ont fait partie du culte reçu.
Les Egyptiens sont les premiers parmi les Payens, dont les Prêtres ayent exprimé par des danses caractérisées les Mysteres de leur Religion : les Grecs ont encheri sur eux en ce point, comme on le voit dans l’histoire de leurs Corybantes ; & les Romains les ont imitez, en faisant entrer les danses dans la célébration de leurs Fêtes & dans leurs Sacrifices. […] Un semblable motif fit abolir sous l’empire de Tibere, les Saturnales, instituées en l’honneur de Saturne, parce que les danses qui s’y étoient introduites étoient devenues trop licentieuses ; & l’on bannit de Rome tous les Maîtres de Danse, pour avoir composé des Danses Nuptiales, qui exprimoient toutes les libertez de l’amour : ce qui a fait dire à Cornelius-Nepos que dès le tems d’Auguste les Romains regardoient déja la Danse comme un art qui peut contribuer au deréglement des mœurs, en quoi ils ne s’accordoient pas, dit il, avec les Grecs, qui l’estimoient nécessaire pour la politesse de la vie civile & l’exercice du corps. Je fais voir que les Romains, pour se dédommager des suppressions de ces fêtes, inventerent sous l’empire de Néron, des Mascarades ou des Bals masquez, dont nous avons retenu l’usage pendant le Carnaval, & y avons ajouté des regles pour éviter les désordres qui peuvent arriver dans les assemblées nocturnes : je fais aussi quelques descriptions des Bals de céremonie donnez dans les Cours de l’Europe, avec des preceptes pour leur usage, comme je les ai vû observer en France & dans les Cours Etrangeres.
J’en puis rendre ce témoignage, Grâce aux Dieux, je vis cet Ouvrage, Ouvrage fin et délicat, Dont Monsieur l’Éminent Légat, Eut dans une superbe Salle À Fontainebleau le Régale ; Il la vit attentivement, Il y prit grand contentement ; Et malgré son humeur hautaine, Quittant la gravité Romaine, Il rit fort aux endroits plaisants, Aussi bien que nos Courtisans.
L’étonnement augmente encore lorsqu’on considère que ceux qui en ont écrit avec tant d’enthousiasme, étaient l’élite des Grecs, et des Romains, Peuples les plus délicats, et les plus difficiles qu’il y ait jamais eu sur les Beaux Arts, et surtout, sur les Représentations théâtrales. […] 9Je n’ignore pas qu’il y a eu des Auteurs modernes qui ont avancé que la Danse des Anciens appelée Saltatio par les Romains, et Orchesis par les Grecs, n’était que l’art de jouer par les gestes une Action Dramatique quelconque, soit qu’elle eût été déjà composée par des Poètes célèbres pour être déclamée, ou chantée, soit qu’elle eût été imaginée expressément pour être donnée en Pantomime, de manière que la Saltation (qu’on me passe ce terme) n’était à la bien prendre, que cette même Pantomime dans laquelle les Anglais s’exercent de nos jours. […] 12Mais si les Danseurs Pantomimes représentaient des sujets tragiques ; si leurs Spectacles étaient préférés à la Tragédie simplement récitée ; si à côté des grands noms de Roscius, d’Andronicus, et d’Esope Comédiens, on trouve placés ceux de Pylade, de Bathylle, de Dyonisia, et de tant d’autres Pantomimes célèbres ; si la passion extrême que les Romains avaient pour leurs représentations alla jusqu’à partager le peuple en deux factions, les verts et les bleus, qui ont subsisté même après la décadence de l’Empire ; il est hors de doute que ces Danses faisaient alors sur les Spectacles des impressions beaucoup plus vives que le simple jeu des Comédiens ; et il me paraît démontré, ce que Lucien assure, et que j’ai rapporté plus haut, que des Peuples tels que les Grecs et les Romains pleuraient aux Danses Pantomimes tragiques, tout de même qu’aux Tragédies déclamées.
Je dois avouer que non seulement elles sont très commodes pour les danseurs, et qu’elles conviennent beaucoup mieux à l’imitation de la coiffure des Grecs et des Romains etc. que des cheveux frisés et poudrés ; En l’année 1762 je déclarai la guerre aux énormes perruques de l’opéra parce qu’elles étaient ridicules et qu’elles s’opposaient à la vérité du costume et aux proportions que la tête doit avoir avec le buste : mais je ne proscrivis pas celles qui pouvoient les établir, car j en fis un usage constant dans tous les caractères qui exigeoient de la vérité et de la ressemblance. […] Camille, cette fière Romaine étoit aussi élégament vétue que Cléopâtre, lorsqu’elle sortit de sa barque dorée pour subjuguer le coeur d’Antoine, et que le peuple la prit pour la mère de l’Amour ; mais une chose incroyable c’est que je ne pûs parvenir a faire mettre des casques aux Horaces et aux Coriaces, et à laire disparoitre leur chevelure. […] J’avois beau leur crier qu’ils n’étoient pas Grecs, et qu’ils ne pouvoient l’être dans la représentation d’un sujet tiré, pour ainsi dire, du berceau des Romains. […] Eu comparant le costume actuel avec celui des Romains, nous toucherons aux deux extrêmes.
Les Grecs n’ont point eu ce genre, il semble entièrement appartenir aux Romains.
La Danse étoit si recommandable dans les premiers tems, que Lucien dit qu’elle ne fut point admise dans les jeux Olympiques, parce que les Grecs ne crurent pas avoir des prix dignes d’elles ; mais que dans la suite des tems, les habitans de la Colchide l’ajouterent à leurs jeux publics : ce qui passa en usage chez les Grecs, chez les Romains, & presque dans toutes les villes du monde. […] Nous la voyons même en usage dans les cérémonies du Corps du Parlement de Paris, & d’autres Tribunaux du Royaume, où l’on pratique les révérences & les pas, qui marquent son antiquité ; elles paroissent tirées de l’Aréopage & du Sénat des Romains. […] Platon, dans ses loix, en parlant des Danses, approuve les unes & condamne les autres : il les divise en utiles & agréables ; il en bannit les deshonnètes, comme celle des Toscans, composées de postures lascives & indécentes, que l’on dansoit aux fêtes Saturnales & Baccanales, & telles que les danses Nuptiales chez les Romains du tems de Tibere. […] Les Romains, à l’exemple des Anciens, avoient coutume d’aller souhaiter la bonne année aux grans Seigneurs, avec des accompagnemens de musique, des danseurs & des danseuses ; il y avoit une danse particuliere pour ce jour-là, au dire de Virgile : chaque fête avoit la sienne. […] Domitien chassa même du Sénat quelques Sénateurs, pour avoir publiquement dansé de ces sortes de danses ; par rapport au respect que les Romains avoient encore pour la danse Sacrée, & les danses graves & sérieuses.
Le nom de Chœur est demeuré à cette partie des Eglises Romaines où les Prêtres chantent & font leurs cérémonies, & où l’on dansoit aussi quelquefois il n’y a pas fort longtems, aux chants des Cantiques & des Hymnes de réjouissance : cet usage avoit commencé dès la primitive Eglise. […] L’Histoire des Ordres Monastiques du Pere Héliot nous donne encore une certitude de l’origine de la danse sacrée dans la primitive Eglise ; il dit qu’il s’établit plusieurs Congrégations d’hommes & de femmes au commencement de la Religion Chrétienne, qui se retiroient dans les deserts, à l’exemple des Thérapeutes, pour éviter la persécution des Empereurs Romains ; & que les premiers Chrétiens s’assembloient dans les hameaux les Dimanches & les Fêtes, pour danser en rond en chantant des Pseaumes, des Hymnes & des Cantiques à la louange de Dieu ; ce qui se confirme aussi par l’apologie que Tertulien fit en faveur des premiers Chrétiens, au sujet de ces Danses Sacrées. […] Le Pape Zacharie l’an 744 fit le Décret que je rapporte ici pour les abolir dans toute l’étendue de l’Eglise Romaine, & toutes les danses qui se faisoient sous les apparences de la danse Sacrée. […] L’histoire Romaine nous fait voir que Numa Pompilius, après avoir été déclaré Roi des Romains l’an 40 de Rome, institua une danse Sacrée en l’honneur du Dieu Mars, par l’établissement de douze Prêtres danseurs qu’on nomma Saliens, qui furent choisis parmi la noblesse la plus illustre ; ils avoient pour habillement des hocquetons en broderie, & un plastron d’airain par-dessus, tenant des boucliers d’une main & des javelots de l’autre, lorsqu’ils alloient en dansant par la ville de Rome une danse composée exprès, & chantant des hymnes en l’honneur de Mars.
Comus, en effet, est regardé comme l’Inventeur de toutes les Danses, dont les Grecs et les Romains embellirent leurs Festins. […] Platon, le divin Platon mérita leur blâme, pour avoir refusé de danser à un Bal que donnait un Roi de Syracuse ; et le sévère Caton, qui avait négligé de s’instruire, dans les premiers ans de sa vie, d’un art qui était devenu chez les Romains un objet sérieux, crut devoir se livrer à cinquante-neuf ans, comme le bon M. […] Il passa ensuite, dans toutes les conquêtes des Romains, et après la destruction de l’Empire, les États qui se formèrent de ses débris, retinrent tous cette institution ancienne.
Ce que les Romains ont vu faire à Pylade et à Bathylle peut encore être exécuté par de jeunes gens exercés, qui ont tous les mouvements expressifs et faciles.
Le ballet passa des Grecs chez les Romains, et il y servit aux mêmes usages ; les Italiens et tous les peuples de l’Europe en embellirent successivement leurs théâtres, et on l’employa enfin pour célébrer dans les cours les plus galantes et les plus magnifiques, les mariages des rois, les naissances des princes, et tous les événements heureux qui intéressaient la gloire et le repos des nations. […] La danse figurée, ou la danse simple reprirent en France la place qu’elles avaient occupée sur les théâtres des Grecs et des Romains ; on ne les y fit plus servir que pour les intermèdes ; comme dans Psyché, le Mariage forcé, les Fâcheux, les Pygmées, le Bourgeois Gentilhomme, etc. […] Le théâtre lyrique qui peut compter à peu-près sur huit ou dix tragédies dont la réussite est toujours sûre, n’a pas plus de trois ou quatre ballets d’une ressource certaine ; l’Europe galante, les Eléments, les Amours des Dieux, et peut-être les Fêtes Grecques et Romaines. […] La danse de Terpsichore, du prologue des Fêtes Grecques et Romaines, doit être rangée aussi dans cette classe. […] Les Romains suivirent d’abord l’exemple des Grecs jusqu’au règne d’Auguste ; il parut alors deux hommes extraordinaires qui créèrent un nouveau genre, et qui le portèrent au plus haut degré de perfection.
Les Égyptiens, les Grecs, les Romains, et même les Juifs, les employèrent dans leurs rites religieux, et ensuite les introduisirent dans les fêtes et les divertissements publics. Peu à peu on dansa sur les théâtres, et les Grecs mêlèrent des danses à leurs tragédies et à leurs comédies ; les Romains imitèrent cet exemple jusqu’au temps d’Auguste, qui régala son peuple par des spectacles représentant des actions héroïques ou comiques, exprimées par les gestes et par des danses, qu’exécutaient Pylade et Bathyle, les deux premiers instituteurs de l’art des pantomimes.
Une ombre costumée à la Romaine me tira d’embarras ; c’étoit celle de Roscius, célèbre comédien. […] Les pantomimes n’étoient point des danseurs ; mais simplement des gesticulateurs : tous les Romains les entendoient parfaitement, parcequ’il y avoit. plusieurs écoles, où l’on enseignoit l’art de la saltation, qui n’est autre chose que l’art du geste ; ces écoles étoient fréquentées par les nobles, par les orateurs, et par le peuple.
Batyle et Pylade passoient pour les inventeurs de la pantomime ; mais c’est une erreur ; cet art étoit connu chez les Grecs ; Ampuse et Prothée l’avoient porté à sa perfection ; il est donc plus vrai de dire que Batyle et Pylade firent revivre cet art, et qu’ils l’introduisirent chez les Romains. […] Les Romains, pour conserver à leurs esclaves, cette souplesse que l’âge fait disparoitre, les transformoient eu eunuques ; cette amputation barbare s exerçoit particulièrement sur ceux que l’on destinoit a l’art de la scène.
J’aime à voir Auguste et Marc-Aurèle, qui sont de tous les empereurs romains les deux à qui il serait le plus glorieux de ressembler, honorer l’art dans la personne des grands Artistes ; mais j’éprouve un sentiment plus vif encore, lorsqu’en parcourant les Annales de Rome, je vois le Peuple, les Sénateurs, la Noblesse courir avec empressement au-devant de Pylade, l’entourer, le suivre dans les rues, et reconnaître par cet empressement honorable, la supériorité que le génie et les talents doivent avoir dans l’opinion des hommes, sur la naissance, la fortune, et les dignités.
Quoi que ce ne fût qu’un ébat, Il s’y fit un fort beau combat, Avec diverses sortes d’armes, Qui pour nous étaient de doux charmes ; Dans ce Camp, le Roi secondé24 De l’Altesse du Grand Condé25 (Un des preux Héros de la Terre)26 Y parut en foudre de guerre, En Dieu triomphant et vainqueur ; Saint-Aignan, dont le brave cœur Eut toujours la Valeur pour guide, Et qui se porte en intrépide Dans les périls et les hasards, Faisait le premiers des Césars ; Rassan (qui sait l’art de combattre) L’illutre Amant de Cléopâtre, Et quantité d’autres Humains, De Chefs guerriers, Grecs et Romains.
Comment résistera-t-il à ces phalanges de jolies femmes, qui proscrivant, la décence même, tantôt Grecques ou Romaines, tantôt Egyptiennes ou Circassiennes, séduisent souvent l’ennemi par la variété de leurs uniformes. […] Nous avons du goût, de l’invention, de l’imagination, qu’elle est donc cette fureur de vouloir copier, lorsque nous pouvons créer et corriger même ce que les Grecs et les Romains ont fait d’irrégulier ? […] Deux tableaux d’histoire peints par le même maître, ont excité un ’enthousiasme général ; et les connoisseurs les ont placés au rang des chefs-d’œuvre les plus distingués de l’école Romaine.
En admettant sur son Théâtre le même Art dont les Grecs et les Romains s’étaient si heureusement servis, n’aurait-il eu pour objet que de réduire son emploi à quelques froids agréments plus nuisibles qu’utiles au cours de l’action théâtrale ? […] Il est indispensable de revenir ici sur ses pas, et de se rappeler les différents emplois qu’avait remplis la Danse chez les Grecs, chez les Romains, et dans les derniers siècles.
Voyant les Romains passionnés pour les spectacles, et entendant parler des plaisirs qu’ils y alloient chercher, les Barbares disoient : On croiroit que les Romains, qui ont inventé ces plaisirs, n’ont ni femmes, ni enfans ; faisant entendre par là que pour quiconque veut vivre honnêtement, il n’y a rien de plus doux que la compagnie de sa femme et de ses enfans, et qu’elle peut tenir lieu de beaucoup d’autres divertissemens.
Il venait prêter à ce superbe Festin les finesses qu’il avait inventées, et qui lui avaient acquis la réputation du plus voluptueux des Romains.
Il y avait donc, dans le pas des Lutteurs des Fêtes Grecques et Romaines que le Public a si constamment applaudi, une faute de composition bien importante, puisqu’il était sans dénouement.
C’est aussi ce que Cléopatre ni les Romains n’ont jamais pû éxécuter : ce qui fait voir qu’il n’appartient pas aux hommes de vouloir réformer la nature sans la participation de son Créateur. Ce n’est pas que les Romains n’ayent quelquefois réüssi dans de pareilles entreprises ; il y en a aussi d’autres qu’ils ont abandonnées par les effets de la Providence.
Les Grecs & les Romains en firent un spectacle sublime. […] J’avouerai donc que quelques Pantomimes de l’Ambigu Comique surpassent toutes celles qu’on a données en Europe, depuis la décadence de cet Art charmant chez les Romains. […] Ces bagatelles étoient reçues chez les Grecs & chez les Romains.
Contents d’une danse ou tendre, ou noble, ou légère, qui les séduit, et qui est en possession de leur suffire, ils prononceront sans appel, que tout ce qu’on raconte de celles des Grecs et des Romains n’est qu’une exagération extravagante ; et ils continueront à penser, que nous avons tout ce qu’on peut avoir, parce que leurs perceptions ne sauraient aller plus loin que l’objet, quel qu’il soit, qui les frappe.
Les Grecs, les Romains n’eurent aucun Spectacle qui puisse en avoir donné l’idée.
Dans l’Acte des Jeux Olympiques des Fêtes Grecques et Romaines 147, lorsque l’action commence, les Jeux sont finis.
Introduction L’art de la danse attira, dans les siècles les plus reculés, l’attention des législateurs ; les Grecs et les Romains, en l’introduisant dans le culte qu’ils rendaient à leurs divinités et, dans les cérémonies publiques, le pratiquèrent avec tant de succès qu’on a de la peine à se persuader aujourd’hui les merveilles que nous en trace l’histoire.
Loret, lettre du 11 février 1662 Le sept du mois, Mardi passé, Le Ballet du Roi fut dansé, Mêlé d’un Poème tragique, Chanté, tout du long en musique, Par des Gens Toscans et Romains, La plupart légers de deux grains ; Et, même, par l’illustre Hilaire, Qui ne saurait chanter sans plaire, Et la Barre pareillement, Dont la voix plaît infiniment, Et dont la personne excellente La Beauté même représente (Assez convenable rôlet) Dans ce beau Poème, ou Ballet ; Lequel Poème s’intitule En Français, Les Amours d’Hercule, Et dans sa naturalité Se nomme Ercole Amante.
[Voir Ballet] Les Romains, en adoptant le théâtre des Grecs, prirent tous les défauts de leur genre, et n’atteignirent à presqu’aucune de leurs beautés. En France, lorsque Corneille et Molière créèrent la tragédie et la comédie, ils profitèrent des fautes des Romains pour les éviter ; et ils eurent assez de génie et de goût pour se rendre propres les grandes beautés des Grecs, et pour en produire de nouvelles, que les Sophocles et les Aristophanes n’auraient pas laissé échapper, s’ils avaient vécu deux mille ans plus tard. […] Ainsi on dit : l’entrée de Tibulle dans les Fêtes grecques et romaines est fort ingénieuse, c’est une des meilleures entrées de ballet que nous ayons à l’opéra.
Lorsqu’on entend un si grand nombre de personnages, Grecs, Romains, Tartares ou Mahométans, estropier la Langue Française, on s’imagine, par l’effet de l’illusion théâtrale, voir réellement ces illustres Personnages s’efforcer de s’exprimer dans un idiôme qui leur est tout-à-fait étranger : c’est ainsi que tant de Comédiens de Provinces parviennent à prêter quelque vraisemblance à leurs rôles. […] Les Orateurs ou Avocats romains, dans les Causes criminelles, & lorsqu’il s’agissait de quelque malheureux opprimé, se contentaient souvent de montrer aux Magistrats un tableau qui représentait l’événement dont il était question, afin, par cette peinture muette, d’émouvoir plus sûrement le cœur des Juges.
Ce nom ne lui venait pas de Saltare qui signifie Sauter, mais d’un certain Salius qui, le premier, avait enseigné cet Art aux Romains ; et tous les auteurs conviennent qu’on l’exécutait par des gestes parlants, par des signes expressifs et par des mouvements de la tête, des yeux, de la main, des bras et des jambes.
Vous vous enorgueillissez d’être une « va-nu-pieds », une « planipes », comme disaient dédaigneusement les Romains, à l’instar de ces mille et trois adeptes qui ont si singulièrement diminué l’apport personnel de la Duncan.