Elle n’en offre pas même l’ombre.
je considère toutes les productions de ce genre dans les différentes cours de l’Europe, comme des ombres incomplettes de ce qu’elles sont aujourd’hui, et de ce qu’elles pourront être un jour, j’imagine que c’est à tort que l’on a donné ce nom à des spectacles somptueux, à des fêtes éclatantes qui réunissoient tout à la fois la magnificence des décorations, le merveilleux des machines, la richesse des vêtemens, la pompe du costume, les charmes de la poésie, de la musique et de la déclamation, le séduisant des voix, le brillant de l’artifice et de l’illumination, l’agrément de la danse, et des divertissemens, l’amusement des sauts périlleux et des tours de force : toutes ces parties détachées forment autant de spectacles différens ; ces mêmes parties réunies en composent un, digne des plus grands Rois.
… Toutes les torches se réveillent… Le murmure des dormeurs se transforme ; et sur les murs de flammes agités, s’émerveillent et s’inquiètent les ombres immenses des ivrognes ! […] Mais mon désir est mouvement, Éryximaque… J’aurais besoin maintenant de cette puissance légère qui est le propre de l’abeille, comme elle est le souverain bien de la danseuse… Il faudrait à mon esprit cette force et ce mouvement concentré, qui suspendent l’insecte au-dessus de la multitude de fleurs ; qui le font le vibrant arbitre de la diversité de leurs corolles ; qui le présentent comme il veut, à celle-ci, à celle-là, à cette rose un peu plus écartée ; et qui lui permettent qu’il l’effleure, qu’il la fuie, ou qu’il la pénètre… Ils l’éloignent soudain de celle qu’il a fini d’aimer, comme aussitôt ils l’y ramènent, s’il se repent d’y avoir laissé quelque suc dont le souvenir le suit, duquel la suavité l’obsède pendant le reste de son vol… Ou bien me faudrait-il, ô Phèdre, le subtil déplacement de la danseuse, qui, s’insinuant entre mes pensées, les irait éveiller délicatement chacune à son tour, les faisant surgir de l’ombre de mon âme, et paraître à la lumière de vos esprits, dans l’ordre le plus heureux des ordres possibles. […] PHÈDRE Elle fuit son ombre dans les airs !
Quand je parle d’êtres fantastiques, on voit bien que ce n’est pas de Spectres, d’Ombres, et de Fantômes que j’entends parler : « toute l’Antiquité a cru ces prodiges, et notre religion a consacré ces coups extraordinaires de la Providence » ; je me sers des paroles de M. de Voltaire.
Olympiade, entre Euthryme fameux Athlete, & l’ombre de l’un des Compagnons d’Ulysse chez les Thémésiens, lequel fut assassiné dans la Ville de Thémese par les habitans, en revenant du siége de Troie : les Dieux leur envoyerent pour punition une maladie épidémique, ce qui obligea les Thémésiens d’avoir recours à l’Oracle pour leur guérison, lequel prononça que pour appaiser les menaces de ce Héros, il faloit lui offrir pour victime tous les ans une fille vierge dans le temple au jour de sa mort, ce que les Thémésiens accomplirent pour un tems, & jusqu’à ce que Euthryme fameux Athlete les eût affranchi de ce tribut, en revenant des Jeux Olympiques où il avoit emporté le prix du combat avec des corroyes de cuir de bœuf, dont il se servit pour combattre le phantôme, qui étoit venu dans le temple pour enlever sa victime, laquelle fut donnée à cet Athlete, après l’avoir contraint au bruit des acclamations du peuple, de s’aller précipiter dans la riviere, en faisant des gémissemens épouventables.
Je considere toutes les productions de ce genre dans les différentes Cours de l’Europe, comme des ombres incomplettes de ce qu’elles sont aujourd’hui & de ce qu’elles pourront être un jour ; j’imagine que c’est à tort que l’on a donné ce nom à des Spectacles somptueux, à des Fêtes éclatantes qui réunissoient tout à la fois la magnificence des décorations, le merveilleux des machines, la richesse des vêtements, la pompe du costume, les charmes de la Poésie, de la Musique & de la Déclamation, le séduisant des voix, le brillant de l’artifice & de l’illumination, l’agrément de la Danse & des Ballets, l’amusement des Sauts périlleux & des tours de force : toutes ces parties détachées forment autant de Spectacles différents ; ces mêmes parties réunies en composent un digne des plus grands Rois.
Pour la Peinture, elle doit son origine au hazard, suivant l’opinion commune, par l’effet de l’ombre de l’homme & la clarté du Soleil, ou de l’ombre de la lumiere, & dont l’invention en est attribuée à une fille qui traça contre la muraille avec un charbon, les traits du visage de son amant qui étoit venu chez elle pour lui dire adieu ; desorte que par cet esquice elle en fit le portrait pour adoucir son absence : Philostrate, dans ses Tableaux, dit que Débutades Potier de terre à Corinthe, étoit pere de cette fille, & qu’il fit un modele de la figure que sa fille avoit tracée. Quintilien, Livre X. dit que les premiers Peintres prirent les proportions de l’homme à l’ombre du Soleil, en tirant des lignes pour en marquer les dimensions, surtout pour la régularité du visage, & que Philade Peintre Egiptien, ou Cléante Peintre de Corinte, en furent les inventeurs.
Essaim d’ombres. — Mesdemoiselles Lafontaine, Subligny, Desmatins. — L’ancienne laveuse de vaisselle. — La leçon de mademoiselle Le Rochois. — Recette contre l’embonpoint. — Mesdemoiselles Florence et Prevost. — La Camargo. — Caleçon et précaution. — Le festin de Gruer. — Un bal décolleté. — Ingénieuse idée de Roger de Beauvoir. — Madrigal de Voltaire. — Mademoiselle Sallé. — Réformes dans le costume. — Mesdemoiselles Rolland, Poulette, Mariette, Lyonnais, Heinel, Leduc, Allard, Grandi, Audinot, Cléophile. — La Guimard. — Ses dépenses. — Sa table. — Son théâtre. — Son hôtel. — Ses dettes. — Mesdemoiselles Peslin, Beaupré, Renard et Miller. […] Mais, par les escaliers et par les corridors, voici que tout un essaim d’ombres charmantes tourbillonne et froufroute autour de nous… Lumineuses et impalpables, elles émergent de la nuit du passé, et s’en viennent, en planant à travers les années, des lieux que l’Opéra a habités depuis deux siècles, — du Jeu de Paume de la Bouteille, rue Mazarine, et du Jeu de Paume du Bel-Air, rue de Vaugirard, des deux salles du Palais-Royal et de l’hôtel de la rue Saint-Nicaise, des Tuileries et de la Porte-Saint-Martin, de la Montansier et de la place Louvois… Et, toutes, elles sollicitent l’aumône d’une plumée d’encre et d’un coup de chapeau, — d’un sourire et d’un souvenir !
Diderot, ce philosophe ami de la nature, c’est à dire, du vrai et du beau simple, cherche également à enrichir la scène Française d’un genre qu’il a moins puisé dans son imagination que dans l’humanité ; il voudroit substituer la pantomime aux manières ; le ton de la nature au ton empoulé de l’art ; les habits simples aux colifichets et à l’oripeau ; le vrai au fabuleux ; l’esprit et le bon sens au jargon entortillé, à ces petits portraits mal peints qui font grimacer la nature, et qui l’enlaidissent ; il voudroit, dis-je, que la comédie Française méritât le titre glorieux de l’école des mœurs ; que les contrastes fûssent moins choquans et ménagés avec plus d’art ; que les vertus enfin n’eûssent pas besoin d’être opposées aux vices, pour être aimables et pour séduire, parce que ces ombres trop fortes loin de donner de la valeur aux objets et de les éclairer, les affoiblissent et les éteignent ; mais tous ses efforts sont impuissans. […] Ils s’efforceront enfin de vous persuader qu’il est plus glorieux de végéter et de languir à l’ombre des originaux qui les éclipsent et qui les écrasent, que de se donner la peine d’être originaux eux-mêmes.
Diderot ce Philosophe ami de la nature, c’est-à-dire, du vrai & du beau simple, cherche également à enrichir la Scene Françoise d’un genre qu’il a moins puisé dans son imagination que dans l’humanité ; il voudroit substituer la Pantomime aux manieres ; le ton de la nature au ton ampoulé de l’Art ; les habits simples aux colifichets & à l’oripeau ; le vrai au fabuleux ; l’esprit & le bon sens au jargon entortillé, à ces petits portraits mal peints qui font grimacer la nature & qui l’enlaidissent ; il voudroit, dis-je, que la Comédie Françoise méritât le titre glorieux de l’Ecole des mœurs ; que les contrastes fussent moins choquants & ménagés avec plus d’art ; que les vertus enfin n’eussent pas besoin d’être opposées aux vices pour être aimables & pour séduire, parce que ces ombres trop fortes, loin de donner de la valeur aux objets & de les éclairer, les affoiblissent & les éteignent ; mais tous ses efforts sont impuissants. […] Ils s’efforceront enfin de vous persuader qu’il est plus glorieux de végéter & de languir à l’ombre des originaux qui les éclipsent & qui les écrasent, que de se donner la peine d’être originaux eux-mêmes.
. — La lune éclaire d’un rayon livide ce taudis hasardeux, allant accrocher dans l’ombre une paillette d’argent sur la bedaine d’un énorme flacon de verre que vous prendriez pour un de ces vases où l’on met rafraîchir l’agraz en Espagne. […] C’est mieux que la grisette de Bordeaux, mieux que la modiste de Paris ; c’est la vivacité du serpent, la grâce de l’oiseau : un costume de soie et de satin, luisant sous le soleil, faisant valoir les formes les plus élégantes, et un minois qui n’est ni fripon ni futé comme celui des bergères de Watteau, ni douceâtre ni sentimental comme celui des bergères de Gessner ; mais spirituel, ardent, taquin ; — du feu, de la flamme, — la passion du moment, la fantaisie reine, le caprice flamboyant, le rayon méridional qui se joue et glisse dans les ombres de la forêt.
Un des ballets que dansait Marie Taglioni, l’Ombre, faisait dire qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, tandis que l’astre de Fanny Elssler brillait de son plus vif éclat. […] Fanny qui s’en allait, c’était un astre de plus qui s’éteignait au firmament envahi par l’ombre.
A l’entrevoir à travers les transparences de ses voiles dont son pied ne faisait que soulever le bord, on eût dit une ombre heureuse, une apparition élyséenne jouant dans un rayon bleuâtre ; elle en avait la légèreté impondérable, et son vol silencieux traversait l’espace sans qu’on entendît le frisson de l’air66. » Cette espèce de volatilisation de la danse ne s’obtenait qu’au prix d’efforts persévérants. […] Ce nouveau genre amena un grand abus de gaze blanche, de tulle et de tarlatane ; les ombres se vaporisèrent au moyen de jupes transparentes.
Beatrix de Modéne paroissoit la dernière dans ce ballet d’ombres ; elle étoit unie à un jeune Prince portant en tête la couronne Archiducale ; ce couple heureux étoit devancé par la renommée ; l’amour et l’hymen les enchainoient avec des fleurs, et la gloire les couronnoient. Ce ballet d’ombres étoit vaporeux ; le costume y étoit observé, et en marquant l’époque des teins et du costume, il répandoit beaucoup de variété dans cette fête magique qui, à mon sens, est historique et allégorique.
Il y avait là, dans le dédale des escaliers et des couloirs, des coins baignés d’ombres que nos fillettes ne traversaient qu’en frissonnant, en hâtant le pas, en se signant même quelquefois.
Que si les anciens l’ont honnoree & mise en vsage, n’ayant que l’ombre & la figure de la perfection que nous possedons à cest heure, qu’elle apparence qu’estant plus noble elle soit moins recherchee.
Dans les décorations de goût et d’idée, comme Palais Chinois, Place publique de Constantinople, ornés pour une fête, genre bizarre qui ne soumet la composition à aucune règle sevère, qui laisse un champ libre au génie, et dont le mérite augmente à proportion de la singularité que le peintre y répand ; dans ces sortes de décorations, dis-je, brillantes en couleurs, chargées d’étoffes rehaussées d’or et d’argent, il faut des habits drapés dans le Costume, mais il les faut simples et dans des nuances entièrement opposées à celles qui éclatent le plus dans la décoration si l’on n’observe exactement cette règle, tout se détruira faute d’ombres et d’oppositions ; tout doit être d’accord, tout doit être harmonieux au théâtre : Lorsque la décoration sera faite pour les habits, et les habits pour la décoration, le charme de la représentation sera complet.
Comme ses tableaux n’offroient à l’œil aucune ombre vigoureusement prononcée, les jolies femmes disoient que c’étoit le seul artiste, qui fut digne de multiplier leurs images ; que non seulement il faisoit ressemblant ; mais qu’il étoit le seul qui sût peindre un nez sans tabac.
Si l’on n’observe exactement cette regle, tout se détruira faute d’ombres & d’oppositions ; tout doit être d’accord, tout doit être harmonieux au Théatre, lorsque la décoration sera faite pour les habits, & les habits pour la décoration, le charme de la représentation sera complet.
Il n’est point d’homme à qui elle ne rappelle souvent les différents objets qu’il a déjà vus : mais ce ne sont là que de faibles esquisses qui passent devant son entendement, comme des ombres légères, sans surprendre, affecter, ou émouvoir son a me, ne supposent que quelques sensations déjà éprouvées, et point de combinaisons précédentes.
Entassez, tant qu’il vous plaira, ces foibles monuments de la gloire de nos Danseurs célebres ; je n’y vois & l’on n’y verra que le premier crayon, ou la premiere pensée de leurs talents ; je n’y distinguerai que des beautés éparses, sans ensemble, sans coloris ; les grands traits en seront effacés ; les proportions, les contours agréables ne frapperont point mes yeux ; j’appercevrai seulement des vestiges & des traces d’une action dans les pieds que n’accompagneront ni les attitudes du corps, ni les positions des bras, ni l’expression des têtes ; en un mot, vous ne m’offrirez que l’ombre imparfaite du mérite supérieur, & qu’une copie froide & muette d’originaux inimitables. » J’ai appris, Monsieur, la Chorégraphie & je l’ai oubliée ; si je la croyois utile à mes progrès je l’apprendrois de nouveau.
Le limonadier qui apporte des demi-tasses a le cauchemar, il voit l’ombre de la malleposte emporter, avec l’ombre du consommateur, l’ombre de la petite cuillère d’argent.
Le Morning Herald eut un rédacteur spécial qui suivit comme une ombre la noble étrangère. […] C’est comme un murmure que feraient entendre les ombres des trépassés.
Et (par conséquent) ce que l’on feroit à un arbre venimeux en sa racine, en son bois, en ses feuilles, en son fruit, de le couper par le pied (encore qu’il pût servir à donner de l’ombre) et de le mettre au feu, afin que personne n’y fût plus abusé, il le faut faire de la danse ; l’ôter entièrement, afin qu’il n’y ait plus d’abus et de dommage. » chapitre XVII.
Cette suspension dans la musique et dans les mouvemens du corps, répand un calme et un beau jour ; elle fait sortir avec plus de feu les morceaux qui la suivent : ce sont des ombres, qui ménagées avec art et distribuées avec goût, donnent un nouveau prix et une valeur réelle à toutes les parties de la composition : mais le talent consiste à les employer avec économie : elles deviendroient aussi funestes à la danse qu’elles le sont quelquefois à la peinture, lorsqu’on en abuse.
J’avois encore imaginé des silences dans la Musique, & ces silences produisoient l’effet le plus flatteur ; l’oreille du Spectateur cessant tout d’un coup d’être frappée par l’harmonie, son œil embrassoit avec plus d’attention tous les détails des tableaux, la position & le dessein des grouppes, l’expression des têtes & les différentes parties de l’ensemble ; rien n’échappoit à ses regards ; cette suspension dans la Musique & dans les mouvements du corps répand un calme & un beau jour ; elle fait sortir avec plus de feu les morceaux qui la suivent ; ce sont des ombres qui ménagées avec Art & distribuées avec goût, donnent un nouveau prix & une valeur réelle à toutes les parties de la composition ; mais le talent consiste à les employer avec économie.
Jean-Étienne Despréaux, A l’ombre de Boileau Despréaux. […] Sévère et docte satyrique, Moi, petit chansonnier comique, Tous deux, nous avons même nom, Et non pas le même renom ; Mais je possède un avantage Pour lequel ton ombre, je gage, Céderait tes fameux écrits ; Tu fus, je suis. […] « Les spectacles de Danse avaient été formés jusqu’alors par les personnes de qualité de la Cour ; l’art, ou pour mieux dire, l’ombre de l’art, ne s’étant conservée que parmi les gens du monde.
Que diriez-vous d’une pareille barbarie, ombres de Gardel et de Vestris ?
Une ombre large tombait sur le bonheur de Fanny. […] « Adieu donc encore, ombre dansante qui étais toute notre joie innocente, notre chaste passion, notre plaisir sans remords !
si j’étais en décembre A la Chambre, Je grandirais d’un bon tiers, Et je pourrais de mon ombre Faire nombre A côté de Monsieur Thiers.
Sortie des entrailles mêmes du peuple autrichien, élevée sous l’ombre protectrice d’un génie qui personnifiait les dons artistiques de la race, Fanny Elssler grandit à une époque où Vienne, sa ville natale, donnait à la vocation d’une danseuse les meilleurs encouragements.