On insistera peut-être pour contredire mon sentiment, sur ce qui distingue le succès des Ouvrages d’esprit en tout genre. Ne peut-il pas arriver, me répliquera-t-on, que tel homme qui s’arroge le droit de prononcer définitivement, réunisse toutes les connaissances répandues parmi l’espèce humaine, ou possède ce tact fin, cette délicatesse de goût, qui devient l’interprète du goût universel, dont il est comme émané ; car qu’est-ce que la saine critique, si ce n’est le sentiment intime de ce qui peut généralement nous plaîre ; sentiment acquis par l’étude ou par l’heureuse conformation des organes ? […] Il est donc avéré qu’en Littérature, comme en toute autre chose, le sentiment général l’emporte sur celui d’un seul ou d’un plus grand nombre ; & que sans cette pluralité des voix on ne peut rien statuer de certain. […] S’il est prouvé que le sentiment d’un seul est moins que rien, & même celui de plusieurs hommes assemblés, pourquoi tant de gens s’ingérent-ils donc de dire hautement le leur, & de le regarder comme infaillible ? […] Un petit nombre de Gens de goût, diront-ils, fixe le sentiment général.
L’action en matiere de Danse est l’Art de faire passer par l’expression vraie de nos mouvements, de nos gestes & de la physionomie, nos sentiments & nos passions dans l’ame des Spectateurs. […] Le geste puise son principe dans la passion qu’il doit rendre ; c’est un trait qui part de l’ame, il doit faire un prompt effet, & toucher au but, lorsqu’il est lancé par le sentiment. […] On ne peut se distinguer au Théatre que lorsqu’on est aidé par la nature, c’étoit le sentiment de Roscius. […] Cette conversation n’est pas à la portée de tout le monde, continuera-t-il, mais elle est sublime pour quiconque peut la comprendre & la sentir, & ses sons font autant de sentiments qui séduisent & qui affectent lorsque l’on conçoit son langage. […] On ne doit pas s’étonner de trouver plus d’intelligence & de facilité à rendre le sentiment parmi les Comédiens que parmi les Danseurs.
X Si propre aux sentiments et à la passion, la musique l’est beaucoup moins au drame. […] Dès qu’elle parle au sentiment, toute musique est lente.