Il ne faut point s’approcher trop près des personnes, ni s’en éloigner trop, afin de pouvoir entendre s’ils vous parlaient, et qu’ils ne soient point obligés d’élever la voix. […] Il ne faut point se promener autour du salon pour regarder fixement les personnes qui y sont placées ; cela est indécent et d’un mauvais genre. […] Lorsque l’on invitera une jeune personne pour danser, en l’abordant, on fera un salut, lui demandant son consentement, et soumettant cette demande à l’approbation des personnes qui l’accompagneraient et paraîtraient la diriger : l’ayant obtenue, on s’inclinera en lui présentant la main droite pour recevoir sa main gauche qu’elle doit présenter, lesquelles on soutiendra levées, tenant les bras selon que nous l’avons démontré. […] Il ne faut point quitter sa place durant que les autres personnes figurent. […] Il faut saluer les personnes même avec qui l’on n’a que des rapports de familiarité ; et avec les inférieurs, s’abstenir de ce ton de fierté indigne des personnes bien nées et qui ont de l’esprit.
Comme dans tout ce Traité je me suis proposé de montrer à cette noble Jeunesse la maniere de se bien conduire dans les endroits où l’usage du monde l’appelle, & que le Bal donne une certaine liberté, par la facilité que tout le monde a de s’y introduire, & qu’il s’y glisse nombre de personnes, dont la plûpart enflez de je ne sçai quelle naissance ou de quel rang, mais peu civilisez, prennent cependant des licences qui en dérangent tout le bon ordre. […] Comme dans les Bals reglez il y a un Roy & une Reine ; pour en suivre la regle, ce sont eux qui commencent à danser, & lorsque leur premier menuet est fini, la Reine convie une autre Cavalier de venir danser avec elle, & après qu’ils ont dansé, il va reconduire la Reine, & lui demande poliment qui elle souhaite qu’il prenne, & après lui avoir fait une reverence, il va en faire une autre à la personne avec qui il doit danser, pour la convier de venir danser. […] Mais si l’on vient vous reprendre, lorsque c’est à vous de prier, il faut aller convier la personne qui vous a prié en premier lieu : autrement ce seroit un manque de sçavoir vivre tout des plus grossier ; cette regle est également pour les Dames. […] On doit faire honneur préferablement aux Masques, car très-souvent ce déguisement cache des Personnes du premier rang. […] Quant aux Assemblées qui se font dans les familles, & qui ordinairement ne sont composées que de parens & d’amis, on doit y observer presque le même cérémonial que dans les Bals, qui est de sçavoir inviter une personne pour danser, en lui faisant une reverence à propos, & d’être attentif de rendre le réciproque lorsque l’on vous a pris pour danser de faire la même honnêteté que l’on vous a faite quand c’est à vous à prier.
De plus, c’est que les contre-tems sautez ne conviennent qu’à de jeunes personnes, ou des personnes de moyenne taille : & pour ceux qui sont d’une taille avantageuse, il les faut faire en tems de Courante & demi-jetté, comme je l’ai déja marqué dans la maniere de donner les mains : parce qu’il ne convient point à de grandes personnes de sauter, & de se tourmenter dans les danses figurées, où ce n’est que des mouvemens doux & gracieux, qui ne dérangent pas le corps de ce bon air qui est si fort estimé & usité par notre Nation : ce qui n’est pas de même de plusieurs contre-danses que l’on a introduit en France depuis quelque temps, & qui ne sont pas du goût de tous ceux qui aiment la belle danse. Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement.