Si le Maître de Ballets doit étudier la nature, & en faire un beau choix ; si celui des sujets qu’il veut traiter en Danse contribue en partie à la réussite de son Ouvrage, ce n’est qu’autant qu’il aura l’Art & le génie de les embellir, de les disposer, & de les distribuer d’une maniere noble & pittoresque. […] J’ai suivi dans les Jalousies ou les Fêtes du serrail la dégradation des lumieres que les Peintres observent dans leurs Tableaux ; les couleurs fortes & entieres tenoient la premiere place, & formoient les parties avancées de celui-ci, les couleurs moins vives & moins éclatantes étoient employées ensuite. […] Les Actrices & les Acteurs, les Danseurs & les Danseuses sont les personnages qui doivent l’orner & l’embellir ; mais pour que ce Tableau plaise & ne choque point la vue, il faut que de justes propositions brillent également dans les différentes parties qui le composent. […] Voilà, Monsieur, l’illusion que produit le Théatre, lorsque toutes les parties en sont d’accord, & que les artistes prennent la nature pour leur guide & leur modele. […] Ce sont des rochers obscurs & lumineux, des parties éteintes, & des parties brillantes de feu ; c’est une horreur bien entendue, qui doit régner dans le Tableau ; tour doit être affreux, tout enfin doit afficher le lieu de la Scene, & annoncer les tourments & les douleurs de ceux qui la remplissent.
[3] Un beau-haut du corps est une des parties essentielles qui constitue le mérite de l’artiste. […] L’art chez eux a suppléé à la nature, parce qu’ils ont eu le bonheur de rencontrer d’excellents maîtres, qui leur ont démontré que lorsqu’on abandonne les reins, il est impossible de se soutenir dans une ligne droite et perpendiculaire ; que l’on se dessine de mauvais goût, que la vacillation et l’instabilité de cette partie s’opposent à l’aplomb et à la fermeté ; qu’ils impriment un défaut désagréable dans la ceinture ; que l’affaissement du corps ôte aux parties inférieures la liberté dont elles ont besoin pour se mouvoir avec aisance ; que le corps dans cette situation est comme indéterminé dans sa position ; qu’il entraîne souvent les jambes ; qu’il perd à chaque instant le centre de gravité, et qu’il ne retrouve enfin son équilibre qu’après des efforts et des contorsions, qui ne peuvent s’associer aux mouvements gracieux de la danse. » [NdE J. […] Les statuaires, les peintres, les antiquaires donnent à cette partie supérieure du corps le nom de Torse ; mais nous sommes obligés ici de nous servir des termes usités le plus généralement dans nos écoles de danse.
[2] Un danseur qui n’est pas en dehors dans toutes ces parties, et qui est serré des hanches, n’est pas beaucoup estimé, et l’exécution de sa danse perd de son prix. […] Ce défaut règne également depuis la hanche jusqu’aux pieds ; car ces parties décrivent une ligne qui donne en quelque sorte la figure d’un arc ; en effet les hanches sont évasées, et les cuisses et les genoux sont ouverts, de manière que le jour qui doit se rencontrer naturellement entre quelques-unes de ces parties des extrémités inférieures lorsqu’elles sont jointes, perce dans la totalité, et paraît beaucoup plus considérable qu’il ne devrait l’être. […] Celui qui est jarreté doit s’appliquer continuellement à éloigner les parties trop resserrées ; le premier moyen pour y réussir, est de tourner les cuisses en dehors, et de les mouvoir, dans ce sens, en profitant de la liberté du mouvement de rotation du fémur dans la cavité cotyloïde des os des hanches. […] Ceux qui sont arqués, ne doivent s’attacher qu’à rapprocher les parties trop distantes, pour diminuer le vide qui se rencontre principalement entre les genoux ; ils n’ont pas moins besoin que les autres de l’exercice qui meut les cuisses en dehors, et il leur est même moins facile de déguiser leurs défauts. […] J’ai dit que les danseurs jarretés doivent conserver une petite flexion dans l’exécution ; ceux-ci, par la raison contraire, doivent être exactement tendus, et croiser leurs temps bien plus étroitement, afin que la réunion des parties puisse diminuer le jour ou l’intervalle qui les sépare naturellement. » [NdE J.