— Père terrible ! […] Taglioni, qui n’est aujourd’hui pour nous, comme les Gardel, les Montessu et les Bigottini pour les gens de l’Empire, qu’un madrigal dans un mot, et qui, aux yeux de nos pères, représentait la Danse comme la Malibran représentait la Musique : l’une, le sourire aux lèvres, les bras harmonieusement étendus, la pointe du pied sur la pointe d’une fleur ; l’autre, un flot de cheveux noirs déroulé sur de blanches épaules, une joue pâle appuyée sur une main diaphane, un œil lustré par les larmes, — nos deux fées, s’est écrié quelque part Théophile Gautier, les fées que nous invoquions pour nous inspirer, nous autres romantiques qui ne croyons plus aux Muses !
Le goût qu’ils ont pour les singuliers Drames dont je vous ai parlé plus haut, & sur-tout pour l’Opera-bouffon, annonce la décadence des Lettres, ainsi qu’un grand amour du futile, qui, s’il croît toujours, nous fera dédaigner le sublime, retourner aux magots de la Chine, aux collets empesés, aux Pantins, à la bonhommie de nos premiers pères, & par la suite aux Pantomimes ; car l’ordre étant une fois renversé dans la Littérature, ne pourra se rétablir qu’avec le secours du genre pantomimique.
C’est que la cachucha effarouchait grandement la pudeur de nos pères. […] Voilà en effet le grand triomphe, voilà la grande supériorité de Mlle Taglioni. » Cette popularité reconquise du premier coup avec la Sylphide se maintint lorsque Marie Taglioni créa la Fille du Danube, œuvre de son père et d’Adolphe Adam.