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295. (1909) Une vie de danseuse. Fanny Elssler « Chapitre VII. le diable boiteux  » pp. 220-261

Celui-ci était un tout autre homme. […] Homme du monde, vieil habitué des coulisses, il en usait galamment avec les gens, en particulier avec les artistes, sans avoir cependant pour aucune de ses pensionnaires de ces faiblesses qui sont la mort de toute autorité. […] Cette Dolorès était Dolorès Serrai, l’étoile de la troupe, qui se montra pendant plusieurs années sur diverses scènes parisiennes, et dont Théophile Gautier donnait cette pittoresque description : « Son talent a un caractère tout particulier : dans les écarts les plus excessifs de cette danse si vive et si libre, elle n’est jamais indécente ; elle est pleine de passion et de volupté, et la vraie volupté est toujours chaste ; on la dirait fascinée par le regard de son cavalier ; ses bras se dessinent, pâmés d’amour ; sa tête se penche en arrière, comme enivrée de parfums et ne pouvant supporter le poids de la grande rose au cœur vermeil qui s’épanouit dans les touffes noires de ses cheveux ; sa taille ploie avec un frisson nerveux, comme si elle se renversait sur le bras d’un amant ; puis elle s’affaisse sous elle-même en rasant la terre de ses bras, qui font claquer les castagnettes et se relève vive et preste comme un oiseau, en jetant à son danseur son rire étincelant105. » Le Diable boiteux, qui transportait les spectateurs en Espagne, au pays de Gastibelza, l’homme à la carabine, de l’Andalouse au sein bruni, de Dolorès Serral, arrivait donc à son heure.

296. (1909) Une vie de danseuse. Fanny Elssler « Chapitre IV. le ballet a l’opéra vers 1830  » pp. 129-155

Celles-ci appréciaient chez ces hommes souples et nerveux les qualités physiques au moins autant que le talent. En 1788, un ballet, Télémaque, échoua, parce qu’il ne renfermait que deux rôles d’homme, celui de Télémaque et celui de Mentor, et encore ce second personnage ne dansait pas.

297. (1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Methode povr les cavaliers. » pp. 25-51

Mais à cause qu’il y a de la difference entre les pas & les actions d’vn Caualier, & ce qu’il faut qu’vne Dame face : & aussi qu’il y auroit de la confusion d’instruire l’vn & l’autre ensemble, il m’a semblé bon de commencer par le Caualier, auquel ie conseillerois volontiers qu’il n’attendit pas à vn aage trop aduancé, pource qu’estant alors moins maniable, il aura plus de difficulté à s’aquerir la perfection qui luy seroit aisee à vn temps plus commode ; ce bon-heur neanmoins se peut recouurer par vne peine volontaire, qu’vn enfant manque de discretion ne peut auoir, toutesfois pource qu’il y a de certaines actions plaines de graces, qu’il est impossible d’escrire, (comme il me souuient d’auoir dit en quelque lieu) qu’il se garde bien de se mettre entre les mains d’vn ignorant, ny mesme s’il est possible, de celuy qui outre l’excellence de sa methode, ne sçache encore executer ce qui est par dessus la voix & l’escriture : car l’vn ne pourra iuger d’vne belle action ne la cognoissant pas, moins encore la remettre en son entier si elle est corrompuë, & quelque habile homme que soit l’autre, il se tourmenteroit en vain sur l’intelligence d’vne chose qui conciste plus en vsage qu’en artifice ; si mes actions doiuent prendre loy de celles de mon Maistre, & qu’il ne sçache effectuer ce qu’il veut que ie face, i’aymerois autant qu’on me fit ioüer le personnage d’vne Idole ; c’est vne maxime trop aueree, qu’en cecy la Pratique & la Theorie doiuent estre deux accidens inseparables. […] Ainsi en y a-il d’autres qui sympatisent si fort auec la terre, qu’ils ne la peuuent iamais abandonner que de bien peu : C’est pourquoy il est fort à propos qu’ils se rangent auec ceux lesquels, bien qu’ils ne manquent point de disposition, neanmoins pour auoir trop mauuaise grace à la danse par haut, sont pour leur honneur contraints d’aller terre à terre : Car en effect vn homme ne se doit iamais mesler de caprioler, principalement en lieu de reputation, s’il n’excelle, ou s’il ne veut seruir de ioüet à la compagnie, comme font aucuns, qui ne pouuant representer le port & la descence de nostre noblesse, cherchent à se recommander par des sauts & autres mouuemens battelleresques : tellement que ie conseille telles personnes à se tenir pour le faict de la Gaillarde aux cinq pas susdits, lesquels faicts de bonne grace, valent mieux qu’vn tas de passages qu’on sçauroit faire, qui sentent par trop son baladin.

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