Ceux qui aiment les masques, qui y sont attachés par ancienneté d’habitude, et qui croiroient que l’art degénéreroit, si l’on secouoit le joug des vieilles rubriques de l’opéra, diront, pour autoriser leur mauvais goût, qu’il est des caractères au théatre qui exigent des masques ; comme les Furies, les Tritons, les Vents, les Faunes etc. cette objection est ridicule ; elle est fondée sur un préjugé aussi facile à combattre qu’à détruire, je prouverai premièrement que les masques dont on se sert pour ces sortes de caractères, sont mal modelés, mal peints, et qu’ils n’ont aucune vraisemblance ; secondement, qu’il est aisé de rendre ces personnages avec vérité sans aucun secours étranger. […] Les Tics, les contorsions et les grimaces prennent moins naissance de l’habitude, que des efforts violens que l’on fait pour sauter ; efforts qui contractant tous les muscles, font grimacer les traits de cent manières différentes, et aux quels je ne peux reconnoitre qu’un forçat, et non un danseur et un artiste. […] En apportant le même soin qu’elles, nous ne serons ni affreux ni désagréables, nous ne contracterons plus d’habitude vicieuse ; nous n’aurons plus de tics, et nous pourrons nous passer d’un masque qui, dans cette circonstance, aggrave le mal, sans le détruire : C’est un emplâtre qui dérobe aux yeux des imperfections, pour en offrir une constante et plus désagréable. […] On lui diroit alors : « Votre physionomie étoit trop froide dans tel endroit ; dans tel autre, vos regards n’étoient pas assez animés ; le sentiment que vous aviez à peindre étant foible au dedans, n’a pu se manifester au dehors avec assez de force et d’énergie ; aussi vos gestes et vos attitudes se sont ils ressentis du peu de feu que vous avez mis dans l’action : Livrez vous donc davantage une autre fois ; pénétrez-vous de la situation que vous avez à rendre, et n’oubliez jamais que pour bien peindre, il faut sentir, mais sentir vivement. » De tels conseils, Monsieur, rendroient la danse aussi florissante que la pantomime l’étoit chez les anciens, et lui donneroient un lustre, qu’elle n’atteindra jamais, tant que l’habitude prévaudra sur le bon goût.
Ceux qui aiment les masques, qui y sont attachés par ancienneté d’habitude, & qui croiroient que l’Art dégénéreroit si l’on secouoit le joug des vieilles rubriques de l’Opéra, diront pour autoriser leur mauvais goût, qu’il est des caracteres au Théâtre qui exigent des masques ; comme les Furies, les Tritons, les Vents, les Faunes, &c. […] Les tics, les contorsions & les grimaces prennent moins naissance de l’habitude, que des efforts violents que l’on fait pour sauter ; efforts qui contractant tous les muscles, font grimacer les traits de cent manieres différentes, & auxquels je ne peux reconnoître qu’un Forçat & non un Danseur & un Artiste. […] En apportant le même soin qu’elles, nous ne serons ni affreux ni désagréables ; nous ne contracterons plus d’habitude vicieuse ; nous n’aurons plus de tics, & nous pourrons nous passer d’un masque qui dans cette circonstance aggrave le mal sans le détruire ; c’est une emplâtre qui dérobe aux yeux les imperfections, mais qui les laisse subsister. […] « On lui diroit alors, votre physionomie étoit trop froide dans tel endroit ; dans tel autre vos regards n’étoient pas assez animés ; le sentiment que vous aviez à peindre étant foible au-dedans, n’a pu se manifester au dehors avec assez de force & d’énergie ; aussi vos gestes & vos attitudes se sont-ils ressentis du peu de feu que vous avez mis dans l’action ; livrez-vous donc davantage une autre fois ; pénétrez-vous de la situation que vous avez à rendre, & n’oubliez jamais que pour bien peindre, il faut sentir, mais sentir vivement. » De tels conseils, Monsieur, rendroient la Danse aussi florissante que la Pantomime l’étoit chez les anciens, & lui donneroit un lustre qu’elle n’atteindra jamais, tant que l’habitude prévaudra sur le bon goût.
Je demanderai à tous ceux qui ont des préjugés d’habitude, s’ils trouveront de la symmétrie dans un troupeau de brebis qui veut échapper à la dent meurtriere des loups, ou dans des paysans qui abandonnent leurs champs & leurs hameaux, pour éviter la fureur de l’ennemi qui les poursuit ?