En suivant la règle de l’ancienneté, je nommerai Dauberval, Le Picq, Gallet et Gardel ; leur talens distingués, leurs succès, méritent bien un éloge de ma part ; il est l’expression de la considération que j’ai pour leur mérite. […] C’est une erreur généralement accréditée de croire qu’un maître de ballets peut les composer assis, et indiquer par l’écriture et le discours, les pas, les figures, les groupes, l’action, l’expression et les gestes. […] Si la partie méchanique de la danse donne au maître de ballets tant de peines et de fatigues, si elle exige tant de combinaisons ; combien l’art du geste et de l’expression n’exige-t-il pas de travaux et de soins ?
Psyché, le jugement de Pâris, Télémaque ; c’est dans ces productions que j’oserais nommer sublimes, que la danse, rivale audacieuse de la poésie et de la musique, s’affranchissant enfin de ses gothiques entraves prend un nouvel essor, et ce n’est plus que l’expression fidèle de la nature embellie.
Entassez, tant qu’il vous plaira, ces foibles monumens de la gloire de nos danseurs célèbres ; je n’y vois, et l’on n’y verra que le premier trait, ou la première pensée de leurs talens ; je n’y distinguerai que des beautés éparses, sans ensemble, sans coloris ; les grands traits en seront effacés ; les proportions, les contours agréables ne frapperont point mes yeux ; j’appercevrai seulement des vestiges et des traces d’une action dans les pieds, que n’accompagneront ni les attitudes du corps, ni les positions des bras, ni l’expression des têtes ; en un mot, vous ne m’offrirez qu’une toile sur la quelle vous aurez conservé quelques traits épars de différens maîtres. » J’ai appris, Monsieur, la Chorégraphie, et je l’ai oubliée ; si je la croyois utile à mes progrès, je l’apprendrois de nouveau. […] Cochin ; qu’un académicien chorégraphe eût été chargé du soin de tracer les chemins et de dessiner les pas ; que celui qui étoit en état d’écrire avec plus de netteté, eût expliqué tout ce que le plan géométral n’auroit pu présenter distinctement ; qu’il eût rendu compte des effets que chaque tableau mouvant auroit produits, et de celui qui résultoit de telle ou telle situation ; qu’enfin il eût analysé les pas, leurs enchainemens successifs ; qu’il eût parlé des positions du corps, des attitudes, et qu’il n’eût rien omis de ce qui peut expliquer et faire entendre le jeu muet, l’expression pantomime, et les sentimens variés de l’âme par les caractères variés de la physionomie ; alors Boucher, d’une main habile, eût dessiné tous les groupes et toutes les situations vraiment intéressantes ; et M. […] Plan géométral, plan d’élévation, description fidèle de ces plans, tout se présenteroit à l’œil, tout instruiroit des attitudes du corps, de l’expression des têtes, des contours des bras, de la position des jambes, de l’élégance du vêtement, de la vérité du costume ; en un mot un tel ouvrage soutenû du crayon et du burin de ces deux illustres artistes, seroit une source où l’on pourroit puiser, et je le regarderois comme les archives de tout ce que notre art peut offrir de lumineux, d’intéressant et de beau. […] Il réunissoit aux charmes de la voix, un goût et une expression admirables, il étoit aussi habile musicien qu’il étoit excellent acteur ; talent rare chez nos chanteurs François.