Si l’on considère ses effets, tant sur le moral que sur le physique, on sera forcé de convenir que, par ses différents caractères, elle exprime les passions avec énergie ; qu’il n’est pas de situation de l’âme qu’elle ne puisse peindre avec vérité, et que l’homme en tire des secours innombrables, dont l’importance n’est bien appréciée que par l’œil observateur du philosophe ; peut-être ne serait-il pas indigne de son attention d’examiner si elle ne pourrait pas devenir un moyen de guérison pour ces maladies de l’âme, à la cure desquelles sont impuissants tous les secours de l’art d’Hippocrate. On voit rarement des atrabilaires et des hypocondriaques dans la classe des amateurs de la danse ; elle influe donc sur le caractère, en portant à la gaîté celui qui a du penchant à la tristesse et à la mélancolie : et en la considérant par l’utilité que peut en tirer la médecine dans les maladies où il importe de rendre la circulation aux fluides et de donner du ton aux solides, on conviendra que cet exercice devient très recommandable. […] Et qu’on ne pense pas que l’équitation, l’escrime, la course, la lutte, et tous les exercices violents de la gymnastique puissent remplir le même objet et rivaliser avec la danse ; outre qu’ils ne peuvent convenir généralement au sexe, à tous les âges et à tous les tempéraments ; c’est qu’encore quelques-uns d’entre eux, en assujettissant à des efforts pénibles, émoussent, ôtent la finesse du tact, et au lieu de cet air gracieux, de cette délicatesse dans les traits, de ces belles proportions dans les membres, de ces mouvements prestes et souples du corps, on ne voit trop souvent se développer que des traits durs, une habitude du corps lourde et matérielle, effet nécessaire de la violente contraction des muscles.
Il est rare, Monsieur, pour ne pas dire impossible, de trouver des hommes exactement bienfaits ; et par cette raison, il est très commun de rencontrer une foule de danseurs construits dèsagréablement, et dans les quels on n’apperçoit que trop souvent des défauts de conformation que toutes les ressources de l’art ont peine à déguiser, seroit-ce par une fatalité attachée à la nature humaine, que nous nous éloignons toujours de ce qui nous convient, et que nous nous proposons si communément de courrir une carrière dans la quelle nous ne pouvons ni marcher ni nous soutenir ? […] La vérité n’est qu’une, s’écriera-t-on, j’en conviens ; mais n’est-il qu’une manière de la démontrer et de la faire passer aux écoliers aux quels on s’attache, et ne doit-on pas nécessairement les conduire au même but par des chemins différens ? J’avoue, que pour y parvenir il faut une sagacité réelle ; car, sans réflexion et sans étude, il n’est pas possible d’appliquer les principes selon les genres divers de conformation, et les dégrés différens d’aptitude : on ne peut saisir d’un coup d’œil ce qui convient à l’un, ce qui ne sauroit convenir à l’autre, et l’on ne varie point enfin ses leçons à proportion des diversités que la nature ou que l’habitude, souvent plus rébelle que la nature même, nous offre et nous présente. […] Ces deux défauts diamétralement opposés l’un à l’autre prouvent avec plus de force que tous les discours, que les leçons qui conviennent au premier seroient nuisibles au second, et que l’étude de deux danseurs aussi différens par la taille et par la forme, ne peut-être la même. […] Quoiqu’il en soit, la danse noble, et terre à terre est la seule qui convienne à de pareils danseurs.
Lorsque je vois des gens, (et j’en vois encore beaucoup) occuper des places qui ne leur conviennent pas, il me semble voir les colonnes majestueuses du louvre ornées de magots. […] Les fêtes qui conviennent à un grand peuple, doivent plus coûter à l’imagination, au goût et au génie, qu’au revenu public. […] Il faut convenir d’une triste vérité, c’est que la nation Française, cette nation qui marque le plus en Europe, pour les sciences et les arts, et qui l’emporte sur les autres par l’invention, l’esprit et le goût, n’a pu imagnier, depuis cent ans, un projet de fête digne d’elle.