Les pas de seize exécutés par les hommes sur des airs marqués, présentent un bel ensemble, et sont parfaitement composés ; mais cet ensemble et cette précision disparoissent totalement, lorsque le ballet, exécuté par les deux sexes, devient général : on n’y voit ni régularité ni harmonie de mouvemens ; les alignemens et les figures transversales ne sont point observés ; point d’exactitude dans la formation des pas, nul dessin prononcé dans les attitudes ; la proportion dans le déployement des jambes et l’élévation des bras est violée ; la même négligence règne dans les passes et dans les groupes. […] Les figurans doivent prononcer et articuler fortement tous leurs mouvemens ; ils doivent être, pour ainsi dire, brusqués et marqués d’un seul trait ; les attitudes doivent être dessinées avec vivacité et énergie ; ce n’est point en miniature que le ballet doit être peint, c’est à grands traits, avec de forts coups de pinceau.
Lorsque les Danseurs animés par le sentiment, se transformeront sous mille formes différentes avec les traits variés des passions ; lorsqu’ils seront des prothées, & que leur physionomie & leurs regards traceront tous les mouvements de leur ame ; lorsque leurs bras sortiront de ce chemin étroit que l’école leur a prescrit ; & que parcourant avec autant de grace que de vérité un espace plus considérable, ils décriront par des positions justes les mouvements successifs des passions ; lorsqu’enfin ils associeront l’esprit & le génie à leur Art ; ils se distingueront ; les récits dès-lors deviendront inutiles ; tout parlera, chaque mouvement dictera une phrase ; chaque attitude peindra une situation ; chaque geste dévoilera une pensée ; chaque regard annoncera un nouveau sentiment ; tout sera séduisant parce que tout sera vrai, & que l’imitation sera prise dans la nature. […] Concluons, Monsieur, qu’il est véritablement peu de Ballets raisonnés ; que la Danse est une belle statue agréablement dessinée ; qu’elle brille également par les contours, les positions gracieuses, la noblesse de ses attitudes ; mais qu’il lui manque une ame.
Sur le premier plan, un lion d’un âge mûr, dans l’attitude mélancolique du bipède qui se sent devenir vieux. Plus loin, trois lionceaux debout, se confondant en douceurs et en politesses pour une des gazelles de l’endroit : ce sont des lions à peine émancipés, des lions à leur premier coup de dent, si j’en crois leur attitude guindée et leur tournure respectueuse.