Tous ces agens des passions lorsqu’ils sont mûs par la puissance de l’âme, sont assurés de produire le plus grand éffet, et les plus vives émotions ; mais on ne peut espérer d’intéresser, d’attendir, et de porter le public à l’illusion par des phrases exprimées sans langue ; il faut qu’elles aient, toute la force des parole et l’expression de la nature, car la pantomime a ses accens et son sublime, ainsi que l’éloquence ; son langage est plus bref et plus concis que le discours ; c’est un trait vivement lancé par le sentiment ; il va droit an coeur. […] Ce sublime d’intonation, ces accens, et ce cri de la nature qui font couler les larmes du spectateur, et le transporte dans les illusions les plus douces et les plus déchirantes font l’éloge complet du mérite de l’acteur. […] Le danseur qui ne s’attache qu’à la partie méchanique de sa profession a bien moins d’étude et de recherches à faire que celui qui veut réunir l’art aux mouvemens combinés des pieds, et des bras ; si ce danseur est favoisé par la nature, ses progrès seront rapides : il doit être, pour ainsi dire, jetté dans le moule des graces, et être construit comme l’étoit VestRiis père, et Le Picq. […] Voilà l’image de l’homme en général, la variété de ses gouts, de ses inclinations doit être assimilée aux qualités diverses qui règnent dans la nature et composition particulière de chaque portion de terre. […] Mais au milieu de tant d’étres ineptes, on distingue, comme je vous l’ai dit, des hommes privilégiés, et particulièrement favorisés par la nature, pour les quels l’étude n’est qu’un jeu, et qui portent progressivement les sciences et les arls au dernier dégré de perfection.
Tous ceux qui sont subjugués par l’imitation oublieront toujours la belle nature, pour ne penser uniquement qu’au modèle qui les frappe et qui les séduit, modèle souvent imparfait et dont la copie ne peut plaire. […] Voilà les raisons sur les quelles ils se fonderont pour assujettir les arts au caprice et au changement, parce qu’ils ignoreront qu’ils sont enfans de la nature, qu’ils ne doivent suivre qu’elle et qu’ils doivent être invariables dans les règles qu’elle prescrit. […] Diderot n’a eu d’autre but que celui de la perfection du théatre ; il vouloit ramener à la nature tous les comédiens qui s’en sont écartés. […] En vain cherche-t-on à ramener l’art à la nature, la desertion est générale ; il n’est point d’amnistie qui puisse déterminer les artistes à revenir sous ses étendards et à se rallier sous les drapeaux de la vérité et de la simplicité. […] Elle imitoit les accens de la nature : sans être d’un chant uniforme, elle étoit harmonieuse.
Nul d’entre eux ne peut exceller, s’il n’est véritablement favorisé par la nature. […] Bourgelat, Ecuyer du Roi, chef de l’académie de Lyon, aussi cher aux étrangers qu’à sa nation, ne s’est pas borné à exercer des chevaux une grande partie de sa vie ; il en a soigneusement recherché la nature ; il en a reconnu jusqu’aux fibres les plus déliées. Ne croyez pas que les maladies de ces animaux ayent été l’unique but de ses études anatomiques ; il a forcé, pour ainsi dire, la nature à lui avouer ce qu’elle avoit constamment refusé de révéler jusqu’à lui ; la connoissance intime de la succession harmonique des membres du cheval dans toutes ses allures, et dans tous les Airs, ainsi que la découverte de la source, du principe, et des moyens de tous les mouvemens dont l’animal est susceptible, l’ont conduit à une méthode unique, simple, facile, qui tend à ne jamais rien exiger du cheval que dans des temps justes, naturels et possibles ; temps qui sont les seuls où l’exécution n’est point pénible à l’animal, et où il ne sauroit se soustraire à l’obéissance. […] Il est essentiel de discerner la place que chaque partie doit occuper : l’homme enfin doit se trouver sous la draperie, l’écorché sous la peau, et le squelette sous les chairs, pour que la figure soit dessinée dans la vérité de la nature, et dans les proportions raisonnées de l’art. […] Le maître de ballets qui ignorera la musique phrasera mal les airs ; il n’en saisira pas l’esprit et le caractère ; il n’ajustera pas les mouvemens de la danse à ceux de la mesure avec cette précision, et cette finesse d’oreille qui sont absolument nécessaires, à moins qu’il ne soit doué de cette sensibilité d’organe que la nature donne plus communément que l’art, et qui est fort au dessus de celle que l’on peut acquérir par l’application et l’exercice.
Nul d’entr’eux ne peut exceller, s’il n’est véritablement favorisé par la nature. […] Monsieur Bourgelat, Ecuyer du Roi, chef de l’Académie de Lyon, bien plus cher encore aux étrangers qu’à sa nation, ne s’est pas borné à exercer des chevaux, une grande partie de sa vie ; il en a soigneusement recherché la nature ; il en a reconnu jusques aux fibres les plus déliées. Ne croyez pas que les maladies de ces animaux aient été l’unique but de ses études anatomiques ; il a forcé, pour ainsi dire, la nature à lui avouer ce qu’elle avoit constamment refusé de révéler jusques à lui ; la connoissance intime de la succession harmonique des membres du cheval dans toutes ses allures & dans tous les airs, ainsi que la découverte de la source, du principe & des moyens de tous les mouvements dont l’animal est susceptible, l’ont conduit à une méthode unique, simple, facile, qui tend à ne jamais rien exiger du cheval, que dans des temps justes, naturels & possibles ; temps qui sont les seuls où l’exécution n’est point pénible à l’animal, & où il ne sauroit se soustraire à l’obéissance. […] Il est essentiel de discerner la place que chaque partie doit occuper : l’homme enfin doit se trouver sous la draperie ; l’écorché sous la peau ; & le squélette sous les chairs, pour que la Figure soit dessinée dans la vérité de la nature, & dans les proportions raisonnées de l’Art. […] Le Maître de Ballets qui ignorera la musique, phrasera mal les airs ; il n’en saisira pas l’esprit & le caractere ; il n’ajustera pas les mouvements de la Danse à ceux de la mesure avec cette précision & cette finesse d’oreille, qui sont absolument nécessaires, à moins qu’il ne soit doué de cette sensibilité d’organe, que la nature donne plus communément que l’Art, & qui est fort au-dessus de celle que l’on peut acquérir par l’application & l’exercice.
On sait que, chez les peuples de l’antiquité, les sacrifices étaient accompagnés de cris de joie, et surtout de danses : toute la nature semblait sourire à leurs fêtes publiques. […] Tels sont les principes qui servent de base à cette méthode, que j’ai puisée dans l’expérience et dans l’étude de la nature. […] La danse relève, embellit, perfectionne l’ouvrage de la nature.
Psyché, le jugement de Pâris, Télémaque ; c’est dans ces productions que j’oserais nommer sublimes, que la danse, rivale audacieuse de la poésie et de la musique, s’affranchissant enfin de ses gothiques entraves prend un nouvel essor, et ce n’est plus que l’expression fidèle de la nature embellie. […] Que d’autres relèvent avec empressement ces dons aimables que la nature, en souriant, a versé sur votre personne, moi je ne parlerai que des vertus respectables dont vous vous êtes plu à les embellir, et qui n’admirerait pas cette surveillance attentive, cette sollicitude si tendre, et ces soins continuels que vous ne cessez de prêter à l’éducation des enfants que le ciel vous a donnés.
Quelquefois toute la jeunesse réunie paraissait dans les rues sans autre ornement que les belles proportions dont elle était redevable à la nature. […] Parcourez la forêt la plus belle, voyez que de troncs difformes, que de tiges faibles, languissantes, inutiles, et reconnaissez l’insuffisance de la Nature. […] L’un et l’autre se rua incontinent sur ce à quoi il avait été nourri ; car l’un alla à la soupe, et l’autre prit le lièvre ; et lors il leur dit : Vous voyez, Citoyens mes amis, comme ces deux chiens étant nés d’un même père et mère, sont devenus fort différents l’un de l’autre pour leur diverse éducation, et combien plus peut, à rendre les hommes vertueux la nourriture que non pas la Nature. » Plut.
Il est rare, Monsieur, pour ne pas dire impossible, de trouver des hommes exactement bienfaits ; et par cette raison, il est très commun de rencontrer une foule de danseurs construits dèsagréablement, et dans les quels on n’apperçoit que trop souvent des défauts de conformation que toutes les ressources de l’art ont peine à déguiser, seroit-ce par une fatalité attachée à la nature humaine, que nous nous éloignons toujours de ce qui nous convient, et que nous nous proposons si communément de courrir une carrière dans la quelle nous ne pouvons ni marcher ni nous soutenir ? […] Ou les vices naturels qu’on observe en soi sont tels que rien ne peut y remédier ; en ce cas, il faut perdre sur le champ et totalement de vüe l’idée que l’on s’étoit formée de l’avantage de concourir aux plaisirs des autres ; ou ces vices peuvent être réformés par une application, par une étude constante, et par les conseils et les avis d’un maître instruit et éclairé ; et dèslors il importe essentiellement de ne négliger aucuns des efforts, qui peuvent remédier à des imperfections dont on triomphera, si l’on prévient le tems où les parties ont acquis leur dernier dégré de force et de consistance, où la nature a pris son pli, et où le défaut à vaincre s’est fortifié par une habitude trop longue et trop invétérée, pour pouvoir être détruit. […] J’avoue, que pour y parvenir il faut une sagacité réelle ; car, sans réflexion et sans étude, il n’est pas possible d’appliquer les principes selon les genres divers de conformation, et les dégrés différens d’aptitude : on ne peut saisir d’un coup d’œil ce qui convient à l’un, ce qui ne sauroit convenir à l’autre, et l’on ne varie point enfin ses leçons à proportion des diversités que la nature ou que l’habitude, souvent plus rébelle que la nature même, nous offre et nous présente. […] Si l’art peut alors l’emporter sur la nature, de quels éloges le danseur ne se rend-il pas digne ? […] La nature n’a pas exempté le beau sexe des imperfections donc je vous ai parlé ; mais l’artifice et la mode des jupes sont heureusement venus au secours de nos danseuses.
La Nature semble avoir chargé de penser pour eux certains êtres privilégiés qu’elle produit quelquefois pour sa propre gloire, et pour le bonheur du reste de l’humanité. […] C’est le poison le plus subtil que la Nature souffle au-dedans : une commotion vive en arrête le progrès, détourne sa malignité et la pousse au-dehors, comme le venin de la Tarentule.
L’invention en est moderne : elle est composée de pas différents, selon la nature des airs sur lesquels on danse. […] L’homme a senti, dès qu’il a respiré ; et les sons de la voix, les mouvements divers du visage et du corps, ont été les expressions de ce qu’il a senti ; ils furent la langue primitive de l’univers au berceau ; ils le sont encore de tous les hommes dans leur enfance ; le geste est et sera toujours le langage de toutes les nations : on l’entend dans tous les climats ; la nature, à quelques modifications près, fut et sera toujours la même. […] Mais de quelque manière qu’on l’envisage, il est indispensable de le voir toujours comme expression : c’est là sa fonction primitive ; et c’est par cette attribution, établie par les lois de la nature, qu’il embellit l’art dont il est le tout, et celui auquel il s’unit, pour en devenir une principale partie. […] En considérant que le masque, quelque bien dessiné et peint qu’on puisse le faire, est toujours inférieur à la teinte de la nature, ne peut avoir aucun mouvement, et ne peut être jamais que ce qu’il a paru d’abord ; peut-on se refuser à l’abolition d’un abus si nuisible à la Danse ? […] Au surplus, l’art des Laval et des Marcel, qui ont senti l’un et l’autre ce que la Danse devait être, est un aide sûr pour la belle nature ; le geste qu’elle anime trouve dans leurs pratiques mille moyens de s’embellir ; ils ont étudié les ressorts secrets de la nature humaine ; ils en connaissent les forces, les possibilités, la liaison.
Mais les premiers seront aisement satisfaits s’ils se donnent la patience de voir surquoy ie me fonde, & pour ne les enuyer, ie ne les entretiendray point des fables de la Poësie, ie n’appelleray point à tesmoin vn Arion qui au son de sa voix & de sa lire fist iadis danser ce Dauphin qui le deliura du naufrage, ny cest Orphée qui trouuoit en toutes choses vne si grande disposition à la danse, que les inanimées mesmes se ioignoyent au bal, animées des charmes de sa lire : & ne tireray point ma consequence de l’ordre qu’on donne à la nature de ceste admirable proportion des causes, ny de ceste Symmetrie, par laquelle les Cieux, les Elemens, & tant de choses de soy contraires & disioinctes, sont par vn accord discordant, & cadence miraculeuse vnies & conseruées en cest assemblage & continuité de l’Vniuers, auquel les Stoiciens (rauis de tant de merueilles) ont donné vn corps & vne ame, l’estimant estre vn animal de nature immortelle ie lairray ceste matiere pour l’exercice de quelque Poëte, & les prieray de considerer auec moy, que les plus remarquables personnages de toute l’antiquité, ie dis & sacrez & profanes, ont honoré la danse, & de voix & de pratique. […] Ie n’entre pas aussi en debat auec certains personnages mal taillez & difformes qui ne peuuent cacher les deffauts qu’ils ont de la nature qu’en la ruine de la bien seance, non plus qu’auec ceux qui comme des Timons se sont retirez de la societé des hommes, pour viure gras & ingrats, & donner la chasse aux Chimeres : l’enuie pousse ceux-là au mespris de la danse, pour n’auoir pas le corps disposé à receuoir les graces qui ne peuuent estre en leur perfection sans elle, & ie recuse ceux cy pour ce qu’ils sont obligez de controoller (au moins en apparence) ce qui contrarie à leur proffession, ioint qu’vne nouuelle façon de viure leur alterant ordinairement le cerueau & en suitte la raison, leur empesche de voir le desreglement de leurs opinions. […] Seneque dict, que si la nature nous a donné l’estre nous sommes redeuables à l’estude de la vertu du bien estre, & i’ose sans rougir encherir là dessus que le seul exercice de la danse peut non seulement arracher les mauuaises actions qu’vne negligente nourriture auroit enracinee, mais donner encore vn maintien & vne grace que nous disons entregent, & que ie peux appeller proprement le bel estre, chose tout à faict necessaire à quiconque veut rendre son port & son abort agreable dans le monde. […] L’authorité desquels seconde mon entreprise que ie poursuis auec d’autant plus de resolution que ie la sçay appuyee de la conformité de nos loix, & qu’elle a pour subiect vn bien tres-necessaire aux Caualiers, & aux Dames qui veulent anoblir les charmes qu’ils ont desia de la Nature, des actions & des graces qu’elle ne leur a peu donner, lesquels loüeront, ie me vante mon affection, lors que l’experience leur aura tesmoigné les effects de la methode dont ie traicte : & que ceux qui se peuuent à bon droict donner la gloire d’auoir porté la Danse parmi les choses accomplies pratiquent auiourd’huy. […] Icy il importe que ie gauchisse encores vn peu mon chemin, pour faire veoir que cest abus est suiui d’vn autre bien plus insupportable : C’est que comme en toutes sortes de sciences il se rencontre des personnes qui pour y estre montees seulement par la fenestre, n’esperent rien moins que les mesmes priuileges de ceux qui en ont recherché l’entree par les voyes legitimes, l’on voit de mesmes en celle cy vn tas de Maistres dont les vns s’imaginent que pour rendre leurs imperfections inuisibles, c’est assez de se mettre à couuert soubs les aisles de ceste belle qualité, qu’ils font le sejour de leur reputation, aussi plaisant que celuy qui couuroit son Asne de la peau du Lyon, croyant luy faire changer de nature.
Les artistes, obligés par état de copier, et de céder même à des considérations d’intérêt, (car il faut vivre), s’abandonnent, au torrent impétueux de la mode, et, par une suite nécessaire, se trouvent forcés d’immortaliser les ridicules, au lieu de donner des copies nobles et raisonnées de la belle nature. […] L’œil est en effet celui de nos sens qui se familiarise le plus aisément avec les contrastes ; ces loupes que la nature nous a données, sont souvent fausses et infidelles ; elles nous trompent presque toujours, soit dans les proportions, soit dans les distances. […] Si chaque peintre à son coloris et sa couleur, c’est parce que chaque peintre à sa lunette particulière, et qu’il n’est pas en son pouvoir de changer ce qu’il tient de la nature. […] Raphaël, Michel-Ange, le Titien, Paul Veronèse, le Tintoret, l’Albane, le Corrège, Rubens etc. ont une couleur absolument différente : cependant tous avoient le même objet, celui d’imiter fidélement la nature. […] les artistes n’ont-ils plus le goût et la nature pour guides ?
J’ai dit ailleurs que les arts sont frères ; qu’ils composent une même famille, qu’une chaîne imperceptible les lie l’un à l’autre ; que le but de leurs travaux est un, l’imitation de la belle nature ; qu’ils y arrivent par des principes différens et par des routes diverses ; mais l’amour-propre, la jalousie et toutes les petites passions qui dégradent les hommes, et qui avilissent les artistes, contribuent nécessairement à leur désunion, et s’opposent toujours à leurs progrès. […] L’imitation de la belle nature, doit lui ressembler, et être, autant qu’il se peut, la nature même.
Ils racontent encore plusieurs choses de cette nature, qui ne paroissent pas moins surprenantes que fabuleuses, afin qu’on ne s’imagine pas que ces lieux solitaires qu’ils n’habitent point, soient privez de la présence des Dieux Champêtres. […] Charlemagne qui étoit sçavant dans les Lettres, traita cela de chimere, & ordonna de continuer les travaux le lendemain : mais quand les ouvriers voulurent ouvrir la terre, il se forma un orage si prodigieux, accompagné d’éclairs, de tonnerre, de vents, de grosse grêle, & de pluie, que les ouvriers furent contraints de se retirer dans leurs cabannes toute la journée ; cet orage fut si violent, qu’il renversa tous les travaux ; l’Empereur attribua encore cet événement aux effets ordinaires de la nature, & ordonna de les recommencer le lendemain, quoiqu’on entendît encore les mêmes voix de ces esprits souterrains pendant toute la nuit, bien que le tems fût fort serein : mais aussitôt que les travailleurs voulurent se mettre à l’ouvrage, l’orage recommença comme le jour précédent, ce qui obligea les Entrepreneurs de venir faire leur remontrance à l’Empereur, & lui faire entendre que cette entreprise étoit apparemment désagréable à Dieu qui avoit réglé l’ordre de la nature dans le tems de sa création. […] C’est aussi ce que Cléopatre ni les Romains n’ont jamais pû éxécuter : ce qui fait voir qu’il n’appartient pas aux hommes de vouloir réformer la nature sans la participation de son Créateur. […] On trouve encore que Cicéron qui vivoit l’an 706 de Rome, a fait un Traité de la nature des Dieux, & qu’il dit avec Plutarque & d’autres fameux Auteurs, que les Oracles avoient cessé bien du tems avant eux ; ils ont crû que leur fin venoit de ce que les Démons & les Esprits élémentaires ne sont pas immortels, & que leur tems a pû être limité par le Créateur de l’Univers : mais qu’il en peut renaître aussi comme des hommes, suivant l’opinion des Cabalistes : j’oserai dire en passant que j’ai lieu de le croire plus qu’un autre.
Cette loi immuable de la nature ne fut jamais celle des corps pirouettans de l’opéra ; ils n’ont aucune propension à se rapprocher ; soit qu’ils s’éloignent, soit qu’ils se rencontrent, ils se heurtent et tendent sans cesse à leur destruction. […] Tout cela tient au goût, à l’esprit et à un amour-propre bien entendu, qui dit perpétuellement à l’artiste, sois original, deviens modèle, et n’imite que la nature. […] Lorsque l’on se consacre aux plaisirs du public tels que ceux de la scène, il faut avoir reçu de la nature les dons précieux qu’elle n’accorde qu’à un petit nombre.
La fréquentation des artistes et l’examen de leurs chefs-d’oeuvre sont des sources d’instruction que le maître de ballets ne doit point négliger ; elles épureront son goût, elles agrandiront ses compositions et déveloperont ses idées ; c’est en examinant avec l’oeil de l’entendement les productions du génie, qu’il appercevra cette chaine imperceptible qui lie tous les arts, et qu’il apprendra que leurs créations doivent emprunter les traits de la belle nature ; ce n’est qu’en l’imitant que leurs productions sont tout à la fois sages et intéressantes. […] Il est un point dans tous les arts, je dois le répéter, que les artistes ne peuvent dépasser ; s’entêtent-ils à vouloir franchir les limites sages que la nature a posées ? […] Les ombres heureuses offrent tous les âges et toutes les conditions ; les héros, les héroïnes, les poètes, les philosophes et les orateurs agiront, l’adolescence et l’enfance danseront ; c’est à l’imagination du peintre à tracer un vaste tableau ; s’il se contente de faire une allée d’arbres, terminée comme il est d’usage par une petite montagne, le maître de ballets se trouvera dans l’impossibilité de distribuer tous ces personnages sur un fond aussi étroitement combiné ; car il lui faut des berceaux, des allées, de petites collines, des bancs placés par la nature, des eaux tombant de terreins inégaux. […] Ce paysage varié doit offrir, pour ainsi dire, une nouvelle nature ; d’autres arbres, d’autres plantes, d’autres fleurs que celles qui nous sont connues ; tout doit être vaporeux et peint en demi-teintes. […] D’après cette esquisse, vous devez être convaincu, Monsieur, que le maître de ballets toujours en agitation ne peut composer assis et le crayon à la main ; ce n’est point un petit tableau de fantasie que le peintre doit offrir, c’est un tableau d’histoire ; tout doit y être grand, expressif et majestueux et entrainer le public a celle illusion vive qui lui fait prendre la chose imitée pour la nature même.
Quand on aura découvert que la raison est le premier moteur des opérations de leur âme, et non l’imagination, qu’on en a cru chargée jusqu’à présent, pense-t-on qu’on donnera du génie ou du talent à ceux à qui la nature aura refusé un don si rare ? […] Qu’il n’est point d’erreur dans les Arts, de quelque nature qu’elle soit, qu’il ne paraisse évidemment utile de détruire. […] Il est de la nature de l’enthousiasme de se communiquer et de se reproduire ; c’est une flamme vive qui gagne de proche en proche, qui se nourrit de son propre feu, et qui loin de s’affaiblir en s’étendant, prend de nouvelles forces à mesure qu’elle se répand et se communique. […] On ne verra jamais de représentation parfaite, sans cette chaleur mutuelle qui entretient la vivacité de celui qui représente, et le charme de ceux qui l’écoutent ; c’est un mécanisme constant établi par la nature. […] Ce n’est donc que par une étude assidue et profonde de la nature, des passions, des chefs-d’œuvre des Arts, qu’on peut développer, nourrir, réchauffer, étendre le génie.
MADAME, Si vous considerez que toutes choses tendent necessairement à leur centre, ie m’asseure que vous ne trouuerez pas estrange que ce discours s’ose adresser à vostre grandeur, puis qu’il la recognoist pour l’élement & le vray seiour des graces dont il traicte, on ne peut en cela l’accuser d’effronterie ny d’imprudence, (car il ne pouuoit resister à la Nature, qui l’oblige de rechercher en vostre faueur la conseruation de la vie que ie luy donne, ny s’asseurer contre les attaques de l’enuie, qu’en vostre protection.
Premier emploi de la Danse Le Chant et la Danse une fois connus, il était dans la nature qu’on les fît d’abord servir à la démonstration d’un sentiment qu’elle a profondément gravé dans le cœur de tous les hommes.
Cette force est, sans contredit, un don de la nature. […] L’art chez eux a suppléé à la nature, parce qu’ils ont eu le bonheur de rencontrer d’excellents maîtres, qui leur ont démontré que lorsqu’on abandonne les reins, il est impossible de se soutenir dans une ligne droite et perpendiculaire ; que l’on se dessine de mauvais goût, que la vacillation et l’instabilité de cette partie s’opposent à l’aplomb et à la fermeté ; qu’ils impriment un défaut désagréable dans la ceinture ; que l’affaissement du corps ôte aux parties inférieures la liberté dont elles ont besoin pour se mouvoir avec aisance ; que le corps dans cette situation est comme indéterminé dans sa position ; qu’il entraîne souvent les jambes ; qu’il perd à chaque instant le centre de gravité, et qu’il ne retrouve enfin son équilibre qu’après des efforts et des contorsions, qui ne peuvent s’associer aux mouvements gracieux de la danse. » [NdE J.
. ; elle supprima les jupes et les manches de ses vêtemens ; elle proscrivit toutes les étoffes qui n’avoient point de transparence : des gazes légères et des crêpes encore plus légers composoient ses vêtemens que le souflé des zéphirs faisoit voltiger à son gré et à celui des amateurs de la belle nature. […] Tantôt elles sont Circassiennes, et tantôt Egyptiennes : quelques semaines après elles adoptent le costume des femmes du sérail et l’abandonnent ensuite pour prendre celui des Lacédémoniennes ; par un caprice qui est sans exemple, elles ont quitté leurs cheveux, ce magnifique ornement que la nature a placé sur leur tête pour couronner leur front et servir de diadème à la beauté. […] Ces amas de cheveux étrangers désagréables et mal peignés contrastaient horriblement avec les sourcils et les cils des yeux qui restent constament de la couleur que la nature leur a primordialement imprimée. […] Dans la peinture, les objets une fois placés n’ont que le mouvement de l’instant que le peintre a choisi ; le nû qui favorise cet art et qui est étudié partiellement, dans ce que la nature présente de plus parlait, ne peut être adopté pour le théâtre, toutes les draperies de peintre enchaînent et lient les objets ; mais les draperies jettées avec art, groupées avec intelligence n’ont qu’un mouvement instantané. […] Il faut espérer que la raison reprendra un jour ses droits, et que honteux de nous être rendus tributaires de la folie, nous anoncerons à son empire, et que les arts fatigués du bruit de ses grelots, prêteront enfin l’oreille aux accens de la vérité et aux sages leçons de la nature.
Le geste, comme je l’entends, est un second organe que la nature à donné à l’homme ; mais il ne se fait entendre que lorsque l’ame lui ordonne de pailer. […] Ce fut donc Dauberval qui le premier eût le courage de lutter contre l’opinion reçue ; de vaincre les anciens préjugés ; de triompher des vieilles rubriques de l’opéra ; de briser les masques ; d’adopter un costume plus vrai, et de se montrer avec les traits intéressants de la nature. […] J’ai fait, d’accord avec la nature, trois élèves ; ils ont dans des genres opposés de très-grands talens : je parlerai d’eux lorsqu’il en sera tems, et en rendant hommage à la vérité, je ne pourrai me dispenser de faire leur éloge.
Semblables aux abeilles qui, après avoir butiné sur les fleurs, et les fruits, vont ensuite en déposer les sucs parfumés dans leurs industrieuses habitations, les artistes reviennent dans leur patrie, et, l’imagination remplie de grandes images, ils volent à leurs atteliers : leurs pinceaux vigoureux font respirer la toile, et leurs couleurs brillantes nous montrent la nature parée de tous les charmes de l’art. […] Les pinceaux brillans de la peinture, le cizeau hardi de la sculpture, le compas et la règle de l’architecture, les mouvemens harmonieux et expressifs de la danse, le noté ingénieux de la musique, sont les plumes dont les artistes se servent pour imiter la nature et pour l’embellir. […] Le tems qu’ils donnent à l’étude de leur art et à l’imitation de la nature, ne leur permet pas d’approfondir la langue des Homère et des Virgile.
La situation contraire est donc de pure convention ; et une preuve non équivoque que ce défaut n’est qu’imaginaire, c’est qu’un peintre pécheroit autant contre la nature que contre les règles de son art, s’il plaçoit son modèle les pieds tournés comme ceux d’un danseur. […] Vous voyez, Monsieur, que voilà la nature changée ; mais cette opération une fois faite, il n’est plus permis à l’art de faire un second miracle, en rendant à l’arbre sa première forme. La nature dans certaines parties, ne se prête à des changemens qu’autant qu’elle est foible encore. […] Cette force est, sans contredit, un don de la nature. […] Chacun chante sa partie et compte ses temps avec exactitude ; ces concerts dictés par la simple nature et exécutés par les gens les plus vils ont un ensemble que nous avons de la peine à faire saisir à nos musiciens Français, malgré le bâton de mesure et les contorsions de celui qui en est armé.
Vous voyez, Monsieur, que voilà la nature changée ; mais cette opération une fois faite, il n’est plus permis à l’Art de faire un second miracle, en rendant à l’arbre sa premiere forme. La nature dans certaines parties, ne se prête à des changements qu’autant qu’elle est foible encore. […] Cette force est sans contredit un don de la nature ; n’est-elle pas cultivée par les soins du Maître habile ? […] Chacun chante sa partie & compte ses temps avec exactitude ; ces Concerts dictés par la simple nature & exécutés par les gens les plus vils ont un ensemble que nous avons de la peine à faire saisir à nos Musiciens François, malgré le bâton de mesure & les contorsions de celui qui en est muni. […] Leur Danse est séduisante, parcequ’elle tient tout de la nature : leurs mouvements ne respirent que la joie & le plaisir, & la précision avec laquelle ils exécutent, donne un agrément particulier à leurs attitudes, à leurs pas & à leurs gestes.
Je crois que votre mérite sera bien senti en Angleterre parce qu’on y aime la nature ; mais ou trouverrez vous des acteurs capables d’exécuter vos idées.
Les talents trouvent toujours auprès d’elle cet asyle tranquille, capable seul de les faire éclorre, là où la nature n’en avoit mis que le germe, & de les faire développer dans ceux où ils seroient restés languissants.
Même furieuses, ses passions sont éphémères, et toujours courantes ; elle est toute charnelle et toute à la volupté : elle n’en a même pas les mélancolies, tant sa nature est légère.
Pline nous assure qu’en la frappant elle rendoit des sons semblables à ceux de ce métal, et que les acteurs lui donnèrent la préférence ; mais il a oublié de nous dire de quelle nature étoit cette pierre, et à quelle espèce elle appartenoit. […] Je reviens aux masques, ces figures hideuses qui cachent la nature pour ne nous en montrer qu’une copie difforme et grimacière. […] voilà, je crois, les masques : qu’on les laisse tomber, et qu’on lève la toile, alors on jouira tout à la fois des miracles de la nature et. de l’art.