Je ne puis m’empêcher, Monsieur, de désapprouver les Maîtres de ballets, qui ont l’entêtement ridicule de vouloir que les figurants, et les figurantes se modèlent exactement d’après eux, et compassent leurs mouvemens, leurs gestes et leurs attitudes d’après les leurs : cette singulière prétention ne doit-elle pas s’opposer au développement des graces naturelles des exécutans, et étouffer en eux le sentiment d’expression qui leur est propre ? […] Le ballet bien composé est une peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies et du costume de tous les peuples de la terre : conséquemment il doit être pantomime dans tous les genres, et parler à l’âme par les yeux ; est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n’offre plus alors qu’un spectacle froid et monotone. […] Ne dansant point, il devient étranger au ballet ; son expression dailleurs étant dépourvue des graces que la danse prête aux gestes et aux attitudes, paroît moins animée, moins chaude et conséquemment moins intéressante. […] Mentor, dans un spectacle de danse, peut et doit agir en dansant ; cela ne choquera ni la vérité, ni la vraisemblance, pourvû que le compositeur ait l’art de lui conserver un genre de danse et d’expression analogue à son caractère, à son âge, et à son emploi. […] Lorsque le génie ne dirige pas tous ces mouvemens, et que le sentiment et l’expression ne leur prêtent pas des forces capables de m’émouvoir et de m’intéresser, j’applaudis alors à l’adresse, j’admire l’homme-machine, je rends justice à sa force, à son agilité ; mais il ne me fait éprouver aucune agitation ; il ne m’attendrit pas, et ne me cause pas plus de sensation que l’arrangement de mots suivans : Fait.. pas.. le.. la.. honte.. non.. crime.. et.. l’échafaud.
La seconde que l’on nomme danse en action est, si j’ose m’exprimer ainsi, l’âme de la première ; elle lui donne la vie et l’expression, et en séduisant l’oeil elle captive le coeur, et l’entraine aux plus vives émotions ; voila, ce qui constitue l’art. Lorsqu’un danseur parvient à réunir la partie brillante du métier, à l’esprit et à l’expression, il mérite légitimement le titre d’artiste : il est tout à la fois bon danseur et excellent acteur. […] Tous ces agens des passions lorsqu’ils sont mûs par la puissance de l’âme, sont assurés de produire le plus grand éffet, et les plus vives émotions ; mais on ne peut espérer d’intéresser, d’attendir, et de porter le public à l’illusion par des phrases exprimées sans langue ; il faut qu’elles aient, toute la force des parole et l’expression de la nature, car la pantomime a ses accens et son sublime, ainsi que l’éloquence ; son langage est plus bref et plus concis que le discours ; c’est un trait vivement lancé par le sentiment ; il va droit an coeur. […] On me dira, sans doute, que cette comparaison n’a rien de relatif à l’acteur pantomime, puisqu’il doit parler sans voix ; je répondrai que ses gestes, le jeu varié de sa physionomie, l’expression animée de ses yeux sont autant de langues qu’il a à sa disposition ; j’ajouterai à tous ces moyens ceux que la musique expressive offre à la pantomime ; elle en est l’organe, et lui fournit tous les accens dont elle peut avoir besoin. […] or, si le grand peintre est obligé de se donner tant de soins pour attacher à une tête, le caractère, la grâce et l’expression qu’elle doit avoir ; combien les maîtres en tous genres ne doivent-ils pas s’appliquer, à leur tour, à connoitre l’organisation des têtes de leurs élèves, les goûts, les penchants et les inclinations de chacun-d’eux.
J e puis vous assurer avec connoissance de cause, Monsieur, et d’après des épreuves réitérées, que les sujets puisés dans l’histoire sont ceux qui peuvent fournir à l’art pantomime, les plus riches images et les plus grands moyens d’expression. […] La danse proprement dite, n’étoit dans son origine que l’expression naïve de la joye ; mais lorsque l’on a voulu étendre les effets de cette expression primitive, on lui a assigné des règles, des principes et une marche légulière ; j’ai pensé qu’il étoit possible de lui donner plus d’extension en lui faisant peindre des différens sentimens qui agitent l’âme. […] Cette fable donna à ma composition deux actes pleins d’action et d’expression. […] Cette représentation eut le plus grand succès ; mais moins indulgent que le public, je me jugeois sévèrement ; et ayant toujours préféré la qualité à la quantité ; m’étant fortement persuadé que les longueurs dans un ballet en action effacent les impressions reçues ; je fus très fâché de m’avoir pas cousu mon divertissement à la fin du second acte ; en diminuant les longueurs, je n’aurois pas éteint le feu que l’action et l’expression avoient allumé ; ni amorti les impressions vives qu’elles venoient de faire éprouver au spectateur. […] Dauberval à surpassé Lany ; il a ajouté à une exécution savante, de l’esprit, des graces naïves, et une expression vraie que l’école ne donne point, mais que la nature dispense à ses favoris ; le Picq, enfin, ce Prothée de la danse réunissoit tous les genres ; la facilité, le moelleux, l’harmonie qu’il mettoit dans tous ses mouvemens lui donnoieut un air céleste.
Or, le talent supposé dans le Danseur, la Danse en action lui fournit autant de moyens d’expression qu’il y a de passions dans l’homme. […] L’expression qu’il répand dans tous les traits de Saint Charles Borromée passe jusqu’au fond de votre cœur.
Si notre art, tout imparfait qu’il est, séduit et enchaîne le spectateur ; si la danse denuée des charmes de l’expression, cause quelque fois du trouble, de l’émotion, et jette notre âme dans un dèsordre agréable ; quelle force et quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvemens étoient dirigés par l’esprit, et ses tableaux esquissés par le sentiment ! […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, et qu’il leur dise : « Enfans de Terpsichore, renoncez aux cabrioles aux entrechats, et aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentimens, aux graces naïves et à l’expression ; appliquez-vous à la pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’âme de votre art ; mettez de l’esprit et du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volonté en caractèrise la marche, et que le goût en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits ; ils éclipsent, pour ainsi dire, votre âme, et vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes, et de ces coeffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides et guindés, qui privent l’exécution de ces charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, et qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions. […] Si leurs gestes et leurs physionomies sont sans cesse d’accord avec leur âme, l’expression qui en résultera sera celle du sentiment, et vivifiera votre ouvrage.
Ce sont ses expressions. […] Un maître de ballets, pour se perfectionner, devroit connoître la manière de faire des Dauberval, des le Picq et des Gallet ; il trouveroit dans leurs compositions ingénieuses un coloris différent, des oppositions plus ou moins variées dans les grouppes, les dessins et la distribution de leurs personnages, une expression particulière dans le langage muet mais éloquent de la pantomime. […] Des gens d’esprit et de goût m’ont assuré, que la partie dansante de ces deux compositions, étoit brillante et remplie de charmes ; mais que l’action pantomime et l’expression qui en est l’âme, n’avoient pu se déployer dans deux sujets également mal-choisis, totalement dénués d’intrigues et incapables de fournir au compositeur de grands traits et d’heureuses situations. […] Ces traductions ne sont que des esquisses grossières et imparfaites de ces grands originaux, qui ainsi mutilés, ne présentent à l’esprit que trivialité, bassesse d’idées et d’expressions.
Ils mettaient de la légèreté, et beaucoup d’expression dans leur Danse ; mais c’était toujours les mêmes tableaux. […] Il en résultait une expression si naturelle, des images si ressemblantes, un pathétique si touchant, ou une plaisanterie si agréable, qu’on croyait entendre les actions qu’on voyait. […] Ce genre tout à fait nouveau (quoique composé d’un fond connu) formé par le génie, et adopté avec passion par les Romains, fut nommé Danse Italique ; et dans les transports du plaisir qu’il causait, on donna aux Acteurs le titre de Pantomimes, qui n’était qu’une expression vive, et point exagérée de la vérité de leur action.
Si notre Art, tout imparfait qu’il est, séduit & enchaîne le Spectateur ; si la Danse dénuée des charmes de l’expression cause quelquefois du trouble, de l’émotion, & jette notre ame dans un désordre agréable ; quelle force & quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvements étoient dirigés par l’esprit & ses Tableaux esquissés par le sentiment ! […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, & qu’il leur dise : « Enfants de Terpsichore, renoncez aux cabrioles, aux entrechats & aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentiments, aux graces naïves & à l’expression ; appliquez-vous à la Pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’ame de votre Art ; mettez de l’esprit & du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volupté en caractérise la marche & que le génie en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits, ils éclipsent, pour ainsi dire, votre ame, & vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes & de ces coëffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides & guindés qui privent l’exécution de ses charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, & qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions. […] Si leurs gestes & leurs physionomies sont sans cesse d’accord avec leur ame, l’expression qui en résultera sera celle du sentiment, & vivifiera votre ouvrage.
[15] Les plus grands artistes, soit peintres, soit poètes, ou musiciens, se sont bien gardés de confondre le caractère et l’expression des divers personnages ; ils se sont toujours attachés à la distinction ces genres. […] En composant, en réglant soyez peintre ; que tout dans votre tableau soit en harmonie, et que les effets principaux aient une vive expression qu’accompagne une grâce séduisante. […] L’Apollon du Belvédère, le Laocoon, la Vénus de Médicis, le Mercure que l’on appelle l’Antinoüs, et quelques autres chefs-d’œuvre les plus étonnants de la sculpture grecque, sont des modèles sublimes de la perfection des formes humaines et de l’expression la plus naturelle. […] Je puis me flatter d’avoir été le premier à donner raison de cette expression, qui sans cela, placée dans notre bouche, pourrait apprêter à rire aux peintres, à qui elle avait appartenu toute entière. […] La musique d’un pas ou d’un ballet doit avoir encore plus de cadence et d’accent que la musique vocale, parce qu’elle est chargée de signifier plus de choses ; que c’est à elle seule d’inspirer au danseur, au mime, la chaleur et l’expression que le chanteur peut tirer des paroles, et qu’il faut de plus qu’elle supplée dans le langage de l’âme et des expressions tout ce que la danse ne peut dire aux yeux du spectateur (J.
La pantomime, qui en augmenteroit le charme et l’intérêt, ne s’y montrera que foiblement, tant que l’on n’associera pas à l’école de cet art, une école de gestes et d’expression. […] Après le départ de le Picq, je le fis paroître dans la Bergerie Héroïque, genre fin, délicat et caractéristique ; il y déploya les graces naïves et toute l’expression qu’on pouvoit désirer. […] Malheureusement la pirouétte n’est pas restée le partage du seul Vestris ; elle est devenue le temps habituel de trente danseurs, et, qu’on me passe l’expression, le pain quotidien du public. […] Ce compositeur ingénieux a enrichi ce spectacle de ses brillantes productions ; il a écrit savament sur son art ; et personne n’est plus en état que lui d’apprécier le mérite de ceux qui se sont empressés de contribuer aux succès de ses ouvrages, soit par leur action, soit par le brillant de leur voix, soit enfin par le goût et l’expression de leur chant.
Mais de quelque manière qu’on l’envisage, il est indispensable de le voir toujours comme expression : c’est là sa fonction primitive ; et c’est par cette attribution, établie par les lois de la nature, qu’il embellit l’art dont il est le tout, et celui auquel il s’unit, pour en devenir une principale partie. […] Il est certain que les mouvements extérieurs du visage sont les gestes les plus expressifs de l’homme : pourquoi donc tous les danseurs se privent-ils sur nos théâtres de l’avantage que leur procurerait cette expression supérieure à toutes les autres ? […] Ces deux raisons ne sont que des prétextes ; les grâces du visage sont en proportion du sentiment ; et l’expression marquée par les mouvements de ses traits, sont les grâces les plus désirables pour un homme de théâtre. […] Tels sont les vents, les satyres, les démons : tous les autres sont ou nobles ou tendres ou gais ; ils gagneraient tous à l’expression que leur prêteraient les traits du visage. […] C’est sous de tels maîtres que la danse française peut acquérir cette expression enchanteresse qui lui donne, sans parler, autant de charmes qu’en étalent la bonne poésie et l’excellente musique.
C’est ici, que les bras (qu’on me passe cette expression) commencent à entrer en danse ; et on les demande souples et gracieux. […] Si cette espèce de danse est mise en action par un compositeur éclairé, avec adresse et dans les règles : si la pantomime y est jointe avec art, avec expression, si la passion de l’amour, qui d’ordinaire en fait le fond, y est traitée avec feu, avec délicatesse, elle peut exciter dans les cœurs, surtout dans ceux des Jeunes personnes quelque émotion légère et momentanée, telle qu’on l’éprouve à la représentation d’une Scène d’Opéra et d’un Dénouement heureux de quelque Comédie, ou à la lecture de quelque Roman. […] Noverre eût paru, et qu’il eût tourné ce dernier genre du côté de l’expression, chacun sait qu’elle est la plus belle, la plus élégante, mais aussi la plus difficile. Cependant comme toute expression en avait autrefois été bannie en couvrant d’une masque le visage du Danseur qui même le plus souvent dansait seul, elle ne pouvait alors affecter le Spectateur que très médiocrement, en faisant seulement éprouver à son âme quelques atteintes passagères de volupté, telles qu’on les ressent lorsque la belle nature parée de ses grâces naïves, et aidée de celles d’un art qui se cache, se présente à nos yeux. […] Semblables aux Acteurs Anciens qui faisaient quelquefois sur la Scène les gestes d’un Rôle, tandis qu’un déclamateur en récitait les vers dans la coulisse ; nous mettons les pas, les gestes, les attitudes, les expressions aux Rôles que nous jouons, sur la musique qui se fait entendre dans l’Orchestre.
Agréez, monsieur le duc, l’expression de mes sentiments dévoués.
Récupérer l’expression complète et normale de l’esprit national dans son mode plastique et dynamique. […] Puis créer, car la France ayant, dans l’histoire donné à la danse son expression suprême peut être appelée à en déterminer la renaissance. […] Sa technique est encore incomplète, le « dehors » insuffisant ; par contre, ses pointes sont fermes, endurantes ; de plus et surtout ses dons plastiques sont évidents et à travers une candeur encore juvénile de l’expression transparaît une personnalité naissante.
Dans les premiers temps, avant la naissance même des autres arts, la Danse fut une vive expression de joie. […] Il n’est donc point de Danse qui ne puisse être admise au Théâtre ; mais elle n’y saurait produire un agrément réel, qu’autant qu’on aura l’habileté de lui donner le caractère d’imitation qui lui est commun avec tous les beaux Arts, celui d’expression qui lui est particulier dans l’institution primitive, et celui de représentation qui constitue seul l’Art dramatique.
* * Mettez de l’expression de l’âme, de l’abandon dans vos attitudes, dans vos arabesques et dans vos groupes *51. […] « En composant, en réglant, soyez peintre ; que tout dans votre tableau soit en harmonie, et que les effets principaux aient une vive expression, qu’accompagne une grâce séduisante. » 49. […] V, etc.) ; car sans cela vous n’auriez aucune expression, et votre position ou attitude deviendrait fade.
Ce sont là nos Colonnes d’Hercule, et ce n’est ensuite que la nature qui nous fait sortir quelquefois de ce cercle étroit, et qui donne à quelqu’un de nous, en dépit de lui-même, une teinte légère d’expression pour se fâcher, pour rire, pour paraître ou triste ou gai dans ce misérable baladinage. […] 10La Saltation des Anciens n’était donc autre chose que la Danse Pantomime véritable, ou l’art de mouvoir les pieds, les bras, le corps en cadence au son des instruments, et de rendre intelligible aux Spectateurs ce qu’on veut représenter, par des gestes, des signes, et des expressions d’amour, de haine, de fureur, de désespoir. […] Enfin il faut acquérir l’expression, ou l’art de parler en dansant. […] On ne pourrait pas plus l’obliger à étendre ses expressions, qu’un langage qui d’un seul mot rendrait une phrase entière d’un autre ; de manière qu’on est tout étonné en composant des Ballets Pantomimes sur des plans judicieux et réfléchis, de voir comme l’Action se rétrécit, et nous entraîne tout d’un coup à la catastrophe. […] 21Il serait superflu de parler de la troisième unité, c’est-à-dire, de celle de l’Action, après avoir tant répété que l’Action des Ballets Pantomimes doit être simple et une, pour me servir encore de l’expression d’Horace.
Ces choeurs étoient en action ; ils exigeoient du mouvement, des gestes et de l’expression. […] Gluck vif, impatient étoit hors de lui-méme, jettoit sa perruque à terre, chantait, faisoit des gestes ; peines inutiles ; les statues ont des oreilles et n’entendent point ; des yeux, et ne voyent rien : j’arrivai et je trouvai cet homme de génie et plein de feu, dans le désordre qu’impriment le dépit et la colère ; il me regarde sans me parler, puis rompant le silence il me dit avec quelques expressions énergiques que je ne rends pas : délivrez moi donc, mon ami, de la peine où je suis, donnez par charité du mouvement à ces automates ; voilà l’action ; servez leur de modèle, je serai votre interprète ; je le priai de ne leur faire chanter que deux vers a la fois, après avoir passé inutilement deux heures entières et employé tous les moyens d’expression, je dis à Gluck qu’il étoit impossible d’employer ces machines ; qu’elles gateroient tout ; et je lui conseillai de renoncer totalement a ces choeurs ; mais j’en ai besoin, sécria-t-il, j en ai besoin ! je ne puis m’en passer, sa peine m’inspira une idee ; je lui proposai de distribuer les chanteurs et de les placer derrière les coulisses, de telle sorte, que le public ne pût les appercevoir, et je promis de les remplacer par l’élite de mon corps de ballets, de lui f’aire faire tous les gestes propres à l’expression du chant et de combiner la chose de manière à persuader au public que les objets qu’il voyoit agir étoient ceux qui chantoient. […] Son expression disoit ah dieux !
La plupart des danseurs ou des compositeurs auroient besoin d’adopter l’usage que les peintres suivoient dans les siècles d’ignorance ; ils substituoient à la place du masque des rouleaux de papier qui sortoient de la bouche des personnages ; et sur ces rouleaux, l’action, l’expression et la situation que chacun d’eux devoit rendre étoit écrite. […] On a sacrifié le beau genre au trivial ; on a secoué le joug des principes ; on a dédaigné et rejetté toutes les règles ; on s’est livré à des sauts, à des tours de force ; on a cessé de danser, et l’on s’est crû pantomime : comme si l’on pouvoit être déclaré tel, lorsqu’on manque totalement par l’expression ; lorsqu’un ne peint rien ; lorsque la danse est totalement défigurée par des charges grossières, lorsqu’elle se borne à des contorsions hideuses, lorsque le masque grimace à contre-sens, enfin, lorsque l’action, qui devoit être accompagnée et soutenue par la grace, est une suite d’effets répétés, d’autant plus désagréables pour le spectateur, qu’il souffre lui-même du travail pénible et forcé de l’exécutant. […] Le mélange que les danseurs ont fait de la cabriole avec la belle danse, a altéré son caractère, et dégradé sa noblesse ; c’est un alliage qui diminue sa valeur, et qui s’oppose ainsi que je le prouverai dans la suite, à l’expression vive et à l’action animée qu’elle pourroit avoir, si elle se dégageoit de toutes les inutilités qu’elle met au nombre de ses perfections. […] L’examen que j’ai fait de toutes ces fêtes, me persuade que l’on a eu tort de le leur accorder, je n’y ai jamais vû la danse en action ; les grands récits étoient mis en usage au défaut de l’expression des danseurs, pour avertir le spectateur de ce qu’on alloit représenter ; preuve très claire et très convaincante de leur ignorance ainsi que du silence et de l’inéfficacité de leurs mouvemens.
Troisieme Position Cette Position est pour les pas emboëtez & autres pas : on la nomme emboëture, & ce n’est pas sans raison : c’est que cette Position n’est parfaite, que lorsque les jambes sont bien étenduës l’une près de l’autre : ce qui fait que les deux jambes & les pieds étant bien serrez, l’on ne peut voir de jour entre deux : ainsi elles se joignent comme une boëte, aussi j’ai tracé cette Figure avec soin, pour qu’on la comprenne plus facilement, & que l’œil qui est le miroir de l’ame donne plus de force à mon expression, en conduisant plus aisément le Lecteur à cette intelligence claire que je desire lui donner.
Le « texte chorégraphique » des ballets mêmes y est de nos jours réduit à son expression la plus simple ; les difficultés qui sont aussi des beautés sont soigneusement élaguées ; de cette façon, la plupart des rôles peuvent de confiance être mis entre toutes les mains. […] Ou bien encore il nous fallait un effort audacieux, la recherche de formes d’expression inédites ; nous en aurions apprécié les intentions fécondes malgré toutes les défaillances probables d’une technique en gestation. […] En faisant de la danse d’expression, elle mime l’émotion à froid.
La plupart des Danseurs ou des Compositeurs devroient adopter l’usage que les Peintres suivoient dans les siecles d’ignorance ; ils substituoient à la place du masque des rouleaux de papier qui sortoient de la bouche des personnages, & sur ces rouleaux l’action, l’expression & la situation que chacun d’eux devoit rendre étoient écrites. […] On a sacrifié le beau genre au trivial ; on a secoué le joug des principes ; on a dédaigné & rejetté toutes les regles ; on s’est livré à des sauts, à des tours de force ; on a cessé de danser, & l’on s’est cru Pantomime, comme si l’on pouvoit être déclaré tel, lorsqu’on manque totalement par l’expression ; lorsqu’on ne peint rien ; lorsque la Danse est totalement défigurée par des charges grossieres ; lorsqu’elle se borne à des contorsions hideuses ; lorsque le masque grimace à contre-sens, enfin lorsque l’action qui devoit être accompagnée & soutenue par la grace est une suite d’efforts répétés, d’autant plus désagréables pour le Spectateur qu’il souffre lui-même du travail pénible & forcé de l’exécutant. […] Le mêlange que les Danseurs ont fait de la cabriole avec la belle Danse a altéré son caractere & dégradé sa noblesse ; c’est un alliage qui diminue sa valeur & qui s’oppose, ainsi que je le prouverai dans la suite, à l’expression vive & à l’action animée qu’elle pourroit avoir, si elle se dégageoit de toutes les inutilités qu’elle met au nombre de ses perfections. […] Je n’y ai jamais vu la Danse en action ; les grands récits étoient mis en usage au défaut de l’expression des Danseurs, pour avertir le Spectateur de ce qu’on alloit représenter ; preuve très-claire & très-convaincante de leur ignorance, ainsi que du silence & de l’inefficacité de leurs mouvements.
L’imitation constitue donc l’essence de chacun de ces Arts ; et la Danse en particulier, qui est, dès son origine, une expression naïve des sensations de l’homme, pécherait, contre sa propre nature, si elle cessait d’être une imitation.
La musique est désormais la véritable expression de la religion et de la philosophie première.
Voilà donc la fureur poétique établie dans le monde comme un rayon de lumière transcendante, comme une émanation sublime d’en-haut, enfin comme une inspiration divine, toutes ces expressions en Grèce et à Rome étaient synonymes aux mots dont nous avons formé en français celui d’enthousiasme. […] Or il est dans la nature que l’âme n’éprouve point de sentiment, sans former le désir prompt et vif de l’exprimer ; tous ses mouvements ne sont qu’une succession continue de sentiments et d’expressions ; elle est comme le cœur, dont le jeu machinal est de s’ouvrir sans cesse pour recevoir et pour rendre : il faut donc qu’à l’aspect subit de ce tableau frappant qui occupe l’âme, elle cherche à répandre au-dehors l’impression vive qu’il fait sur elle. […] Je crains peu d’objections de la part de ceux que l’expérience peut avoir éclairés, sur le point que je traite ; mais ce tableau spirituel, cette opération rapide de la raison, cet accord mutuel entre l’âme et les sens duquel naît l’expression prompte des impressions qu’elle a reçues, paraîtront chimériques peut-être à ces esprits froids, qui se souviennent toujours, et qui ne créeront jamais. […] Je réponds 1°. qu’il n’existe point de musique digne de ce nom, qui n’ait peint une ou plusieurs images : son but est d’émouvoir par l’expression, et il n’y a point d’expression sans peinture. Voyez la question plus au long aux articles Expression,
Il joue la tragédie, la comédie, le comique et la farce avec la même supériorité ; il joint à la plus belle diction le ton et les accents vrais de la nature, faire répandre dans la tragédie un torrent de larmes, effrayer le public, l’entrainer à la terreur, et l’épouvanter par la vérité des tableaux déchirans, qu’il lui présente, le pénétrer de la plus vive douleur, l’électriser au feu des passions, et des sentimens, qui embrâsent son âme, tel est le talent de Garrick, tels sont les effets d’une expression vraie, d’une déclamation animée, qui tient tout de la nature, et qui n’emprunte presque rien de l’art. […] Son expression est pure, elle n’est pas plus étudiée que ses gestes ; des transitions heureuses, un silence effrayant, et qui annonce l’éclat des passions, un débit simple en apparence, qui sert de repoussoir aux grands traits d’éloquence, et a ce sublime que Mlle. […] Il ne parloit qu’à lui seul ; il avoit les yeux ouverts, et ne voyoit personne ; ses pas étoient errants, son àme s’imprimoit sur ses traits ; ses gestes remplis d’expression parloient lorsqu’il se taisoit, et il étoit sublime dans ces morceaux ; il on étoit ainsi des à parte ; attentif à ce que les interlocuteurs disoient, il en faisoit son profit, mais ne mettoit jamais le spectateur dans la confidence ; il savoit que l’à parte est l’expression d’une réflexion vive et prompte, qui nait de l’intérêt que l’acteur prend à l’action qui se passe devant lui a la conversation qn’on y tient, et dont le résultat doit être à son avantage. […] Dans les passions vives et violentes, l’expression animée de ses traits devançoit toujours le geste ; c’étoit l’image de la fondre qui frappe avant que l’éclair perce la nüe. […] Non, ajoutoit il, la nature a tant fait pour elle, qu’elle a méprisé tous les secours d’un art étranger ; ses yeux, sans être beaux, disoient tout ce que les passions vouloient leur faire dire ; une voix presque voilée, mais qui se ployoit avec flexibilité à l’expression vraie des grands sentimens, et qui étoit toujours au diapason des passions, une diction brulante et sans étude, des transitions sublimes, un débit rapide, des gestes éloquens sans principes, et ce cri déchirant de la nature, que l’art s’efforce envain de vouloir imiter, et qui portoit dans l’âme du spectateur, l’effroi, l’épouvante, la douleur et l’admiration ; tant de beautés réunies, disoit Garrick, m’ont frappé d’étonnement et de respect.
Quelques autres ne furent que les expressions naïves de certains événements communs, ou de choses ordinaires qu’on crut susceptibles de plaisanterie et de gaieté ; comme les Ballets des cris de Paris, des passe-temps du Carnaval. […] Le jour des lumières est un premier pas vers l’imitation, qui commence à faire naître l’illusion Théâtrale ; et quelles ressources ne peut-il pas fournir à l’art, pour donner de la force, de l’expression, de la vérité, à la décoration, et au surplus de l’ensemble83?
Ici, je pouvois craindre le ralentissement de l’action ; mais j’ai saisi l’instant où Vénus ayant enchainé l’Amour avec des fleurs, le mène en lesse pour l’empêcher de suivre une des Graces à la quelle il s’attache : et pendant ce pas plein d’expression, les plaisirs et les jeux entrainent les Nymphes dans la forêt. […] L’expression de ceux-ci, l’air satisfait de celles-là peignent avec des couleurs ménagées dans un passage bien exprimé de la chaconne, les tableaux de la volupté coloriés par le sentiment et la décence. […] Les Faunes étoient sans tonnelets, et les Nymphes, Vénus, et les Graces sans paniers : j’avois proscrit les masques qui se seroient opposés à toute expression. […] J’avois encore imaginé des silences dans la musique et ces silences produisoient l’effet le plus flatteur : L’oreille du spectateur cessant tout à coup d’être frappée par l’harmonie, son œil embrassoit avec plus d’attention tous les détails des tableaux, la position et le dessin des groupes, l’expression des têtes, et les différentes parties de l’ensemble ; rien n’échappoit à ses regards. […] Ainsi, comment décrire l’expression vive du sentiment et l’action animée de la pantomime ?
Ici je pouvois craindre le ralentissement de l’action, mais j’ai saisi l’instant où Vénus ayant enchaîné l’Amour avec des fleurs, le mene en laisse pour l’empêcher de suivre une des Graces à laquelle il s’attache, & pendant ce pas plein d’expression, les plaisirs & les jeux entraînent les Nymphes dans la forêt. […] L’expression de celle-ci, l’air satisfait de ceux-là peignent avec des couleurs ménagées dans un passage bien exprimé de la Chaconne, les tableaux de la volupté coloriés par le sentiment & la décence. […] J’avois proscrit les masques qui se seroient opposés à toute expression ; la méthode de M. […] Or, Monsieur, dans un Ballet bien conçu il faut peu de dialogues & peu de moments tranquilles ; le cœur doit y être toujours agité ; ainsi comment décrire l’expression vive du sentiment & l’action animée de la Pantomime ? […] Lorsque les caracteres sont soutenus ; que celui de la Nation qu’on représente n’est point altéré, & que la nature ne se perd pas sous des embellissements qui lui sont étrangers & qui la dégradent ; lorsqu’enfin l’expression du sentiment est fidelle ; que le coloris est vrai ; que le clair-obscur est ménagé avec art ; que les positions sont nobles ; que les grouppes sont ingénieux ; que les masses sont belles & que le dessein est correct, le tableau dès-lors est excellent & mérite les plus grands éloges.