J’ai dit, Monsieur, que la danse étoit trop composée, et le mouvement symétrique des bras trop uniforme, pour que les tableaux pussent avoir de la variété, de l’expression et du naturel : il faudroit donc, si nous voulons rapprocher notre art de la vérité, donner moins d’attention aux jambes, et plus de soins aux bras ; abandonner les cabrioles pour l’intérêt des gestes ; faire moins de pas difficiles, et jouer davantage la physionomie ; ne pas mettre tant de force dans l’exécution, mais y mêler plus d’esprit ; s’écarter avec grâces des règles étroites de l’école, pour suivre les impressions de la nature, et donner à la danse l’ame et l’action qu’elle doit avoir pour intéresser. […] La seule action du bras droit que l’on porte en avant pour décrire un quart de cercle, pendant que le bras gauche qui étoit dans cette position rétrograde par la même route pour s’étendre de nouveau, et former l’opposition avec la jambe, n’est pas suffisante pour exprimer des passions : tant qu’on ne variera pas davantage les mouvemens des bras, ils n’auront jamais la force d’emouvoir ni d’affecter. […] Tant que l’on sacrifiera le goût aux difficultés, que l’on ne raisonnera pas, que l’on fera consister la danse en tours de force, en voltige, l’on fera un métier vil d’un art agréable : la danse, loin de faire des progrès, dégénérera, et rentrera dans l’obscurité, et j’ose dire dans le mépris ou elle étoit il n’y a pas un siècle. […] S’ils ne sont vivement affectés de leurs rôles, s’ils n’en saisissent le caractère avec vérité, ils ne peuvent se flatter de réussir et de plaire : ils doivent également enchainer le public par la force de l’illusion, et lui faire éprouver tous les mouvemens dont ils sont animés. […] Vous me direz peut-être que les comédiens ont sur les danseurs, l’avantage de la parole, la force et l’énergie du discours.
J’ai dit, Monsieur, que la Danse étoit trop composée & le mouvement symmétrique des bras trop uniforme, pour que les Tableaux pussent avoir de la variété, de l’expression & du naturel ; il faudroit donc si nous voulons rapprocher notre Art de la vérité, donner moins d’attention aux jambes, & plus de soin aux bras ; abandonner les cabrioles pour l’intérêt des gestes ; faire moins de pas difficiles, & jouer davantage de la physionomie ; ne pas mettre tant de force dans l’exécution, mais y mêler plus d’esprit ; s’écarter avec grace des regles étroites de l’Ecole, pour suivre les impressions de la nature & donner à la Danse l’ame & l’action qu’elle doit avoir pour intéresser. […] La seule action du bras droit que l’on porte en avant pour décrire un quart de cercle, pendant que le bras gauche qui étoit dans cette position, rétrograde par la même route pour s’étendre de nouveau & former l’opposition avec la jambe, n’est pas suffisante pour exprimer les passions : tant qu’on ne variera pas davantage les mouvements des bras, ils n’auront jamais la force d’émouvoir & d’affecter. […] S’ils ne sont vivement affectés de leurs rôles ; s’ils n’en saisissent le caractere avec vérité, ils ne peuvent se flatter de réussir & de plaire ; ils doivent également enchaîner le Public par la force de l’illusion, & lui faire éprouver tous les mouvements dont ils sont animés. Cette vérité, cet enthousiasme qui caractérisent le grand Acteur & qui est l’ame des beaux Arts, est, si j’ose m’exprimer ainsi, l’image du coup électrique ; c’est un feu qui se communique avec rapidité, qui embrase dans un instant l’imagination des Spectateurs, qui ébranle leur ame, & qui force leur cœur à la sensibilité. […] Vous me direz peut-être que les Comédiens ont sur les Danseurs l’avantage de la parole, la force & l’énergie du discours.
On détermine presque toujours les possibilités sur ses connaissances ou sur ses forces. […] À Rome, dans les beaux jours de l’art, tous les sentiments qu’exprimaient les Danseurs, avaient un caractère si vrai, une si grande force, tant d’énergie, qu’on vit plus d’une fois la multitude entraînée par l’illusion suivre machinalement les différents mouvements du Tableau dont elle était frappée, pousser des cris, répandre des pleurs, partager les fureurs d’Ajax79, ou les tendres douleurs d’Hécube80.
Ils sont en général doués du pouvoir de séduction, de la force magique, de l’attraction dont on ne peut triompher. […] Il résiste ; une force invisible l’entraîne ; son cœur fidèle se révolte contre une fascination qui augmente sans cesse. Attiré par la force magnétique, le jeune pêcheur marche pas à pas vers les rochers qui bordent le rivage. […] Les caresses de Giannina et la bénédiction de la mère planent encore sur la tête de Mattéo, dont tant d’agitations violentes ont épuisé la force. […] Pendant que Mattéo emmène avec lui cette proie mystérieuse, on voit la malheureuse Giannina, entraînée par les Ondines, suivre inutilement le sillage de la chaloupe, et tendre ses mains suppliantes vers le fiancé qui fait force de rames vers le rivage.
Les bras de ce pas sont des moins embarrassans, & la raison en est facile à comprendre, comme je vais vous l’expliquer en peu de mots ; ce pas se fait en place & ne marche pas, il ne fait point non plus de grands mouvemens qui demanderoient beaucoup de force : ce n’est à proprement parler qu’un jeu de cou-de-pied qui engage les autres jointures à faire aussi quelques mouvemens : ainsi dans les bras ce ne sont que les poignets qui s’émouvent ; Sçavoir une fois de bas en haut, & l’autre de haut en bas.
126 Force Masques, non pas célestes, Mais, à ce qu’on écrit, très lestes, Venant illec montrer leur nez, Avec plaisir furent lorgnés.
Ne concluez pas de ce que j’ai dit plus haut, sur les figurans et sur les figurantes, qu’ils doivent jouer des rôles aussi marqués que les premiers sujets ; mais comme l’action d’un ballet est tiède, si elle n’est générale, je soutiens qu’il faut qu’ils y participent avec autant d’art que de ménagement ; car il est important que les sujets chargés des principaux rôles conservent de la force et de la supériorité sur les objets qui les environnent. […] Si l’uniformité règne dans un ballet, si l’on ne découvre pas cette diversité d’expression, de forme, d’attitude et de caractère, que l’on rencontre dans la nature ; si ces nuances délicates, mais vraies, qui peignent les mêmes passions avec des traits plus ou moins marqués et des couleurs plus ou moins vives, ne sont point ménagées avec art, et distribuées avec goût et intelligence, alors le tableau est à peine une copie médiocre d’un excellent original ; et comme il ne présente aucune vérité, il n’a la force, ni le droit d’émouvoir ni d’affecter. […] Cette quantité prodigieuse de combattans, de vaincus et de vainqueurs, partage agréablement les regards, et concourt unanimement à la beauté, et à la perfection de ces chefs d’œuvre ; chaque tête a son expression, et son caractère particulier ; chaque attitude a de la force et de l’énergie ; les groupes, les terrassemens, les renversemens sont aussi pittoresques, qu’ingénieux : tout parle, tout intéresse, parce que tout est vrai ; parce que l’imitation de la nature est fidelle ; en un mot, parce que tout concourt à l’effet général.
Ne concluez pas de ce que j’ai dit plus haut, sur les Figurants & sur les Figurantes, qu’ils doivent jouer des Rôles aussi forts que les premiers Sujets ; mais comme l’action d’un Ballet est tiede, si elle n’est générale, je soutiens qu’il faut qu’ils y participent avec autant d’Art que de ménagement ; car il est important que les Sujets chargés des principaux Rôles, conservent de la force & de la supériorité sur les objets qui les environnent. […] Si l’uniformité regne dans un Ballet, si l’on ne découvre pas cette diversité d’expression, de forme, d’attitude & de caractere que l’on rencontre dans la nature ; si ces nuances légeres, mais imperceptibles, qui peignent les mêmes passions avec des traits plus ou moins marqués, & des couleurs plus ou moins vives, ne sont point ménagées avec Art & distribuées avec goût & délicatesse, alors le Tableau est à peine une copie médiocre d’un excellent Original, & comme il ne présente aucune vérité, il n’a ni la force, ni le droit d’émouvoir ni d’affecter. […] Que les Maîtres de Ballets qui voudront se former une idée juste de leur Art, jettent attentivement les yeux sur les batailles d’Alexandre, peintes par Lebrun ; sur celles de Louis XIV, peintes par Vander-Meulen, ils verront que ces deux Héros qui font les Sujets principaux de chaque Tableau, ne fixent point seuls l’œil admirateur ; cette quantité prodigieuse de combattants, de vaincus & de vainqueurs, partage agréablement les regards, & concourt unanimement à la beauté & à la perfection de ces chef-d’œuvres ; chaque tête a son expression & son caractere particulier ; chaque attitude a de la force & de l’énergie ; les grouppes, les terrassements, les renversements sont aussi pittoresques qu’ingénieux : tout parle, tout intéresse, parce que tout est vrai ; parce que l’imitation de la nature est fidelle ; en un mot, parce que la toile semble respirer.
Nijinsky avait été un génie spontané et fantasque, une force élémentaire. […] Il semble dépasser les forces humaines, apparaît fortuit, surnaturel.
Les hommes frappent l’oreille du corps, mais le Saint-Esprit ouvre celle du cœur, lui parle, et s’en fait obéir ; parce qu’il fait aimer ce qu’il enseigne, et qu’il donne la force de le pratiquer.
Afin de leur ôter tout prétexte d’éluder la force de ces autorités et de ces raisons, comme si, pour avoir sujet de condamner les danses, on y supposoit un mal qui n’y est réellement pas, je vais commencer par donner la juste idée des danses contre lesquelles j’écris. […] Pour en convaincre pleinement et faire sentir combien sont dangereuses et indignes des chrétiens les danses, selon l’idée que je viens d’en donner, et qui répond à ce que tout le monde est en état de voir, j’apporterai un grand nombre de preuves ; ensuite je répondrai à toutes les objections qu’on a pris à tâche de multiplier, afin de détruire, s’il étoit possible, la force de ces preuves. […] Revenons à l’idée que j’ai donnée des danses telles qu’elles se pratiquent, parce qu’en la développant, je disposerai par là les esprits à mieux sentir la force des preuves sur lesquelles j’en appuierai la condamnation.
On a sacrifié le beau genre au trivial ; on a secoué le joug des principes ; on a dédaigné et rejetté toutes les règles ; on s’est livré à des sauts, à des tours de force ; on a cessé de danser, et l’on s’est crû pantomime : comme si l’on pouvoit être déclaré tel, lorsqu’on manque totalement par l’expression ; lorsqu’un ne peint rien ; lorsque la danse est totalement défigurée par des charges grossières, lorsqu’elle se borne à des contorsions hideuses, lorsque le masque grimace à contre-sens, enfin, lorsque l’action, qui devoit être accompagnée et soutenue par la grace, est une suite d’effets répétés, d’autant plus désagréables pour le spectateur, qu’il souffre lui-même du travail pénible et forcé de l’exécutant. […] je considère toutes les productions de ce genre dans les différentes cours de l’Europe, comme des ombres incomplettes de ce qu’elles sont aujourd’hui, et de ce qu’elles pourront être un jour, j’imagine que c’est à tort que l’on a donné ce nom à des spectacles somptueux, à des fêtes éclatantes qui réunissoient tout à la fois la magnificence des décorations, le merveilleux des machines, la richesse des vêtemens, la pompe du costume, les charmes de la poésie, de la musique et de la déclamation, le séduisant des voix, le brillant de l’artifice et de l’illumination, l’agrément de la danse, et des divertissemens, l’amusement des sauts périlleux et des tours de force : toutes ces parties détachées forment autant de spectacles différens ; ces mêmes parties réunies en composent un, digne des plus grands Rois. […] Il seroit, peut être avantageux, Monsieur, aux auteurs de secouer un peu le joug, et de diminuer la gêne, si toutefois ils avoient la sagesse de ne pas abuser de la liberté, et d’éviter les piéges qu’elle tend à l’imagination ; piéges dangereux dont les poètes Anglais les plus célèbres n’ont pas eu la force de se garantir.
Je pourrois encore parler de ces acteurs tragiques qui créerent l’art de la tragédie, et dont les successeurs font encore aujourd’hui les délices de la scène Française ; si leur éloquence est secondaire, il faut avouer néanmoins que c’est un mérite de faire ressortir par la déclamation toutes les beautés de la poésie ; car combien ces belles productions ne perdent-elles pas de force et d’energie dans la bouche d’un lecteur ou d’un acteur médiocre ? […] Il paroit que l’usage des orateurs Romains étoit d’avoir derrière eux, un joueur d’instrument pour leur donner le ton, ce qui les empêchoit de se livrer à leur vivacité, de s’emporter, d’épuiser leurs forces, et de s’enrouer. […] Ces deux acteurs modernes nous montroient la nature embellie par les charmes de l’art ; on voyoit leurs formes et leur physionomie ; on voyoit naitre et éclore sur leurs traits tous les signes des passions, et toutes les nuances des affections de l’âme ; on entendoit le langage de leurs yeux, et les feux qui s’en échappoient, répandoient une lumière vive sur toutes les parties de leur physionomie ; leurs gestes libres, mûs par l’ame, étoient naturels ; imprimoient de la force aux mots, et ajoutoient une nouvelle puissance à leur déclamation.
Leurs mouvemens, leurs efforts, leurs entrelacemens, enfin toutes les attitudes, toutes les situations qui caractérisent l’adresse, la souplesse et la force, offrent à chaque instant des grouppes pittoresques. […] Philoclète reparoît ; il rappelle Hercule à son devoir ; il lui peint avec force le tableau d’une passion qui va ternir sa gloire ; le héros, pénétré de honte et de repentir, ne peut soutenir les reproches dont son ami l’accable ; il lui jure qu’il renonce à son amour, qu’il va rendre son cœur à Déjanire, et qu’il va consentir à l’hymen de son fils et d’Jolé. […] La situation de Déjanire est affreuse, l’idée d’un crime, quoiqu’involontaire, lui déchire le cœur, les forces d’Hercule diminuent ; il chancelle, il succombe ; il conjure Déjanire de consommer son forfait, et de lui épargner par une mort prompte des tourmens qu’il ne peut plus supporter ; il s’adresse à ses compagnons et à Philoclète, mais les trouvant sourds à ses cris, il se précipite dans le bûcher, et ordonne à son fils de l’embraser ; Hilias frémit et sa main comme son cœur se refuse à un ordre si barbare.
Et en effet, dans le petit nombre des conversions qui se font aujourd’hui, il est aisé de remarquer que pour l’ordinaire c’est par le ministère des confesseurs les plus instruits des règles et les plus attentifs à les suivre, que Dieu les opère : ils ont à la vérité la douleur de se voir souvent abandonnés de ceux à qui la sainte vérité de l’Evangile déplaît, et qui veulent être conduits par la voie large ; mais quant à l’exactitude et à la fermeté, les confesseurs joignent une grande charité et une grande douceur pour ceux qui leur résistent, et que leurs exhortations sont soutenues par des prières fréquentes et ferventes ; Dieu leur donne aussi de temps en temps la consolation de voir quelques-unes de ces personnes se repentir de leur résistance, céder enfin à la force de la vérité, les remercier de ce qu’ils ne la leur ont pas cachée, et de ce qu’ils n’ont pas eu pour elles une indulgence qu’ils auroient jugée cruelle, parce qu’elle les auroit perdus.
Pour donner de la souplesse et de la force aux cous-de-pied, ou doit exécuter toutes ces positions sur les pointes. […] Par cette manière de s’exercer on gagne de la force et les moyens de réussir dans l’exécution de tous les pas.
Et comme elle est là pour danser, elle danse : Gluck, Chopin, comme cela se fait depuis Isadora, et cette suite de Peer Gynt qui, à force d’avoir été piétinée par les plantes nues d’innombrables danseuses, est devenue une loque musicale.
Ce spectacle étoit pauvre en vêtement, et le costume barbare adopté alors annonçoit le mauvais goût, des habits d’une coupe désagréable, force oripeau, des franges et des paillettes étoient semées sans ordre et avec profusion sur des étoffes pésantes.
Chaque bouchée qu’il sent se fondre et se disperser en lui-même, va porter des forces nouvelles à ses vertus, comme elle fait indistinctement à ses vices. […] Quelle précision dans ces êtres qui s’étudient à user si heureusement de leurs forces moelleuses ! […] — Que si une Raison rêvait, dure, debout, l’œil armé, et la bouche fermée, comme maîtresse de ses lèvres, — le songe qu’elle ferait, ne serait-ce point ce que nous voyons maintenant, — ce monde de forces exactes et d’illusions étudiées ? […] Je m’inquiète comment la nature a su enfermer dans cette fille si frêle et si fine, un tel monstre de force et de promptitude ? […] Moi-même, je me sens envahi de forces extraordinaires… Ou je sens qu’elles sortent de moi qui ne savais pas que je contenais ces vertus.
Pendant de longues années la lutte contre Napoléon avait absorbé les forces vives de l’Autriche. […] Le directeur des chœurs contribua néanmoins de toutes ses forces au succès de l’entreprise. […] Sa vocation fut décidée par la force même des choses, par des impulsions ataviques, par l’air qu’elle respirait. […] Cette artiste, l’étoile du théâtre San Carlo de Naples, se distinguait, elle aussi, par la vivacité de sa danse et par la force expressive de sa mimique. […] Sa danse a l’air prime-sautière ; c’est la vie qui s’agite, la vérité qui éclate ; c’est, dirait-on, le jeu facile de forces qui se dépensent en toute liberté.
Vigueur, force, 45.
Etant élevez sur la pointe des pieds ainsi que je viens de le dire, les pieds à la quatriéme position, le corps également posé ; je suppose que le pied droit soit devant, de-là vous laissez échaper vos deux jambes, comme si les forces vous manquoient, en laissant glisser le pied droit derriere, & le pied gauche revient devant en partant tous deux à la fois, & en tombant les deux genoux pliez, & du même instant vous relever en remettant le pied droit devant, & le pied gauche revient derriere, ce qui vous remet à la même position que vous estiez en commençant ; mais vous estes encore plié, & vous vous relevez du même tems en rejettant le corps sur le pied gauche, & assemblant par ce mouvement sauté, le pied droit auprès du gauche en se posant à la premiere position, puis vous faites un pas du pied gauche ; ce qui s’appelle dégager le pied, & c’est aussi ce qui vous met dans la liberté de faire les pas qui suivent, mais cet enchaînement de pas se fait dans l’étenduë de deux mesures à deux tems legers, j’ay taché de le circonstancier dans toutes ces parties, afin d’en rendre l’execution plus facile.
Quant aux Danseurs, ils ne se permettent pas les tours de force employés par les Grotesques ; ils se contentent de cabrioler coup sur coup, de multiplier les entrechats, les gambades, les battements sans rime ni raison, mais avec une espèce de justesse, et en gardant un peu plus la mesure. […] Ces Danseurs comiques, s’ils sont habiles, peuvent faire admirer la force jointe à la précision et à la légèreté, et même faire rire quelquefois en tournant artistement en grimaces les gestes de contraction qui leur sont indispensables pour leurs efforts. […] Il faut qu’il soit lui-même fortement affecté de tout ce qu’il veut représenter, qu’il éprouve enfin et qu’il fasse sentir aux Spectateurs ces frémissements intérieurs, qui sont le langage avec lequel l’horreur, la pitié, la terreur parlent au-dedans de nous, et nous secouent au point de pâlir, de soupirer, de tressaillir, et de verser des larmes ; malgré la persuasion où nous sommes que ce qui nous rend si sensibles, n’est qu’un être artificiel, une imitation dénuée de cette force, et de cette vérité éloquente qu’emploie la nature dans ses spectacles réels.
On a sacrifié le beau genre au trivial ; on a secoué le joug des principes ; on a dédaigné & rejetté toutes les regles ; on s’est livré à des sauts, à des tours de force ; on a cessé de danser, & l’on s’est cru Pantomime, comme si l’on pouvoit être déclaré tel, lorsqu’on manque totalement par l’expression ; lorsqu’on ne peint rien ; lorsque la Danse est totalement défigurée par des charges grossieres ; lorsqu’elle se borne à des contorsions hideuses ; lorsque le masque grimace à contre-sens, enfin lorsque l’action qui devoit être accompagnée & soutenue par la grace est une suite d’efforts répétés, d’autant plus désagréables pour le Spectateur qu’il souffre lui-même du travail pénible & forcé de l’exécutant. […] Je considere toutes les productions de ce genre dans les différentes Cours de l’Europe, comme des ombres incomplettes de ce qu’elles sont aujourd’hui & de ce qu’elles pourront être un jour ; j’imagine que c’est à tort que l’on a donné ce nom à des Spectacles somptueux, à des Fêtes éclatantes qui réunissoient tout à la fois la magnificence des décorations, le merveilleux des machines, la richesse des vêtements, la pompe du costume, les charmes de la Poésie, de la Musique & de la Déclamation, le séduisant des voix, le brillant de l’artifice & de l’illumination, l’agrément de la Danse & des Ballets, l’amusement des Sauts périlleux & des tours de force : toutes ces parties détachées forment autant de Spectacles différents ; ces mêmes parties réunies en composent un digne des plus grands Rois. […] Il seroit avantageux, Monsieur, aux Auteurs de secouer le joug & de quitter la gêne, si toutefois ils avoient la sagesse de ne pas abuser de la liberté, & d’éviter les pieges qu’elle tend à l’imagination ; pieges dangereux dont les Poëtes Anglois les plus célebres n’ont pas eu la force de se garantir.
danse baladoire, il se décline : ce sont les danses contre lesquelles les saints canons, les Peres de l’Eglise et la discipline ecclésiastique se sont élevés avec tant de force : les Païens mêmes réprouvaient ces danses licencieuses. […] Bourrée, (Pas de) ce pas est composé de deux mouvements ; savoir d’un demi-coupé avec un pas marché sur la pointe du pied, et d’un demi-jeté : je dis un demi-jeté, parce qu’il n’est sauté qu’à demi ; et comme ce pas est coulant, son dernier pas ne doit pas être marqué si fort : on en a adouci l’usage, parce qu’il demande beaucoup de force dans le coup-de-pied ; on y a donc ajouté le fleuret [voir Fleuret]. […] Il diminue par conséquent les forces ; et c’est un inconvénient considérable dans un pareil exercice, que la gêne et l’affaiblissement. […] Au surplus, l’art des Laval et des Marcel, qui ont senti l’un et l’autre ce que la Danse devait être, est un aide sûr pour la belle nature ; le geste qu’elle anime trouve dans leurs pratiques mille moyens de s’embellir ; ils ont étudié les ressorts secrets de la nature humaine ; ils en connaissent les forces, les possibilités, la liaison.
Que ne peut pas la force de l’imagination sur les hommes d’un sang vif ?
[Voir Dessauteur] Les entrées de ces Ballets étaient proportionnées à l’âge, aux talents, aux forces, aux progrès de chacun des Acteurs.
Dans le Joseph de Strauss, pantomime en musique, il lui arrive de persévérer pendant quelques minutes dans une attitude de recueillement ou d’extase d’où toute force expressive est absente.