Le ballet bien composé est une peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies et du costume de tous les peuples de la terre : conséquemment il doit être pantomime dans tous les genres, et parler à l’âme par les yeux ; est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n’offre plus alors qu’un spectacle froid et monotone. Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre, qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, et qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au spectateur, qui le transporte, en un instant, dans le lieu, où la scène a dû se passer ; qui met son âme dans la même situation, où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle, dont l’art ne lui présente que l’imitation. […] La danse embellie par le sentiment et conduite par le talent, recevra enfin avec les éloges et les applaudissemens que toute l’Europe accorde à la poèsie, et à la peinture, les récompenses glorieuses dont on les honore.
Le Ballet bien composé est une Peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies, & du costume de tous les Peuples de la terre ; conséquemment, il doit être Pantomime dans tous les genres, & parler à l’ame par les yeux. […] Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la Peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, & qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au Spectateur, qui le transporte en un instant, dans le lieu où la Scene a dû se passer ; qui met son ame dans la même situation où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle dont l’Art ne lui présente que l’imitation. […] La Danse embellie par le sentiment, & conduite par le génie, recevra enfin avec les éloges & les applaudissements que toute l’Europe accorde à la Poésie & à la Peinture, les récompenses glorieuses dont on les honore.
Tout ce qui peut servir à la peinture, doit servir à la danse : que l’on me prouve que les pièces des auteurs que je viens de nommer sont dépourvues de caractères, dénuées d’intérêt, privées de situations fortes, et que les Bouchers, et les Vanloos ne pourront jamais imaginer d’après ces chefs-d’œuvre, que des tableaux froids et désagréables ; alors, je conviendrai que ce que j’ai avancé n’est qu’un paradoxe : mais s’il peut résulter de ces pièces une multitude d’excellens tableaux, j’ai gain de cause ; ce n’est plus ma faute si les peintres pantomimes nous manquent, et si le génie ne fraye point avec nos danseurs. […] Cette étude le déterminera toujours à en faire un beau choix ; ces peintures dailleurs pouvant être tour à tour historiques, poètiques, critiques, allégoriques et morales, il ne peut se dispenser de prendre des modèles dans tous les rangs, dans tous les états, dans toutes les conditions. […] La dégradation dans les tailles et dans les couleurs des vêtemens est inconnue au théatre ; ce n’est pas la seule partie qu’on y néglige : mais cette négligence ne me paroit pas excusable dans de certaines circonstances, surtoût, à l’opéra, théâtre de la fiction ; théâtre, où la peinture peut déployer tous ses trésors ; théâtre, qui souvent dénué d’action forte et privé d’intérêt vif, doit être riche en tableaux de tous les genres, ou du moins devroit l’être. […] Dans un spectacle aussi riche en ressources que celui de notre opéra, n’est-il pas choquant et ridicule de ne point trouver de dégradations dans les tailles, lorsqu’on s’y attache et qu’on s’en occupe dans les morceaux de peinture qui ne sont qu’accessoires au tableau ? […] L’attention que doit avoir le maître de ballets, c’est de placer sur les parties obscures de la décoration les habits les plus clairs et les plus brillants, et de distribuer sur toutes les masses de clair, les habits les plus sombres et les moins éclatans ; de ce bon arrangement naîtra l’harmonie : La décoration servira, si j’ose m’exprimer ainsi, de repoussoir au ballet : Celui-ci, à son tour, augmentera le charme de la peinture, et lui prêtera toutes les forces capables de séduire, d’emouvoir, et de faire illusion au spectateur.
Le mot costume, que l’on doit aux Italiens, s’est naturalisé en France : il n’étoit employé jadis que pour la peinture, la sculpture et le théâtre. […] On doit entendre par costume tout ce qui peut contribuer, par une imitation fidelle, à procurer à l’oeil le plaisir de l’illusion, et transporter le spectateur par le prestige des beaux arts, dans le climat et chez la nation dont on lui trace la peinture. […] Il est extravagant de confondre le costume adopté par la peinture avec celui qui est propre au théâtre. Dans la peinture, les objets une fois placés n’ont que le mouvement de l’instant que le peintre a choisi ; le nû qui favorise cet art et qui est étudié partiellement, dans ce que la nature présente de plus parlait, ne peut être adopté pour le théâtre, toutes les draperies de peintre enchaînent et lient les objets ; mais les draperies jettées avec art, groupées avec intelligence n’ont qu’un mouvement instantané.
Les Danses nuptiales, qui, sous cette dénomination nouvelle, étaient les mêmes, que celles dont on vient de parler, furent la peinture la plus licencieuse, et firent les délices de Rome.
Les autres arts, comme la peinture, l’architecture, la sculpture et la danse, n’ont, à leur tour, que l’œil pour juge de leurs productions. […] La poésie, la musique vocale et instrumentale ; l’architecture et la sculpture feintes ; la peinture dans tous ses genres, la danse et les ballets, la mécanique enfin ; ne peut-on pas ajouter les illuminations enrichies de médaillons, de devises et d’emblêmes, les feux d’artifice en action, les feux d’eau, le simulacre d’un combat naval ?
Plus la danse, comme la peinture, embrassera d’objets ; et plus elle aura des moyens fréquents de déployer les belles proportions, de les mettre dans des jours heureux, de leur imprimer le seul mouvement qui peut leur donner une sorte de vie.
Le décore de la partie occupée par les spéctateurs, étoit si vieux, si noir et si mal-propre, qu’on n’y appercevoit aucun vestige de peinture.
Il faut que le maître de ballets sache que la danse ne possède que sept pas fondamentaux ; ce petit nombre l’étonnera sans doute, mais sa surprise cessera lorsqu’il saura que la musique n’a que sept notes, et la peinture sept couleurs ; mais le mélange de ces notes et de ces couleurs offre pour la peinture une variété immense de teintes et de demi-teintes dégradées ; pour la musique une variété incalculable de combinaisons harmoniques et mélodieuses : de même les sept pas de la danse, forment à l’aide d’un heureux mélange une foule de temps, de demi-temps et d’enchaînements de pas et de mouvemens.
Dans la musique, dans la peinture, etc., l’on n’a pas besoin d’un travail aussi opiniâtre pour conserver ce que l’on sait. […] Arabica ornamenta (latin), terme de peinture : ce sont ces ornements composés de plantes, d’arbustes, de branches légères et de fleurs, dont l’artiste forme des tableaux, et décore des compartiments, des frises ou des panneaux. […] Nos maîtres d’école de danse auront aussi introduit dans l’art cette expression, à raison des tableaux ressemblants aux arabesques de la peinture, par les groupes qu’ils ont formé de danseurs et de danseuses, s’entrelaçant de mille manières, avec des guirlandes, des couronnes, des cerceaux ornés de fleurs, et mélangés quelquefois d’instruments antiques propres à la pastorale ; et ces attitudes qui rappellent les belles Bacchantes que l’on voit sur les bas-reliefs antiques ; par leur légèreté presque aérienne, à laquelle se réunit eu même temps la vigueur et le contraste des oppositions, ont en quelque sorte rendu naturel à notre art le mot arabesque. […] Son tableau de la Cène, qui n’est connu que sous son nom, est regardé comme l’un des chefs-d’œuvre de la peinture.
) homme expérimenté dans le dessein, la peinture, la sculpture, l’architecture, et la perspective, qui invente ou qui exécute et dispose des ouvrages d’architecture peinte, et toutes sortes de décorations, soit pour le théâtre, soit pour les fêtes publiques, les pompes funèbres, les processions, etc. […] Observez encore que je n’ai point employé le mot imagination, qu’on croit communément la source unique de l’enthousiasme ; parce que je ne la vois dans mon hypothèse que comme une des causes secondes, et telle (pour m’aider encore d’une comparaison prise de la Peinture), telle, dis-je, qu’est la toile sous la main du peintre. […] On ne voit point sans enthousiasme une tragédie intéressante, un bel opéra, un excellent morceau de peinture, un magnifique édifice, etc. ainsi la définition que je propose paraît convenir également, et à l’enthousiasme qui produit, et à l’enthousiasme qui admire. […] Je réponds 1°. qu’il n’existe point de musique digne de ce nom, qui n’ait peint une ou plusieurs images : son but est d’émouvoir par l’expression, et il n’y a point d’expression sans peinture.
Lully fut dès lors regardé comme un Compositeur divin, les Chanteurs comme des modèles, les Ballets comme les chefs-d’œuvre de la danse, les Machines comme le dernier effort de la mécanique, les Décorations comme des prodiges de peinture.
Vous admirez de loin, en rêve, une figure aérienne, comparable en grâce à ces danseuses qu’on voit, sur les peintures de Pompeï, flotter dans leurs voiles légers.
La poésie, la peinture, et la danse, ne sont, Monsieur, ou ne doivent être qu’une copie fidèlle de la belle nature. […] L’histoire, la fable, la peinture, tous les arts se réunissent pour tirer leur frère, de l’obscurité, où il est enseveli ; et l’on s’étonne que les compositeurs ayent dédaigné des secours si puissans.
Les Spectateurs frappés de la justesse, de la dignité, de l’énergie d’une peinture si expressive, entraînés hors d’eux-mêmes par un mouvement unanime, poussent un cri d’admiration, après lequel il ne fut plus possible de revenir à l’idole qu’on voulait établir.
En admirant l’immensité des chefs-d’oeuvre, que la poésie, la peinture, la sculpture et la musique ont enfantés, je dois regarder le ballet comme le frère cadet de cette illustre et antique famille qui doit son origine à l’imagination et au génie ; elle seule peut prodiguer à ce frère nouveau-né toutes ses richesses ; il y trouvera l’intelligence, le goût, et les graces ; la régularité des belles proportions, le charme et la puissance de l’éxpréssion ; il y trouvera encore, l’art de placer, de distribuer, de groupper les personnages, celui enfin de régler leurs gestes, et leurs attitudes à la mesure plus ou moins grande des sensations qu’ils éprouvent, et des passions qui les agitent. […] Pressé par le désir de m’instruire, je me liois avec les artistes les plus célèbres ; cette fréquentation habituelle agrandit le cercle de mes idées et épura mes connoissances ; je les tournai toutes au progrès de mon art, et c’est à la peinture que je dois une partie de mes succès.
pourquoi la peinture naïve d’un incident malheureux ne nous intéresseroit-elle pas ? […] Ce spectacle varié enchante le jeune Héros, son coeur est troublé ; son âme est vivement émue ; perpétuellement entouré par la Gloire et par la Déesse des Plaisirs ; frappé des brillans tableaux de l’une, séduit par les peintures touchantes de l’autre, il ne peut faire un choix. Il se jette dans les bras des deux Déesses ; mais jalouses l’une de l’autre et ennemies irréconciliables, elles ne veulent point de partage : nouvel embarras, nouveaux tableaux présentés par la Gloire ; nouvelles images tracées par la Déesse des Plaisirs ; elles animent leur suite et elles emploient leurs charmes et leurs atraits pour triompher : toutes ces peintures affectent vivement le jeune Héros ; son coeur indécis flotte entre la Gloire et le Plaisir. […] L’Allégorie, Monsieur, est employée quelquefois dans la peinture et dans la poésie, le ballet étant une peinture vivante et une poésie muette, peut s’en servir à son tour. […] La louange étant l’objet de l’allégorie doit être dépouillée de flatterie et de mensonge ; il faut qu’elle soit vraie et qu’elle porte sur les qualités essentielles et les vertus connues de celui à qui elle s’adresse ; car elle seroit, par exemple, fausse et choquante, si, pour caractériser la bienveillance d’un Prince, son amour pour les arts, ses soins à faire fleurir le commerce et à entretenir une paix durable, on avoit recours, pour le désigner, à Mars ou à Alexandre, et que l’on se servit, pour faire allusion à ses vertus pacifiques, de tous les êtres qui peuvent caractériser les tableaux effrayons de la victoire, et les peintures ensanglantées de la guerre.
Observons cependant, que la Danse du théâtre, dès sa naissance, fut la peinture d’une action.
Après avoir prouvé qu’un ballet pantomime n’est ni ne peut être un drame, j’ose croire que, s’il peut être comparé à quelque genre de poésie, ce n’est qu’au poëme ; mais il a une analogie bien plus parfaite avec la peinture : celle-ci est une pantomine fixe et tranquille ; celui-là est une pantomime vivante ; l’une parle, inspire et touche par une imitation parfaite de la nature, l’autre séduit et intéresse par l’expression vraie de la nature elle-même. La peinture a des règles de proportion, de contraste, de position, d’opposition, de distribution, d’harmonie ; la danse a les mêmes principes. Ce qui fait tableau en peinture, fait tableau en danse : l’effet de ces deux arts est égal, tous deux ont le même but à remplir, ils doivent parler au cœur par les yeux ; l’un et l’autre sont privés de la parole ; l’expression des têtes, l’action des bras, les positions mâles et hardies, voilà ce qui parle en danse comme en peinture ; tout ce qui est adopté par la danse peut former des tableaux, et tout ce qui fait tableau dans la peinture peut servir de modèle à la danse, de même que tout ce qui est rejetté par le peintre doit l’être par le maître de ballets.
Pour une première fois Bakst y fit triompher l’unité optique du spectacle, méconnue, perdue pendant un siècle ou presque ; Shéhérazade, instaura de même cet exotisme pittoresque, intense et sensuel, qui fit surgir de par le monde une foule d’œuvres théâtrales, qui subordonna pendant plus d’une saison à la peinture la Mode jusqu’alors incoercible, cependant que l’imagination du peintre-auteur s’évadait vers d’autres horizons.
«Il faut que le Danseur Pantomime connaisse la Poésie, la Géométrie, la Musique, la Philosophie, l’Histoire, et la fable, qu’il sache exprimer les passions, et les mouvements de l’âme, que il emprunte de la Peinture, et de la Sculpture, les différentes postures et contenances, en sorte qu’il ne le cède à
On la réduisit dans les grands Ballets à la peinture momentanée de quelques caractères ; dans les Mascarades elle ne pouvait exprimer par des pas que le générique du personnage dont elle prenait les habits. […] En effet la Poésie, la Peinture, la Danse, la Mécanique n’y sont jamais que dans les lieux où elles doivent être, tout ce qu’elles y sont devait se faire ; il était indispensable qu’elles peignissent tout ce que Quinault a pensé qu’elles devaient exprimer.
Vous savez que le langage de la peinture, de la poèsie, et de la sculpture étoit déjà celui de l’éloquence et de l’énergie. […] Le ballet est, suivant Plutarque, une conversation muette, une peinture parlante et animée, qui exprime par les mouvemens, les figures et les gestes.
Alexandre par des peintures vivantes, veut augmenter l’enthousiasme de l’Artiste, il ordonne à Campaspe de marcher et de déployer ses Graces, elle se pose dans les attitudes les plus variées et les plus pittoresques : chaque mouvement exprime un sentiment ; elle réunit les graces à la volupté ; les traits de sa figure et le feu de ses regards prêtent l’ame et la vie aux positions de son corps, toutes ces peintures délicieuses enchantent Apelles, et portent à son cœur le trouble et l’émotion.