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31. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 13 novembre. Échos du temps passé. Éloge de Rameau. »

Louis Laloy fait paraître son livre sur Rameau, fier bouquin, subtil et combattif comme le fut le maître lui-même ; l’ouvrage de Laurencie suit de près. […] Enfin Jacques Rouché monte au Théâtre des Arts le fameux ballet des Talents Lyriques, geste audacieux et qui voulait dire : nous avons en Rameau un maître insoupçonné de la danse théâtrale. […] Quel parti pouvait tirer un maître de ballet de tous ces souvenirs grandioses mais confus ?

32. (1823) De l’art de la danse , considéré dans ses vrais rapports avec l’éducation de la jeunesse (3e éd.) « Des manières de civilités. » pp. 138-159

Pour sortir, on salue comme nous l’avons démontré ci-dessus, et on sort le premier, principalement si c’est le maître de la maison, devant être le dernier chez lui. […] Lorsque l’on se présentera dans une grande assemblée, le cavalier se découvrira de la main gauche, tenant le chapeau bas selon l’étendue du bras ; on entrera en marchant posément, et selon le sens qu’il faudra prendre pour se placer premièrement devant le maître de la maison ; on dégagera un pied, et ramenant l’autre, on saluera en même tems, portant ses regards vers le chef de la maison et ceux qui l’environnent. […] Il est censé que dans une bonne société ceux qui la composent sont d’un mérite égal et distingué, étant invités par le maître de la maison ; et ce serait une insulte qu’on lui ferait. […] On se comportera toujours avec décence et condescendance, évitant de danser toutes les contredanses ; cela devient importun, et prive souvent d’autres personnes de danser, à moins que ce ne soit par complaisance ; et si l’on ne pouvait rester jusqu’à la fin du bal, on ira se présenter aux maîtres de la maison pour les saluer, comme pour leur témoigner satisfaction, reconnaissance et regret de les quitter sitôt ; toutefois que cela n’occasionerait pas un dérangement, pour eux ou pour la société ; en pareil cas on s’en abstiendrait. […] Un critique disait un jour qu’on apprenait à danser d’un maître de danse, et que pour cela on ne saluait pas comme un maître de danse : il n’en fallut pas davantage pour prouver que ce critique ignorait les usages des grands ; car un maître de danse, placé comme artisan dans la classe du vulgaire, a moins besoin de savoir saluer que les élèves à qui il l’enseigne, si ce n’est pour se présenter chez eux.

33. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 1er janvier 1923. Carte de visite. »

Nous souhaitons que la classe de rythmique reprenne sa place dans l’enseignement auxiliaire ; qu’elle se tourne vers les chanteurs et les chœurs qui ont, peut-être, besoin d’elle ; que le professeur de rythmique n’usurpe plus les droits du maître de ballet en montant des œuvres hybrides qui, n’ayant rien à voir avec la danse, ont le don d’exaspérer les musiciens à qui elles paraissent s’adresser ; qu’on abolisse les « emplois de consolation » comme celui de grand sujet de rythmique qui sapent la hiérarchie naturelle et pourraient être envisagés comme certificats d’incapacité. […] On créerait une classe de perfectionnement pour les étoiles, dirigée par de grands artistes ayant pris leur retraite ou des maîtres étrangers, car il est humainement impossible qu’elles viennent demander des conseils à une collègue, surtout quand cette collègue est une très grande danseuse.

34. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre première. » pp. 2-8

Que ne pouvons-nous joindre aux noms de ces grands hommes, ceux des maîtres de ballets qui se sont rendus célébres dans leurs temps ! […] Pourquoi ne connoissons-nous aucuns maîtres de ballets ? […] Il faudroit que les maîtres de ballets consultâssent les tableaux des grands peintres ; cet examen les rapprocheroit sans doute de la nature ; ils éviteroient alors, le plus souvent qu’il leur seroit possible, cette symétrie dans les figures, qui faisant répétition d’objets, offre sur la même toile deux tableaux semblables. […] Un maître de ballets, sans intelligence et sans goût, traitera ce morceau de danse machinalement, et le privera de son effet, parce qu’il n’en sentira pas l’esprit.

35. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XI. » pp. 107-114

Au physique comme au moral, ou s’adonne plus volontiers aux unes qu’aux autres ; mais dans tous les cas l’exercice augmente l’énergie de l’organe ou de la faculté qu’on employe, ou dont on se sert davantage aux dépens de celle qu’on néglige le plus ; c’est une loi invariable de l’économie animale : Voilà pourquoi les jambes d’un danseur, et les bras d’un maître d’escrime ont tant de prestesse et d’agilité ; voilà pourquoi les mains de certains artistes acquièrent par la répétition des mouvemens une dexterité telle, qu’un homme habile dans un art n’est pas propre à passer subitement à l’exercice d’un autre, sans l’avoir étudié et sans en avoir contracté l’habitude ; voilà encore pourquoi le mathématicien profond qui analyse tout, ne brille point par les produits de son imagination, tandis que le poëte chez le quel elle est dans une activité continuelle, est souvent sujet à des erreurs de jugement. […] L’inaptitude des élèves et la lenteur de leurs progrès peuvent être primordialement attribuées à la routine des maîtres et au peu de clarté qu’ils jettent dans la démonstration des principes ; eu renoncant aux anciennes rubriques, ils abrégeraient les longueurs et jetteroient infiniment plus de précision dans leurs leçons. […] or, si le grand peintre est obligé de se donner tant de soins pour attacher à une tête, le caractère, la grâce et l’expression qu’elle doit avoir ; combien les maîtres en tous genres ne doivent-ils pas s’appliquer, à leur tour, à connoitre l’organisation des têtes de leurs élèves, les goûts, les penchants et les inclinations de chacun-d’eux. Mais les maîtres en général sont routiniers, et c’est un grand malheur.

36. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre X. » pp. 130-144

Les anciens étoient nos maîtres à cet égard, ils connoissoient mieux que nous l’art du geste ; et c’est dans cette partie seule de la danse, qu’ils l’emportoient sur les modernes. […] Où est le maître qui voulut entreprendre un tel ouvrage ! […] Les Romains avoient cependant les écoles où l’on enseignoit l’art de la Saltation, ou, si vous voulez, celui du geste et de la bonne grâce ; mais les maîtres etoient-ils contents de leurs écoliers ? […] Que les maîtres de ballets se persuadent que j’entends par gestes les mouvemens expressifs des bras, soutenus par les caractères frappans et variés de la physionomie. […] C’est là où l’art et l’imagination du maître de ballets doivent agir.

37. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre VI. » pp. 56-71

cet ouvrage est impossible ; c’est donc le goût du maître qui doit appliquer aux tailles, à la conformation, aux articulations plus on moins parfaites, a la réticence des muscles, au jeu plus ou moins liant des charnières, les préceptes qu’il croira les plus utiles. La danse n’a donc que des règles de convention, et le maître qui connoitra l’Anatomie, c’est à dire la partie de cette science qui traite des articulations en général, et des leviers propres aux mouvemens variés du danseur, sera celui qui parviendra le mieux à former un élève. […] Les femmes de la cour, et celles des riches financiers ambitionnoient d’être élèves de ce maître. […] Monnet disposoit à son gré du maître à la mode dont il plaçoit les fonds ; Marcel nous admit à son école, et nos progrès furent rapides. […] Vous êtes l’élève du petit Dupré ; c est un corégraphiste imbécile et un pauvre maître, qui danse le papier à la main.

38. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 30 octobre. Le danseur et le préjugé au travesti. »

Quant à ce dernier (qui fut, et cela vaut d’être mentionné, le prédécesseur, à Saint-Pétersbourg, de Marius Petipa en qualité de maître de ballet), maître des « vols planés », il doit sa technique miraculeuse non point à l’école de danse où il n’a jamais été, mais à son entraînement professionnel d’acrobate. […] Et il y a plus d’un demi-siècle, Bournonville, missionnaire de la danse française, in partibus infidelium ou, sans métaphores, maître de ballet à Copenhague, recommande aux danseurs dans la préface de ses Exercices chorégraphiques de ne point se laisser rebuter par l’injustice de certains critiques qui, ne tenant aucun compte des qualités et du talent des danseurs, s’attaquent à la danse masculine en bloc.

39. (1806) L’Art de la danse, poëme en quatre chants, calqué sur l’Art poétique de Boileau pp. -247

Bandiéry-Laval, neveu de Ballon, succéda à son oncle dans l’emploi de maître à danser des Enfans de France, et de maître des ballets de la Cour. […] Il a été maître des ballets de l’Opéra et de la Cour. […] Galand du Désert, maître à danser de la Reine. Prévôt, maître à danser du Roi. […] Guillaume Raynal, maître à danser de Mgr le Dauphin.

40. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre quatrième — Chapitre III. Dispute entre Pylade et Hylas. »

Incapable par lui-même de se frayer des routes nouvelles, il ne connut jamais que celles que son maître lui avait ouvertes. […] L’orgueilleux osa défier son maître.

41. (1823) De l’art de la danse , considéré dans ses vrais rapports avec l’éducation de la jeunesse (3e éd.) « De la manière de jouer les airs de contredanse. » pp. 129-132

Il existe un mésaccord parmi les musiciens et les maîtres de danse, sur la qualité des contredanses : les uns veulent, pour qu’un air de contredanse soit facile à danser, que la mesure commence par le tems levé ; les autres veulent qu’elle commence au contraire par le tems frappé de la mesure ; et d’autres enfin voudraient que la mesure terminât entièrement le chant pour se rencontrer avec le danseur qui suit cette règle : ce qui serait extrêmement convenable, par la raison que le danseur suit le chant qui, par ce moyen, lui fait observer la mesure, dont souvent il ne pourrait en distinguer les tems de levé ou de frapper. […] C’est par cette raison que le danseur se règle sur la qualité du chant, et que lui, le musicien et le maître de danse sont d’accord qu’un air de contredanse, facile à chanter, est également facile à danser.

42. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre première. » pp. 8-13

En Italie on ne grave que rarement les partitions même des plus grands maîtres. […] Chaque amateur achète ce qui lui plaît davantage, fait relier soigneusement toutes ces partitions, et en forme une bibliothèque de musique, où l’on trouve les chefs-d’œuvre des grands maîtres qui ont embelli et enrichi leur art. […] Ils confient toujours la partie du récitatif simple à des maîtres en sous-ordre, et ne se chargent que du récitatif à grand accompagnement.

43. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 12 février. Pour un répertoire. »

Un Jules Perrot, créateur d’Esméralda ou un Saint-Léon qui fit Néméa sont des maîtres français comme Berlioz ou Carpeaux. […] Mais sait-on que cette musique a été faite à l’intention de Noverre, le « Shakespeare de la danse », le plus grand des maîtres français et qu’il n’est pas impossible de reconstituer l’action de la pièce originale ?

44. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre III. » pp. 17-24

Un habile maître doit pressentir d’un coup-d’œil l’effet général de toute la machine, et ne jamais sacrifier le tout à la partie. […] Un maître de ballets doit s’attacher à donner à tous les acteurs dansans une action, une expression et un caractère différens ; ils doivent tous arriver au même but par des routes diverses, et concourir unanimement et de concert, à peindre, par la vérité de leurs gestes, et de leur imitation, l’action que le compositeur a pris soin de leur tracer. […] Que les maîtres de ballets qui voudront se former une idée juste de leur art, jettent attentivement les yeux sur les batailles d’Alexandre, peintes par le Brun ; sur celles de Louis XIV. peintes par Vander-Meulen : ils verront que ces deux héros, qui sont les sujets principaux de chaque tableau, ne fixent point seuls l’œil admirateur. […] Je crois décidement, Monsieur, qu’il n’est pas moins difficile à un peintre et à un maître de ballets de faire un poème ou un drame en peinture et en danse, qu’il ne l’est à un poète d’en composer un ; car, si le génie manque, on n’arrive à rien ; ce n’est point avec les jambes que l’on peut peindre ; tant que la tête des danseurs ne conduira pas leurs pieds, ils s’égareront toujours, et leur exécution sera machinale : et qu’est-ce que l’art de la danse quand il se borne à tracer quelques pas avec une froide régularité.

45. (1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1666 — 3 août : Ballet du Temps accompagnant la tragédie de collège Gusmans — Lettre en vers à Madame la Duchesse de Nemours de la Gravette de Mayolas — La Gravette de Mayolas, lettre du 8 août 1666 »

Les Danseurs du BALLET DU TEMPS Donnèrent bien du passe-temps ; Ils dansèrent tous d’importance, Et le Maître de cette danse, L’adroit CHICANEAU, qu’on vanté, Fort dignement s’en acquitta.

46. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XIV. » pp. 134-149

En supposant, comme il est nécessaire de le faire, que la danse acquière un nouveau dégré de perfection, ne seroit-il pas de nécéssité que les maîtres à l’exemple des peintres, eussent une connoissanec, sinon parfaite, du moins générale de l’anatomie ? […] un maître criera, faites ceci comme moi, levez la jambe comme moi, tournez la comme moi, pliez comme moi. […] Le maître dira que l’élève n’est qu’un sot ; et le maître ne sera qu’un routinier ignorant. […] Toutes ces observations ne sont pas d’un maître inepte et mercenaire qui dit, tournez vos genoux, sans savoir qu’ils ne peuvent que plier et s’étendre, et que c’est la hanche qui les détermine à telle ou telle position. La connoissance de celte anatomie simple purgeroit à l’avenir le théâtre d’une foule d’impotens et d’incurables qui ne doivent leur état défectueux qu’a l’ignorance des maîtres ; car la plupart de ceux qui se mêlent de donner des leçons, loin de pallier les défauts naturels, les agravent encore par un exercice peu raisonné, soit en exigeant des choses impossibles aux quelles les leviers, les muscles et les articulations ne peuvent se prêter, soit en prenant des routes contraires à celles que la nature indique pour remédier à toutes les bizarreries que l’oeil examinateur rencontre dans les conformations.

47. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 18 décembre. Quinault, Rowe. »

Combien ce parallélisme, ressource suprême savamment ménagée par le maître, multiplie et exalte la beauté intrinsèque de ce saut latéral ! […] Et il est le maître incontesté des « enlèvements » comme Auguste Vestris fut, jadis, celui de la pirouette.

48. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXV. Des contre-tems du Menuet, & la maniere de les faire. » pp. 104-109

Et pour se mettre dans l’habitude de les faire avec facilité, c’est de les faire alternativement après un pas de Menuet, en continuant d’en faire plusieurs de suite ; outre que cela vous facilitera, c’est qu’il vous donnera de la legereté, par consequent il faut dans les commencemens les bien marquer, d’autant que vous serez toûjours le maître, lorsque vous les executerez bien, de les adoucir. […] Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement.

49. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 3 mai. « Artémis troublée ». »

Nicola Guerra, héritier d’un nom glorieux, sont d’un métier sûr ; le maître de ballet a délibérément renoncé à toute recherche de formes historiques à exploiter et à renouveler pour l’occasion ; il a préféré appliquer sans pédantisme et avec maintes trouvailles heureuses les procédés consacrés par l’école. * * * Ainsi, l’ensemble optique du spectacle, qui fut remarquable, résulte de la collaboration du peintre, du maître de ballet, des qualités individuelles des exécutants, et de la vaillance à toute épreuve de cet excellent corps de ballet de dryades et d’amazones « Louis XIV » incarnées par Mlles Dauwe, G.

50. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre XI. » pp. 145-156

Ou les vices naturels qu’on observe en soi sont tels que rien ne peut y remédier ; en ce cas, il faut perdre sur le champ et totalement de vüe l’idée que l’on s’étoit formée de l’avantage de concourir aux plaisirs des autres ; ou ces vices peuvent être réformés par une application, par une étude constante, et par les conseils et les avis d’un maître instruit et éclairé ; et dèslors il importe essentiellement de ne négliger aucuns des efforts, qui peuvent remédier à des imperfections dont on triomphera, si l’on prévient le tems où les parties ont acquis leur dernier dégré de force et de consistance, où la nature a pris son pli, et où le défaut à vaincre s’est fortifié par une habitude trop longue et trop invétérée, pour pouvoir être détruit. […] Vraisemblablement si les bons maîtres étoient plus communs, les éléves ne seroient pas si rares ; mais les maîtres qui sont en état d’enseigner ne donnent point de leçons et ceux qui en devroient prendre ont toujours la fureur d’en donner aux autres. […] C’est donc essentiellement au maître que le soin de placer chaque éléve dans le genre, qui lui est propre, est reservé. Il ne s’agit pas à cet effet de posséder seulement les connoissances les plus exactes de l’art ; il faut encore se déffendre soigneusement de ce vain orgueil qui persuade à chacun que sa manière d’exécuter est l’unique, et la seule qui puisse plaire ; car un maître qui se propose toujours comme un modèle de perfection, et qui ne s’attache à faire de ses écoliers qu’une copie dont il est le bon ou mauvais original, ne réussira à en former de passables que lorsqu’il en rencontrera qui seront doués des mêmes dispositions que lui, et qui auront la même taille, la même conformation et la même intelligence enfin la même aptitude.

51. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IV. » pp. 27-36

Hylas élève de Pylade fut ingrat envers son maitre, et son bienfaiteur ; il cabaloit sans cesse contre lui, et l’exposoit souvent à des dèsagrémens d’autant plus mortifiants, qu’il avoit de très-grands talens, et du génie. […] Auguste n’attendit pas longtems, Hilas enivré d’amour-propre, et soutenu par une populace effrénée défia son maître ; il lui proposa de représenter Agamemnon, et dit insolemment à Pilade : « Je rendrai cette scène en prémier, vous la jouerez ensuite à votre manière ; et le public jugera quel est celui de nous qui mérité le scéptre du talent. » Pilade fier, et vain accepta le défi ; le jour fut pris ; la ville et les faubourgs de Rome furent en mouvement, les uns parurent pour Pylade et les autres pour Hilas. […] Pylade alors s’avança sur la scène, et dit froidement à Hilas : « Jeune homme, nous avions à représenter un roi qui commandoit à vingt rois, tu l’as fait long ; je l’ai fait grand. » Par un mouvement spontané, les applaudissemens recommencèrent, et Hylas fut éclipsé par le mérite transcendant de son maitre, et de son bienfaiteur. […] Il prononça de nouveau l’arrêt de bannissement, répudia sa femme, fit massacrer Paris, et assassiner son éleve, parceque ses traits avoient de la ressemblance avec ceux de son maître.

52. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Le jugement de Pâris. Ballet héroïque. » pp. 171-182

Les maîtres de ballets, qui ont après mol traité le sujet de Pâris, l’ont divisé en quatre ou cinq actes : il faut, pour en avoir agi ainsi, ne pas connoître la description d’Apuléé sur ce trait fabuleux. Les maîtres de ballets en voulant faire briller la richesse de leur imagination, n’ont montré que la médiocrité de leurs conceptions, et par une inconséquence rare, ils ont donné une si prodigieuse extension à ce sujet, que les fils propres à en former la trame, se sont rompus. […] Les Déesses satisfaites des décrets du maître des Dieux, applaudissent au bonheur des deux époux. […] Ce Berger en lit l’inscription ; et le Messager des Dieux lui fait entendre, que Jupiter le laisse Maître de son Choix ; Mercure disparoît.

53. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 17 avril. « En bateau ». — Le préjugé du rythme. »

Dethomas, ou bien celle de Daphnis par Fokine, ce sont là les étapes d’une renaissance — qui du reste, est retardée par deux faits graves : l’absence d’une conception élaborée et stable de ce que doit être, à l’Opéra, le spectacle de danse ; l’absence d’un maître de ballet qui aurait l’autorité nécessaire pour faire aboutir une telle conception. […] Mais, cela fait, « ajustez vos chapeaux, Messieurs les maîtres, car nous aurons l’honneur de charger l’ennemi », comme l’on dit dans les romans de M. d’Esparbès.

54. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XI. » pp. 290-314

Ou les vices naturels qu’on observe en soi sont tels que rien ne peut y remédier ; en ce cas, il faut perdre sur le champ & totalement de vue l’idée que l’on s’étoit formée de l’avantage de concourir aux plaisirs des autres ; ou ces vices peuvent être réformés par une application, par une étude constante & par les conseils & les avis d’un Maître savant & éclairé ; & dès-lors il importe essentiellement de ne négliger aucun des efforts qui peuvent remédier à des imperfections dont on triomphera, si l’on prévient le temps où les parties ont acquis leur dernier degré de force & de consistance, où la nature a pris son pli, & où le défaut à vaincre s’est fortifié par une habitude trop longue & trop invétérée pour pouvoir être détruit. […] Vraisemblablement si les bons Maîtres étoient plus communs, les bons éleves ne seroient pas si rares ; mais les Maîtres qui sont en état d’enseigner ne donnent point de leçons, & ceux qui en devroient prendre ont toujours la fureur d’en donner aux autres. […] C’est donc essentiellement au Maître que le soin de placer chaque éleve dans le genre qui lui est propre est réservé. Il ne s’agit pas à cet effet de posséder seulement les connoissances les plus exactes de l’Art ; il faut encore se défendre soigneusement de ce vain orgueil, qui persuade à chacun que sa maniere d’exécuter est l’unique & la seule qui puisse plaire ; car un Maître qui se propose toujours comme un modele de perfection, & qui ne s’attache à faire de ses Ecoliers qu’une copie dont il est le bon ou le mauvais original, ne réussira à en former de passables que lorsqu’il en rencontrera qui seront doués des mêmes dispositions que lui & qui auront la même taille, la même conformation & la même intelligence.

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