Soyez sobres ; ne vous livrez à aucun autre exercice qu’à celui de la danse ; ne vous abandonnez pas aux plaisirs ; pour être admis à la cour de Terpsicore, cette déesse exige qu’on se sacrifie entièrement à elle11. […] [3] Dans vos exercices, dans la leçon 14, soignez également vos jambes, de sorte que l’une dans son exécution ne le cède point à l’autre. […] L’escrime, l’équitation, la course, etc., sont des exercices contraires au danseur. […] Il faut travailler sans cesse et doubler l’exercice pour acquérir un vrai talent. […] L’art du danseur, comme tous ceux d’exercice, ne jouit pas de cet avantage.
Eh bien c’étaient là les procédés les plus sommaires de l’enseignement dalcrozien, des exercices de rythmique élémentaire selon la méthode du pédagogue suisse. […] Mais ce vide il l’a rempli par une succession de mouvements sans logique, sans raison d’être, par des exercices collectifs dénués d’expression.
Il ne faut pourtant pas regarder la Danse comme un exercice uniquement inventé pour le plaisir. […] Si la Danse ne devoit servir qu’à paroître sur les Theatres, elle ne feroit l’occupation que de peu de personnes ; mais on peut dire qu’elle merite les soins presque de tous les hommes, quand même ils n’en devroient faire usage que dans les premiers tems de leur jeunesse destinez à cet exercice. […] Ce Prince qui avoit reçû des mains de la Nature une figure noble & majestueuse, avoit aimé dès son enfance tous les exercices du corps, & avoit ajoûté aux dons naturels toutes les graces qui peuvent s’acquerir.
Il y en a plusieurs qui poussent cet exercice violent jusqu’à ce qu’ils tombent enfin d’étourdissement, et de lassitude.
Alors les Philosophes, peut-être par simple curiosité, et les Législateurs, sans doute, par des motifs plus utiles, examinèrent cet exercice avec la sagacité que donne l’esprit et les vues qu’inspire la prévoyance.
Tout dépend pour bien apprendre, du bon commencement, ce qui est l’affaire du Maître, mais comme l’Ecolier a beaucoup de vivacité, ou que souvent le trop d’étude dont il est chargé, lui fait oublier la plûpart de ses exercices, & ordinairement celui de la Danse, que l’on ne croit pas aussi nécessaire qu’elle est, puisque c’est par elle que nous nous comportons dans le monde avec cette bonne grace & cet air qui fait briller notre Nation ; & c’est sur cette idée que je me suis fait un plan ou maniere de leçon que le Maître donne à son Ecolier pour le mener de pas en pas, même lui enseigner tous les differens mouvemens des bras, afin de les conduire à propos à chacun de ces differens pas de danse : & comme il est essentiel de sçavoir se poser le corps dans une situation gracieuse, c’est ce qui est expliqué dans ce premier Chapitre, de même que le represente cette Figure : Il faut avoir la tête droite sans être gêné, les épaules en arriere (ce qui fait paroître la poitrine large & donne plus de grace au corps,) les bras pendans à côté de soi, les mains ni ouvertes ni fermées, la ceinture ferme, les jambes étenduës, & les pieds en dehors : j’ai tâché de donner à cette Figure l’expression possible, afin qu’en la voïant on puisse se poser le corps tel qu’il doit être.
Ie laisse aux partisans de ce digne Orateur, (qui auront quelque dessein de s’opposer à la ruyne de cest exercice) l’vsage de telles inuentions, il me suffit que ma plume les face voir inutiles au subiect que i’ay pris, & dont il est temps que ie parle. […] Sans s’attacher donc aux vieilles maximes du temps, où l’on pouuoit veritablement dire, tousiours va qui danse, qui estoient autant esloignees de la perfection dont la danse se glorifie à ceste heure, comme elles estoient destituees de la gentillesse, des actions & mouuemens du corps, ioints à la mignardise des pas dont elle est enrichie, il faut qu’vn Escolier recherche curieusement les moyens qui peuuent vaincre les difficultez qui s’opposent à receuoir ses graces, & qu’il considere, que si la rose ne se peut cueillir que parmy les espines : aussi ne gagne-on cest exercice que par l’exercice mesme. […] Le plus court chemin n’est pas tousiours le meilleur, principalement en cest exercice, où il n’en prend pas comme iadis à ces Abderites qui deuiendrent Tragediens pour auoir ouy seulement reciter l’Andromede d’Euripide : Ie veux dire, que quelque suffisance que celuy qui guide vn Escolier puisse auoir, son eloquence sera sans fruict, pour luy donner l’intelligence de son vtilité, si quant & quant & l’vn l’autre n’employent le temps & la peine qui sont necessaires pour s’en pouuoir acquiter dignement, car il arriue souuent à ceux qui par mespris passent legerement par dessus, qu’estans aux occasions ils s’y trouuent eux mesmes mesprisez, ne sçachans (comme on dit) sur quel pied danser. […] Mais parce que ceux qui en ont atteint la perfection y ont auec plus d’apparence commencé de longue main, il est grandement necessaire que ceux qui l’entreprendront n’attendent point à vn aage trop auancé, autrement ce qui se pourroit quasi acquerir insensiblement par succession de temps, venant à estre precipité ne se pourroit vaincre qu’auec grande difficulté, & peut estre se trouueroient-ils au bout de leur compte, au pied d’vn mur sans eschelle, estant tres-veritable que les mieux dansans n’y ont pas apporté d’autre finesse qu’vn long & assidu exercice, qui seul fait ioüer en eux ces ressorts qui produisent la douceur de tant de diuers mouuemens dont la danse se voit annoblie. […] Or comme les susdites danses sont sans doute les plus receuës : aussi apportent elles auec plus d’auantage quelque honneur du profit qu’on peut faire en leur escole, & quiconque suiura ce que i’en ay enseigné qu’il s’asseure d’en acquerir vne action toute belle, & assez de cognoissance pour ne la laisser corrompre par mauuaises habitudes, en cas que sa curiosité le portast à l’exercice des danses moins requises, desquelles il ne sera pas parlé quand à present, d’autant que le but principal où i’ay visé, n’a esté que de donner à vn Escolier la grace & la modestie, à quoy le surplus des danses sont inutiles.
On vit pendant le Règne de Domitien, jusqu’à des Pères Conscrits, qui s’avilirent en public par cet indigne exercice.
Elle fait partie des exercices du corps qui servent à former la Jeunesse, elle contribuë à la pompe & à la magnificence des Spectacles qui font les délices des Peuples, & quelquefois les amusemens des plus grands Princes.
J’ai déja dit dans plusieurs endroits que lorsque l’on fait un pas d’un pied, on doit s’exercer à faire d’une jambe, ce que l’on fait de l’autre, ce qui fait & rend le Danseur parfait, & lui donne la facilité d’aprendre plus vîte, & de plus c’est que par cet exercice égal, le corps se porte avec liberté sans paroître gêné dans tous les divers mouvemens que la danse demande, sur-tout avec cette grace, & justesse que cet Art seul est capable de procurer.
Volontiers elle utilise, sans presque les transposer, des temps d’exercices à la barre, détirés ou grands battements ; et ces éléments de discipline scolaire servent de base à une imagination plastique naïve et subtile en même temps.
Ni cette grandeur qui vous environne, ni la gravité attachée à l’importance des affaires qui vous occupent, ni le caractere de Héros que vous soutenez déja depuis long-tems, ne rendent point cette Histoire indigne de votre protection, lorsque vous sçavez, MONSEIGNEUR, que l’exercice qui en fait le sujet, a servi aux Rois les plus sages & aux Héros les plus illustres de l’Antiquité, à signaler leur joye dans les plus grandes occasions de Fêtes & de réjouissances publiques.
[2] Si la nature ne vous a point favorisé, en vous donnant de beaux bras arrondis et bien faits, vous ne sauriez alors trop vous livrer à l’étude, pour la forcer de suppléer à ses dons : mais par un exercice réfléchi vous pourrez parvenir à donner de l’élégance, de la grâce à des bras maigres, et vous ferez même disparaître leur longueur, en sachant les arrondir avec art45. […] Ne les faites point mouvoir par secousses, ni par saccades, ce serait un grand défaut qui dégraderait l’artiste le plus parfait dans l’exercice de ses jambes.
Il y a même d’autres pas de danses dont je n’ai point fait de mention, ne m’étant engagé dans ce Livre que de traiter de la maniere de faire tous les principaux pas des danses de Ville, & de fournir en même tems les moïens les plus faciles de les executer avec les bras, pour que l’on puisse apprendre à danser avec tout le bon goût, & la delicatesse que cet exercice demande, à quoi je me flatte d’avoir réussi.
Exercices, 100, 109.
Je ne douterois pas que l’on ne m’accusât d’indifference, ou bien de ne sçavoir montrer qu’aux hommes, si je ne marquois du zele & de l’attention pour l’instruction du beau Sexe, lui qui est l’ame de la danse, & qui lui donne tout le brillant qu’il a, outre que je retrancherois ce que la Nature a fait de plus gracieux ; c’est que sans la presence des Dames la danse n’est pas si animée, car ce sont elles qui font naître cette ardente & noble émulation qui paroît entre elles & nous quand nous dansons ensemble, & sur-tout avec celles qui possedent cet exercice, desquelles il y a un assez grand nombre, car rien ne me paroît plus interessant à une compagnie que de voir danser deux personnes de l’un & de l’autre sexe avec justesse, que d’applaudissement !
Vous avez fait faire le cercle pour qu’on me vit mieux, et mes exercices ont été plus appréciés que les vôtres.
Mais ce qui prouve encore plus l’attachement & la prédilection que Sa Majesté avoit pour la danse ; c’est que malgré les penibles travaux qui occupoient continuellement ce grand Conquerant, il n’a pas laissé de s’en dérober quelques heures pendant plus de vingt à vingt-deux ans, que Monsieur de Beauchamp a eu l’honneur de le conduire dans ce noble exercice : enfin cette danse dont je viens de parler, du propre aveu des plus habiles Maîtres ; a toûjours esté regardée comme une danse très-necessaire à sçavoir pour bien danser ; c’est ce qui m’engage d’en faire une legere description tous ses mouvemens sont si essentiels, qu’il vous donnent une facilité pour bien danser les autres danses, ce qui se va prouver par la maniere dont elle se dansoit.
Un semblable motif fit abolir sous l’empire de Tibere, les Saturnales, instituées en l’honneur de Saturne, parce que les danses qui s’y étoient introduites étoient devenues trop licentieuses ; & l’on bannit de Rome tous les Maîtres de Danse, pour avoir composé des Danses Nuptiales, qui exprimoient toutes les libertez de l’amour : ce qui a fait dire à Cornelius-Nepos que dès le tems d’Auguste les Romains regardoient déja la Danse comme un art qui peut contribuer au deréglement des mœurs, en quoi ils ne s’accordoient pas, dit il, avec les Grecs, qui l’estimoient nécessaire pour la politesse de la vie civile & l’exercice du corps. […] Cette utilité me conduit de-là à celle que cet exercice a dans la Gymnastique, pour l’agilité & la santé du corps ; à l’occasion de quoi je fais mention des sauts périlleux qui étoient en usage parmi les Géans avant le Déluge, au rapport de Bérose, & même des danses Gigantesques.
Voilà, Monsieur, où se réduit l’exécution des danseurs qui s’aveuglent sur leur conformation, et qui craignent de s’envisager eux-mêmes dans le moment de leur étude et de leurs exercices. […] Aidés par cet exercice les genoux suivront la même direction et rentreront, pour ainsi dire, dans leur place. […] Ceux qui sont arqués ne doivent s’attacher qu’à rapprocher les parties trop distantes, pour diminuer le vide qui se rencontre principalement entre les genoux : ils n’ont pas moins besoin que les autres de l’exercice qui meut les cuisses en dehors, et il leur est même moins facile de déguiser leurs défauts.
Sur un Théâtre créé par le génie, pour mettre dans un exercice continuel la prodigieuse fécondité des Arts, on n’a chanté, on n’a dansé, on n’a entendu, on n’a vu constamment que les mêmes choses et de la même manière, pendant le long espace de plus de soixante ans.
Autant qu’ils restaient à la barre ou qu’ils exécutaient l’exercice proprement dit, la disposition rythmique était impeccable.
Les Anciens firent servir tous ces différens mouvemens pour former l’adresse du corps aux exercices des danses militaires, & pour les autres actions de la vie civile : ainsi le Balet leur servoit d’une espece d’Académie où ils s’exerçoient aux actions généreuses, & à faire de bonne grace ce qu’ils étoient obligez de représenter dans les cérémonies, ou dans les autres actions de la vie. C’est pour cela que les Princes & les personnes de qualité ont jugé que cet exercice n’avoit rien d’indécent pour eux, & au contraire étoit très propre à les distinguer dans les occasions.