La Suite s’inspire directement des Sylphides en ceci encore qu’elle se dérobe aux exigences d’un sujet déterminé, d’une action autre que celle qui surgit spontanément de l’incantation sonore. Elle tourne volontairement le dilemme qui, de tout temps, menace le ballet en tant que genre théâtral : le dualisme inéluctable, l’antinomie patente de l’action et de la danse, de la mimique et de l’orchestrique.
Pour que les épisodes soient heureux, ils doivent naitre, pour ainsi dire, du sujet même, de manière qu’ils concourent à l’embellir, qu’ils en fassent partie essentielle, et qu’on ne puisse les supprimer sans affoiblir l’action et l’intérêt, sans s’opposer à la marche rapide que les ouvrages de ce genre doivent avoir. […] La poésie, la musique vocale et instrumentale ; l’architecture et la sculpture feintes ; la peinture dans tous ses genres, la danse et les ballets, la mécanique enfin ; ne peut-on pas ajouter les illuminations enrichies de médaillons, de devises et d’emblêmes, les feux d’artifice en action, les feux d’eau, le simulacre d’un combat naval ?
[Seconde partie] 30Par l’exposé que je viens de faire, on voit que ce Ballet forme une Action complète ; qu’elle y est vive, intéressante, et marche toujours à sa fin, sans être retardée par des épisodes, qui ne saurait que la refroidir ; que sur ce plan on pourrait en faire une Tragédie comme celle des Grecs, en faisant parler mes personnages, et en substituant des Cœurs de Mages, de Satrapes, de peuple, de femmes au corps de Ballet que j’ai employé ; et je répète ici avec cette satisfaction qu’on ressent lorsqu’on fait part au Public de ses découvertes, que je crois que le théâtre des Grecs doit uniquement nous guider pour nos plans, et qu’il n’y a aucune Tragédie de ce Théâtre, qui ne puisse être traitée avec succès en Ballet Pantomime. […] Nous devons resserrer non pas étendre les actions théâtrales. […] Si cette espèce de danse est mise en action par un compositeur éclairé, avec adresse et dans les règles : si la pantomime y est jointe avec art, avec expression, si la passion de l’amour, qui d’ordinaire en fait le fond, y est traitée avec feu, avec délicatesse, elle peut exciter dans les cœurs, surtout dans ceux des Jeunes personnes quelque émotion légère et momentanée, telle qu’on l’éprouve à la représentation d’une Scène d’Opéra et d’un Dénouement heureux de quelque Comédie, ou à la lecture de quelque Roman.
.… qui ne balança pas d’ordonner aux Suisses d’ouvrir toutes les portes, se doutant bien qu’il falloit que ce fût des personnes de la premiere qualité, pour faire une action si hardie. […] Cette action allarma encore M. de N … mais le mal n’alla pas plus loin, par la prudence du Roi, qui calma le ressentiment des Princes & des Princesses, du refus de l’entrée du bal ; desorte qu’ils sortirent sans se faire connoître, après avoir dansé autant qu’ils le voulurent. Le lendemain ce fait fut rapporté au dîner du Roi & de la Reine mere, par gens qui ignoroient qu’il eût été de la partie : ils approuverent l’action des masques, & dirent qu’il falloit que les entrées d’un bal fussent libres aux masques dans le tems du Carnaval, après minuit ; & que si l’on ne vouloit se commettre, qu’il ne falloit pas s’exposer à en donner du tout.
Citoyen Conseiller d’État, J’ai appris, par le Cn Cellérien, que le sieur Gallet vous avait adressé un mémoire dans lequel il cherche à prouver que tous les maîtres de Ballets (ou tous les individus qui croient l’être) ont le droit d’établir des ballets d’action au Théâtre des Arts. […] Je connais, en France seulement, 20 maîtres de ballets (sans compter les grands faiseurs de grandes pantomimes) qui, n’ayant que cela à faire, peuvent produire par an chacun 20 programmes de Ballets d’action. […] Le programme d’un Ballet d’action n’est qu’un squelette où l’on ne peut découvrir la chair, la finesse de la peau, les contours agréables, les belles couleurs, que le compositeur seul peut lui donner.
Cette fête se termine par des danses caractéristiques, analogues au sujet et au site de l’action, dans les quelles Danaüs soutient son caractère, en mêlant à l’expression d’une joie feinte, les transports d’une haine implacable. […] On amene Lincée paré d’ornemens funéraires ; du coté opposé on conduit Hypermnestre enchaînée ; ici ces deux epoux, prêts à être désunis pour toujours, volent l’un à l’autre, malgré la résistance de leurs gardes, et se donnent en présence de tout le peuple des témoignages de leur mutuelle tendresse : le peuple attentif à l’action de ces amans, s’y intéresse ; le parti de Lincée saisit cet instant pour se soulever contre un Roi Tyran ; la persuasion gagne de proche en proche, et le peuple aussi attendri que convaincu de l’innocence de ces infortunés, se déclare en leur faveur ; la faction s’accroit ; les gardes sont renversés ; le bucher est détruit ; on élève un trône à sa place ; on dépouille Lincée de ses ornemens funéraires ; on lui donne des armes ; on le place sur le trône avec Hypermnestre ; on le proclame Roi d’Argos, et on lui prête d’une commune voix le serment de fidelité. […] Pour donner à l’action un caractère plus effrayant, un chanteur dérobé par le grouppe de sculpture au devant du quel l’ombre apparoît, articule ces mots ; frémis tyran, la mort t’attend.
J’ai évité les grands monologues et les longs recits d’Euripide ; je me suis appliqué à rendre le dialogue serré, vif et concis ; car les moyens heureux d’un art nes’étendent pas toujours sur un autre art, et ce qui fait richesse en poësie, ne produit souvent que disette, longueur et confusion en pantomime ; en retranchant des phrases, j’ai ajouté à l’action, j’ai multiplié les incidens. […] Le songe du Tyran est une imitation de la scène Anglaise ; cette action pantomime est frappée au coin du terrible ; elle est l’exposition complette de l’action ; ce n’est ni un hors-d’œuvre, ni un épisode étranger ; il naît naturellement du fond du sujet et y tient étroitement. Le rôle d’Arbas, que je fais père d’Enmène, augmente tout à la fois l’action et l’intérêt : sollicité par sa fille, il cède à ses prières ; sa tendresse paternelle lui ferme les yeux, sur les dangers aux quels il s’expose ; l’amitié qu’Eumène a vouée à Iphigénie est telle, que le désir de la servir ne lui donne pas le tems d’envisager le péril ni les suites funestes qui peuvent résulter d’une démarche aussi dangereuse. […] Les Gardes de Thoas sont dispersés et mis en fuite par les troupes d’Oreste et de Pylade ; Arbas est délivré ; Eumène tombe dans ses bras ; Oreste, qui est dans ceux de Pylade, lui témoigne sa reconnoissance et sa joie ; Iphigénie embrasse l’autel de la Déesse et lui rend des actions de graces.
Oui, sans doute : resserez l’action de l’Avare, retranchez de cette pièce tout dialogue tranquille, rapprochez les incidens, réunissez tous les tableaux épars de ces drames, et vous réussirez. […] Dailleurs l’action d’un crocheteur jaloux sera moins pittoresque que celle d’un homme dont les sentimens seront élevés. […] La dégradation dans les tailles et dans les couleurs des vêtemens est inconnue au théatre ; ce n’est pas la seule partie qu’on y néglige : mais cette négligence ne me paroit pas excusable dans de certaines circonstances, surtoût, à l’opéra, théâtre de la fiction ; théâtre, où la peinture peut déployer tous ses trésors ; théâtre, qui souvent dénué d’action forte et privé d’intérêt vif, doit être riche en tableaux de tous les genres, ou du moins devroit l’être. […] Une telle distribution dans les couleurs éclipsera le tableau le tout ne formera qu’un Camaïeu ; et ce coup d’œil monotone fatiguera bientôt l’œil, et prêtera son uniformité et sa froideur à l’action.
Dès l’enfance, ces Peuples s’instruisaient de la Musique, pour pouvoir chanter dignement les louanges des Dieux et les actions vertueuses des Héros.
Les Rois ajoutaient souvent à tout ce qu’on vient de rapporter, des présents pour toutes les personnes distinguées qui y représentaient des rôles avec eux ; et ces présents84 étaient offerts d’une manière d’autant plus galante, qu’ils paraissaient faire partie de l’action théâtrale.
Si de simples images m’entrainent à l’illusion ; si la magie de la peinture me transporte ; si je suis attendri à la vue d’un tableau ; si mon âme séduite est vivement affectée par ce prestige ; si les couleurs et le pinceau dans les mains du peintre habile, se jouent de mes sens au point de me montrer la nature, de la faire parler, de l’entendre et de lui repondre ; quelle sera ma sensibilité, que deviendrai-je, et quelle sensation n’éprouverai-je pas à la vue d’une représentation encore plus vraie, d’une action rendue par mes semblables ? […] N’entreprenez jamais de grands dessins, sans en avoir fait un plan raisonné ; jettez vos idées sur le papier, relisez les cent fois ; divisez votre drame par scènes ; que chacune d’elles soit intéressante, et conduise successivement sans embarras, sans inutilités, à un dénouement heureux ; évitez soigneusement les longueurs ; elles refroidissent l’action et en ralentissent la marche : Songez que les tableaux et les situations, sont les plus beaux momens de la composition : faites danser vos figurans et vos figurantes, mais qu’ils parlent, et qu’ils peignent en dansant ; qu’ils soient pantomimes, et que les passions les métamorphosent à chaque instant.
Gardel a donné au public cinq ballets en action et une charmante plaisanterie. […] Des gens d’esprit et de goût m’ont assuré, que la partie dansante de ces deux compositions, étoit brillante et remplie de charmes ; mais que l’action pantomime et l’expression qui en est l’âme, n’avoient pu se déployer dans deux sujets également mal-choisis, totalement dénués d’intrigues et incapables de fournir au compositeur de grands traits et d’heureuses situations.
Les danseurs devroient, Monsieur, suivre le même régime que les Athlètes, et user des mêmes précautions dont ils se servoient, lorsqu’ils alloient lutter et combattre ; cette attention les préserveroit des accidens qui leur arrivent journellement ; accidens aussi nouveaux sur le théatre que les cabrioles, et qui se sont multipliés à mesure que l’on a voulu outrer la nature, et la contraindre à des actions le plus souvent au dessus de ses forces. […] Il auroit été plus sage de dire que l’action de sauter dépend des ressorts du cou-de-pied, des muscles de cette partie, et du jeu du tendon d’Achille s’ils opérent une percussion ; car on parviendroit en percutant à une légère élévation sans le secours de la fléxion, et par conséquent de la détente des genoux. […] C’est donc, Monsieur, à la forme du pied, à sa conformation, à la longueur du tendon, à son élasticité, que l’on doit primitivement l’élévation du corps ; les genoux, les reins et les bras coopèrent unanimement et de concert à cette action. […] Cette action en rompant la chute donnoit à mes jambes la facilité de se mouvoir, parce que je m’étois élevé au dessus de la planche, et qu’un demi-pouce d’élévation, lorsqu’on a de la vitesse, suffit pour battre l’entrechat. […] Se prête-t-il au contraire à l’action des pieds, il fait autant de grimaces et de contorsions qu’il exécutera de pas différens ; l’exécution dèslors est denuée de repos, d’ensemble, d’harmonie, de précision, de fermeté, d’à-plomb et d’équilibre ; enfin elle est privée des graces et de la noblesse, qui sont les qualités sans les quelles la danse ne peut plaire.
Les Danseurs devroient, Monsieur, suivre le même régime que les Athletes, & user des mêmes précautions dont ils se servoient lorsqu’ils alloient lutter & combattre ; cette attention les préserveroit des accidents qui leur arrivent journellement ; accidents aussi nouveaux sur le Théatre que les cabrioles, & qui se sont multipliés à mesure que l’on a voulu outrer la nature & la contraindre à des actions le plus souvent au-dessus de ses forces. […] Il auroit été plus sage de dire que l’action de sauter dépend des ressorts du coudepied, des muscles de cette partie & du jeu du tendon d’Achille s’ils opérent une percussion ; car on parviendroit en percutant à une légere élévation sans le secours de la flexion & par conséquent de la détente des genoux. […] C’est donc, Monsieur, à la forme du pied, à sa conformation, à la longueur du tendon, à son élasticité que l’on doit primitivement l’élévation du corps ; les genoux, les reins & les bras coopérent unanimement & de concert à cette action : plus la pression est forte, plus la réaction est grande, & par conséquent plus le saut a d’élévation. […] Cette action en rompant la chûte donnoit à mes jambes la facilité de se mouvoir, parce que je m’étois élevé au-dessus de la planche, & qu’un demi-pouce d’élévation lorsque l’on a de la vîtesse, suffit pour battre l’entrechat. […] Se prête-t-il au contraire à l’action des pieds ?
Le visage est l’organe de la scène muette, il est l’interprête fidèle de tous les mouvemens de la pantomime : en voilà assez pour bannir les masques de la danse, cet art d’imitation, dont l’action doit tendre uniquement à tracer, à séduire et à toucher par la naïveté et la vérité de ses peintures. […] Il faudroit, pour autoriser l’usage des masques dans la danse en action, en mettre autant de différentes espèces sur sa physionomie, que Dom Japhet d’Arménie met de calottes de diverses couleurs sur sa tête, les ôter et les mettre successivement, suivant les circonstances et les mouvemens opposés que l’on éprouveroit dans un pas de deux. […] Les masque des Tritons sont verts et argent ; ceux des Démons, couleur de feu et argent ; ceux des Faunes d’un brun noirâtre ; ceux des Vents sont bouffis, et dans l’action de quelqu’un qui fait des efforts pour souffler : tels sont nos masques. […] Il ne dit rien, il tourne avec rapidité, il a beaucoup de mouvement et peu d’action ; c’est un tourbillon de pas sans goût et souvent estropiés, qui éblouissent, sans satisfaire, qui surprennent sans intéresser ; ainsi le masque ne dérobe rien. […] L’acteur avoit soin, selon l’exigence des cas et la situation, où il se trouvoit, de présenter le coté de la physionomie dont le caractère étoit analogue à l’action qu’il avoit à rendre.
Le visage est l’organe de la Scene muette, il est l’interprete fidelle de tous les mouvements de la Pantomime : en voilà assez pour bannir les masques de la Danse cet Art de pure imitation, dont l’action doit tendre uniquement à tracer, à séduire & à toucher par la naïveté & la vérité de ses peintures. […] Il faudroit pour autoriser l’usage des masques dans la Danse en action, en mettre autant de différentes especes sur sa physionomie que Dom Japhet d’Aménie met de calottes de diverses couleurs sur sa tête, les ôter & les remettre successivement, suivant les circonstances & les mouvements opposés que l’on éprouveroit dans un pas de deux. […] Il ne dit rien, il tourne avec rapidité, il a beaucoup de mouvement & peu d’action ; c’est un tourbillon de pas sans goût & souvent estropiés qui éblouissent sans satisfaire, qui surprennent sans intéresser, ainsi le masque ne dérobe rien. […] Garrick possede ; talent d’autant plus estimable, qu’il empêche l’Acteur de s’égarer & de se tromper dans les teintes qu’il doit employer dans ses Tableaux ; car on prend souvent le froid pour la décence, la monotonie pour le raisonnement, l’air guindé pour l’air noble, la minauderie pour les graces, les poumons pour les entrailles, la multiplicité des gestes pour l’action, l’imbécillité pour la naïveté, la volubilité sans nuances pour le feu, & les contorsions de la physionomie pour l’expression vive de l’ame. […] Les anciens avoient encore des masques à deux visages ; le profil du côté droit étoit gai, celui du côté gauche étoit triste & de mauvaise humeur ; l’Acteur avoit soin selon l’exigence des cas & la situation où il se trouvoit, de présenter le côté de la physionomie dont le caractere étoit analogue à l’action qu’il avoit à rendre.
C’est un art auquel les Grecs ont donné le nom de Chorographie propre à exprimer les actions & les passions humaines, par des pas composez, par des sauts cadencez, & par tous les mouvemens du corps, soutenus de bonne grace, & conforme à la cadence des instrumens. […] Platon nous apprend même, en traçant l’idée d’une République parfaite, qu’il falloit qu’on donnât ses premiers soins à régler le corps, avant que de former l’esprit par l’étude des Sciences ; qu’on apprit la Musique pour régler la voix, & la Danse pour donner à toutes ses actions un air noble, dégagé, & une grace qu’on ne peut acquérir sans cet exercice. […] Les Egyptiens qui passent pour l’un des plus anciens peuples du monde, & pour avoir eu les premiers la connoissance des Sciences & des Arts, firent de leurs Danses des hiéroglifes d’action, dont les caracteres semblent avoir été imitez dans le Traité de la Chorographie de Feuillet Maistre de Danse, imprimé à Paris en 1700. […] Outre qu’un seul danseur avec des masques & des habits differens, pouvoit représenter une Comédie, ils joignoient aussi à la Danse le Pantomime, qui sçavoit imiter par ses gestes toutes sortes d’actions & de personnes. […] Lucien rapporte qu’un Prince de Pont étant venu à la Cour de Néron, & s’étant trouvé à un spectacle où ce fameux Danseur représentoit les Travaux d’Hercule, encore qu’il n’entendît rien de ce qu’on chantoit, il ne laissa pas de comprendre tout le récit par l’action & par les gestes du Pantomime : il pria même l’Empereur, en prenant son congé, de lui en faire présent ; & comme Néron s’étonnoit de cette demande, c’est, dit-il, que j’ai pour voisins des Barbares dont personne n’entend la Langue, & votre Pantomime me servira de truchement pour leur faire entendre par gestes mes intentions.
Il créa à Copenhague l’enseignement classique et tira de la légende nationale des ballets d’action — dont celui de la Petite Sirène, d’après Andersen, que j’ai encore pu voir interprété par Mme Price de Plane, mime remarquable.
Plus ces parties se joignent, et plus celles qui leur sont inférieures s’éloignent, les jambes ne pouvant ni battre ni croiser, restent comme immobiles au moment de l’action des genoux, qui roulent désagréablement l’un sur l’autre ; et l’entrechat n’étant ni coupé, ni battu, ni croisé par le bas, ne saurait avoir la vitesse et le brillant qui en font le mérite. […] Léonard définit parfaitement l’action de l’homme qui saute et les moyens qu’il emploie pour s’élever de terre.
que deviendrai-je, & quelle sensation n’éprouverai-je pas à la vue d’une représentation encore plus vraie, d’une action rendue par mes semblables ! […] N’entreprenez jamais de traiter de grands desseins, sans en avoir fait un Plan raisonné ; jettez vos idées sur le papier, relisez-les cent fois ; divisez votre Drame par Scenes ; que chacune d’elles soit intéressante, & conduise successivement sans embarras, sans inutilité à un dénouement heureux ; évitez soigneusement les longueurs ; elles refroidissent l’action, & en ralentissent la marche : songez que les Tableaux & les situations sont les plus beaux moments de la composition : Faites danser vos figurants & vos figurantes, mais qu’ils parlent & qu’ils peignent en dansant ; qu’ils soient Pantomimes, & que les passions les métamorphosent à chaque instant.
J’en ai dit assez pour vous persuader de toutes les difficultés d’un art qui n’est aisé que pour ceux qui n’approfondissent rien, et qui imaginent que l’action de s’elever de terre d’un pouce plus haut que les autres, ou l’idée de quelques moulinets, ou de quelques ronds doivent leur attirer tous les suffrages. […] Les différens evénemens que cette scène à produits rendent l’action générale ; le plaisir s’empare de tous les cœurs il se manifeste par des danses ou Fernand, Inès, Béatrix et Clitandre président. […] Voilà la difficulté ; il seroit rare d’en trouver un grand nombre, continua-t-il, capable de jouer ces pièces : ces scènes simultanées seroient embarrassantes à bien rendre ; cette action pantomime seroit l’écueil contre le quel la plupart des comédiens échoueroient. […] Cette scène longue à la lecture est vive et animée à l’exécution ; car vous savez qu’il faut moins de temps pour exprimer un sentiment par le geste, qu’il n’en tant pour le peindre par le discours ; ainsi lorsque l’instant est bien choisi, l’action pantomime est plus chaude, plus animée et plus intéressante que celle qui résulte d’une scène dialoguée. […] Il avoit mis enfin l’action en musique ; chaque trait étoit une expression qui prêtoit des forces et de l’énergie aux mouvemens de la danse, et qui en animoit tous les tableaux.
Une surprise subite vous arrête, vous éprouvez une émotion générale, vos regards comme absorbés restent dans une sorte d’immobilité, votre âme entière se rassemble sur une foule d’objets qui l’occupent à la fois ; mais bientôt rendue à son activité, elle parcourt les différentes parties du tout qui l’avait frappée, sa chaleur se communique à vos sens, vos yeux lui obéissent et la préviennent : un feu vif les anime ; vous apercevez, vous détaillez, vous comparez les attitudes, les contrastes, les coups de lumière, les traits des personnages, leurs passions, le choix de l’action représentée, l’adresse, la force, la hardiesse du pinceau ; et remarquez que votre attention, votre surprise, votre émotion, votre chaleur, seront dans cette circonstance plus ou moins vives, selon le différent degré de connaissances antérieures que vous aurez acquis, et le plus ou le moins de goût, de délicatesse, d’esprit, de sensibilité, de jugement, que vous aurez reçu de la nature. […] Ainsi, sans que rien puisse le distraire, ou l’arrêter, le peintre saisit son pinceau, et la toile se colore, les figures s’arrangent, les morts revivent ; le ciseau est déjà dans la main du sculpteur, et le marbre s’anime ; les vers coulent de la plume du poète, et le théâtre s’embellit de mille actions nouvelles qui nous intéressent et nous étonnent ; le musicien monte sa lyre, et l’orchestre remplit les airs d’une harmonie sublime ; un spectacle inconnu, que le génie de Quinault a créé, et qu’elle embellit, ouvre une carrière brillante aux Arts divers qu’il rassemble ; des masures dégoûtantes disparaissent, et la superbe façade du Louvre s’élève ; des jardins réguliers et magnifiques prennent la place d’un terrain aride, ou d’un marais empoisonné ; une éloquence noble et mâle, des accents dignes de l’homme, font retentir le barreau, nos tribunes, nos chaires ; la face de la France change ainsi rapidement comme une belle décoration de théâtre ; les noms des Corneille, des Molière, des Quinault, des Lully, des Le Brun, des Bossuet, des Perrault, des Le Nôtre, volent de bouche en bouche, et l’Europe entière les répète et les admire : ils sont désormais des monuments immuables de la gloire de notre nation et de l’humanité. […] Je suppose le public assemblé pour voir la représentation d’un excellent ouvrage ; la toile se lève, les acteurs paraissent, l’action marche, un transport général interrompt tout-à-coup le spectacle ; c’est l’enthousiasme qui se fait sentir, il augmente par degrés, il passe de l’âme des acteurs dans celle des spectateurs ; et remarquez qu’à mesure que ceux-ci s’échauffent, le jeu des premiers devient plus animé ; leur feu mutuel est comme une balle de paume que l’adresse vive et rapide des joueurs se renvoie ; c’est là où nous devons toujours être sûrs d’avoir du plaisir en proportion de la sensibilité que nous montrons pour celui qu’on nous donne. […] (B) [Voir Traité historique, IIe partie, livre IV, chap. 12, « Règles générales à observer dans les actions de Danse »]
Il n’y a pas dix ans que la Danse a osé produire quelques figures différentes de celles que Lully avait approuvées, et j’ai vu fronder comme des nouveautés pernicieuses, les premières actions qu’on a voulu y introduire.