De la Danse théâtrale des Grecs La Pythie déclara par un Oracle, qu’un bon Danseur devait se faire entendre par le seul secours des gestes, comme un excellent Acteur par le moyen de la parole et un grand Chanteur par les différentes inflexions de la voix. […] La Pythie ne parle plus de nos jours ; ou si elle ose parler, c’est la voix qui crie dans le désert.
On travaille (à ce qu’on raconte) À neuf cents habits, de bon compte, Qui d’or et d’argent brilleront, Pour les Danseurs qui danseront, Pour les belles Voix ordinaires, Et pour tous les Instrumentaires.
Or le geste peut peindre avec grâce tout ce que la voix peut exprimer.
C’est donc à une extinction de voix que les Romains dûrent ce changement bizarre ; c’est ainsi que les petites causes produissent souvent les grands événemens. […] Les acteurs étoient affublés d’un masque énorme à bouche béante, on y adaptoit une éspèce de porte-voix aboutissant à celle de l’acteur ; ce porte-voix étoit d’airain, mais soit que la résonnance de ce métal répercutât la voix désagréablement, soit qu’elle lui prêtât trop d’éclat, on se servit, ensuite d’une pierre noire que l’on scioit, en ne lui laissant que le moins d’épaisseur possible ; on en fabriquoit des cornets évasés du coté de la bouche du masque ; cette pierre s’appelait Calcophonos, ou son d’airain. […] on trouvoit encore dans ces magasins des masques de femmes tout, aussi volumineux, mais non pas si laids ; ils servoient à de jeunes acteurs, qui avoient une voix douce et agréable ; car il n’est fait aucune mention dans les écrits des anciens des noms des femmes dont les talens avoient embelli la scène ; ils ne parlent que d’Ampuse, de Tymèle, et de Dyonisia, célèbres pantomimes ; elles s’attachoient à peindre la volupté ; plusieurs auteurs assurent qu’excitées par les applaudissemens que leur prodiguoient les jeunes gens, elles avoient porté la pefection de leur jeu au dernier période d’indécence.
Une, de Masques non follets,91 Mais sérieux et des mieux faits, Pleins de Bravoure et Braverie, Conduits par la GALANTERIE,92 Merveilleusement aussi plût,93 Et chacun volontiers dit chût Lorsque cette aimable Déesse, Avec une voix charmeresse, Ses dignes Maximes chanta, Par qui l’Oreille elle enchanta Tant de Mâles que des Femelles, Qui, certe, les trouvèrent belles.
Les Violons touchaient des airs, Et les accords des doux concerts, S’unissant aux voix sans pareilles, Charmaient les cœurs et les oreilles.
Mais sans entrer dans la discution de ces sentimens, je me contenterai de dire que si on s’en rapporte à l’Ecriture-Sainte, on y trouvera quantité d’éxemples qui peuvent persuader que les Anges sont les Ambassadeurs de Dieu, desquels il se sert quelquefois pour nous annoncer ses volontez sur la terre, par l’usage de la voix ordinaire, ou mélodieuse, comme celle que l’on entendit dans les airs, lors de la naissance de Jésus-Christ, & tant d’autres éxemples dont l’Ecriture est remplie. Ce sont à la vérité des faits miraculeux, ausquels néanmoins nous devons soumettre notre jugement, par rapport aux effets de la voix & de la Musique céleste, qui passe pour être émanée de l’idée de Dieu, suivant le sentiment de S. […] Il prétend que le corps humain est un instrument harmonieux, orné d’une voix fléxible & sonore, composé de la main de Dieu, avec la matiere la plus pure des quatre élémens, sur les principes de la Musique naturelle, dont les quatre humeurs dominantes sont comme quatre clefs qui servent de régles pour faire agir de concert les 242 parties principales dont le corps humain est composé, & que le poulx y est établi comme le Musicien ou Maître de chœur qui bat la mesure dans un concert, & qu’il y régle par un mouvement ou battement égal, toutes les facultez corporelles, lequel battement doit être de quatre mille fois dans une heure, quand toutes les parties du corps sont bien organisées ; ce qui l’entretient dans une santé parfaite jusqu’à l’age décrépite, qui est le tems que ces organes se relâchent, comme les cordes d’un instrument, ce qui cause sa destruction.
Ne pourroit-on pas regarder ce qui constitue l’intonation parfaite, l’accent propre à l’organisation de la voix ; comme un instrument chargé d’une infinité de cordes, les quelles, pour être justes et sonores, doivent être montées par nos affections et accordées par les sentimens à tous les tons, et à tous les modes propres à exprimer les accens variés des passions. […] Ceci n’est point une métaphore ; c’est une observation établie sur la conformation de l’organe qui opère les différens sons de la voix. On me dira, sans doute, que cette comparaison n’a rien de relatif à l’acteur pantomime, puisqu’il doit parler sans voix ; je répondrai que ses gestes, le jeu varié de sa physionomie, l’expression animée de ses yeux sont autant de langues qu’il a à sa disposition ; j’ajouterai à tous ces moyens ceux que la musique expressive offre à la pantomime ; elle en est l’organe, et lui fournit tous les accens dont elle peut avoir besoin.
Mais les premiers seront aisement satisfaits s’ils se donnent la patience de voir surquoy ie me fonde, & pour ne les enuyer, ie ne les entretiendray point des fables de la Poësie, ie n’appelleray point à tesmoin vn Arion qui au son de sa voix & de sa lire fist iadis danser ce Dauphin qui le deliura du naufrage, ny cest Orphée qui trouuoit en toutes choses vne si grande disposition à la danse, que les inanimées mesmes se ioignoyent au bal, animées des charmes de sa lire : & ne tireray point ma consequence de l’ordre qu’on donne à la nature de ceste admirable proportion des causes, ny de ceste Symmetrie, par laquelle les Cieux, les Elemens, & tant de choses de soy contraires & disioinctes, sont par vn accord discordant, & cadence miraculeuse vnies & conseruées en cest assemblage & continuité de l’Vniuers, auquel les Stoiciens (rauis de tant de merueilles) ont donné vn corps & vne ame, l’estimant estre vn animal de nature immortelle ie lairray ceste matiere pour l’exercice de quelque Poëte, & les prieray de considerer auec moy, que les plus remarquables personnages de toute l’antiquité, ie dis & sacrez & profanes, ont honoré la danse, & de voix & de pratique. […] pourquoy tant d’ennemis contre ce qui est si necessaire, & dequoy Messieurs nos Maistres ne me peuuent prouuer la censure dans les sainctes lettres, ouy bien dans quelques legeres apparences qu’ils mettent en consideration, nous ne blasmons pas la Danse, disent-ils, pour ses pas & ses mesures, autrement la voix & la Musique courroient la mesme fortune, mais parce qu’elle oblige les Venus à se parer plus ambitieusement, desquelles il faut fuir la hantise, d’autant que l’imagination prend feu (aussi soudain que le Naphthe) si on l’arreste tant soit peu en la contemplation d’vn obiect amoureux, qu’elle est en fin tousiours suiuie de mil mauuais desirs de vanité & de concupiscence, & ces desirs de scandales qui produisent souuent de grands malheurs. […] Ie dis ceux : pource que ie ne puis donner ma voix à l’inconsideration de plusieurs, qui poussez de quelque affection particuliere, ou forcez, peut estre, de cest instinct qui nous faict ordinairement fauoriser vne chose plus que l’autre, & bien souuent trouuer chois en deux pareils subiects, attribuent c’est aduantage à vn seul ; car si l’on iuge que tant de personnes qu’on sçait auoir attaint la perfection de bien danser, ont apris en diuers lieux & soubs differents Maistres, & qu’eux mesmes par leur exercice & iugement y ont apporté quelque chose du leur, on sçaura que i’ay raison de dire qu’vn seul n’a pas inuenté tout ce qui est auiourd’huy receu estre bien faict : mais que plusieurs, qui plus, qui moins y ont contribué leur industrie, & que par consequent il est tres-raisonnable que tout plain de braues gens qui honnorent ceste profession participent à ceste loüange, sinon à pareil degré d’honneur que les premiers, au moins à mesure que chacun a de la vertu ce qui sera d’autant plus equitable qu’ils ont acquis dequoy se faire imiter & se distinguer d’auec ceux qu’on sçait profaner le mestier. […] Vn Philosophe me dit vn iour, que comme les paroles estoient les marques des conceptions de nostre ame, les escrits estoient aussi les images des paroles, que des choses s’enfantoient les paroles pour les communiquer aux presens, & des paroles les escrits, mais en consideration des absens & de nos posterieurs, ce qui n’est pas l’office des paroles, il m’apprit encores par des exemples & des raisons si palpables, qu’vn homme auec du sens commun n’en peut douter, que lors que l’intellect a bien compris la cognoissance des choses qui luy arriue par l’entremise des sens, il la peut heureusement esclarcir par le moyen de l’vn ou l’autre de ces deux instruments dont ie viens de parler, cela m’a tellement fortifié en l’opinion que i’en auois desia par experience, que i’ose maintenir, que quiconque a l’imagination plaine de quelque science, il se peut faire entendre ou de voix ou d’escrit, sinon à tous, pour le moins à ceux de sa profession.
C’est une action ingénieuse, qui sans la voix, sans avoir besoin du discours a tous les caractères, les traits plaisants, les peintures badines d’une bonne Comédie. […] Les gestes seuls suppléaient à la douceur de la voix, à l’énergie du Discours, au charme de la Poésie58.
Mais Loïe se remit sur pieds, et en entendant les rires elle leva la main droite et dit à très haute voix : « Chut ! […] Une fois là-haut, je me retournai et regardai le public, je fis une belle révérence, et commençai, d’une voix qui résonna par toute la salle.
Le jour 18. étoit consacré à mettre aux voix et à résoudre une grande question ; il s’agissoit d’abattre un jeune chêne, planté par la nature. […] La question mise aux voix, les opinions se partagèrent, les débats furent vifs et le bruit épouvantable.
Pendant ces divertissements, Si doux, si gais et si galants, On ouït de l’aimable HILAIRE La voix mélancolique et claire, Qui flattait l’oreille et le cœur Du plus délicat Auditeur ; Les instruments et la musique, Dont le Maître scientifique53 Compose des airs ravissants, Répondait à ses doux accents, De VIGARANI les Machines, Paraissaient des pièces divines, Et cet excellent Ingénieur Eut de la gloire et du bonheur D’avoir suivi, par son adresse, Avec tant de délicatesse, Les ordres et le beau dessein De notre puissant SOUVERAIN.
Quoi qu’il en soit, de beaux Récits, En ce Spectacle sont ouis, Où, certes, l’admirable HYLAIRE Charme par sa voix nette et claire.
On fut ravi des belles Voix Qui chantaient ses divines Loix.
Quand il parlait, sa voix était celle d’un vieillard et ses yeux démentaient sa voix.
La voix de Médicis les rappela en Italie, et ils y accoururent.
[…] Le second jour, la Comédie, Par le sieur de Molière ourdie, Où l’on remarqua pleinement Grand esprit et grand agrément, (Cet Auteur ayant vent en poupe) Occupa, tant lui que sa Troupe, Avec de célestes Récits À toucher les plus endurcis, Animés des douceurs divines De deux rares voix féminines, Qui sont (comme j’ai dit un jour) Les Rossignoles35 de la Cour, Que personne ne contrecarre, À savoir l’Hilaire et la Barre.
Le pas est doux, les gestes sont doux, la voix est douce, infiniment douce. […] Rodin poussa lentement la porte du temple, puis, d’une voix douce, il nous dit d’entrer.
Dieu a autrefois fait entendre du ciel une voix par laquelle il a dit de Jésus-Christ : (Matth. 1, 5.) […] Saint Augustin (l. 4, c. 15, n.° 27.) reconnoît dans ses confessions, que ses passions excitoient en lui un bruit qui l’empêchoit d’entendre la douce voix de la vérité. […] » « Ne soyons pas sourds à sa voix : Nos non simus surdi. […] Mais que dirons-nous donc de ceux qui méprisent la voix de leur pasteur, sans y avoir égard ; qui s’exposent au péril de tomber dans des crimes, et qui peut-être ne sortent point de ce péril sans en avoir commis et sans en avoir fait commettre à d’autres ? […] Or, la mer et le feu ne sont pas plus dangereux à la vie du corps, que ces danses à la vie de l’ame : d’où je conclus que quiconque a quelque soin de son salut, se passera d’un tel divertissement, de peur que se trouvant dans un passe-temps consacré au démon, il ne tombe sous sa puissance ; il obéira à la voix de son pasteur, il fera pénitence de sa faute s’il ne lui a pas obéi, et il n’écoutera point la voix du serpent qui veut le séduire.
Ô Que l’on fut bien diverti Par l’aimable Bergeroty, Dont la voix est mignonne et claire, Et par Mademoiselle Hilaire, Lui chantant Lambertiquement, Nous comblait de contentement !
Aussi, quoique le peuple Juif résistât opiniâtrément à la voix des Prophètes, Dieu ne laisse pas de dire à Isaïe : Criez sans cesse, faites retentir votre voix comme une trompette ; annoncez à mon peuple les crimes qu’il a faits ; et à la maison de Jacob, les péchés qu’elle a commis.