Je ne parle ici que de celle qui l’est, de celle, pour désigner par un seul trait, que la mauvaise voudrait faire croire ridicule.
[Voir Entrechat] Ce discours ridicule qu’on a tenu constamment en France, depuis la mort de Lully, en l’appliquant successivement à toutes les parties de la vieille machine qu’il a bâtie, et qu’on répétera par habitude ou par malignité, de génération en génération, jusqu’à ce qu’elle se soit entièrement écroulée, n’est qu’un préjugé du petit peuple de l’Opéra, qui s’est glissé dans le monde, et qui s’y maintient depuis plus de soixante ans, parce qu’on le trouve sous sa main, et qu’il dégrade d’autant les talents contemporains qu’on n’est jamais fâché de rabaisser.
Cependant, je ne me donnerai pas le ridicule de faire une apologie du music-hall. […] C’est ainsi que l’épanouissement libre du muscle, le jeu harmonieux de la force disciplinée sombre dans le ridicule prétentieux du mélodrame acrobatique et d’un exotisme de rebut.
« Elles offrent un spectacle ridicule, qui ne peut que déplaire à des yeux chastes, et qui est indigne d’un homme sensé, inane spectaculum, honestis invisum oculis, viro indignum . […] Le mouvement du corps, la manière d’être assis ou couché, les gestes, le ris, la démarche, le discours, sont autant de signes qui produisent en quelque sorte au-dehors ce qu’il y a dans l’ame… O plaisir ridicule que celui des danses ! Supposez que vous assistiez à une danse où il n’y a point d’instrumens, et que vous y voyiez des femmes, et des hommes encore plus efféminés que les femmes, faire en silence tous les différens tours qui se font dans les danses, revenir sans cesse au lieu d’où ils sont partis, et faire toutes les autres inepties qui accompagnent les danses ; dites-moi, je vous prie, si vous avez jamais rien vu de si ridicule, ni de plus extravagant ? A présent, le son des instrumens, en occupant de ce qui frappe l’oreille, empêche qu’on ne soit aussi attentif à ce qu’il y a de ridicule et d’indécent dans les mouvemens du corps qui se font aux danses : mais alors c’est une folie qui en couvre une autre : Amentia una aliam tegit. […] Les vieilles gens qui pourroient aller au bal sans intéresser leur conscience, seroient ridicules d’y aller ; et les jeunes gens auxquels la bienséance le permettroit, ne le pourroient pas sans s’exposer à de trop grands périls.
Car figurer en travesti sans être ridicule, c’est là l’apanage de trop rares danseuses : tout le monde n’est pas fait comme l’Hermaphrodite du Vatican !
Notre Scène comique va bientôt aussi ne peindre que par des gestes les ridicules des hommes. […] On oublie qu’elle pourrait peindre les vices, les ridicules des hommes, ainsi que la Comédie. […] « J’ai pensé » que les événemens multipliés, que les changemens de décorations, ne pouvoient que satisfaire les yeux & l’esprit, « sans émouvoir la sensibilité de l’âme » ; que pour faire de véritables Pantomimes , il falloit choisir une action théâtrale, joindre les choses aux gestes ; que la Pantomime n’était pas le talent « de faire agir des hommes sur la Scène », & d’imaginer des changemens singuliers ; mais d’avoir quelqu’objet en vue, quelque ridicule à relever. […] Je dirai plus : « quand une Pantomime est touchante », qu’elle est le tableau d’une action de la vie, qu’elle jette du ridicule sur nos défauts ; en un mot, qu’elle est excellente comme la mienne, elle vaut un Drame ; « je la préfere même aux meilleures Pièces de Théâtre ».
Combien de fois font-ils parler le Prince qu’ils représentent avec une fierté ridicule, tandis que ce Prince ne devrait mettre que de la noblesse dans ses discours ? La colère chez eux devient fureur ; la crainte, poltronnerie ; l’amour, une faiblesse pusillanime, ou un emportement ridicule : enfin ils sont quelquefois aussi éloigné du ton de leurs rôles, qu’un chanteur est hors de mesure lorsqu’il chante faux. […] Suis-je donc si ridicule de vouloir que ces mêmes Chanteurs se contentent tout simplement de faire des gestes, & que l’orchestre seul exprime les passions qu’ils seront supposés ressentir ?
N’en déplaise aux Inventeurs des Tragédies en Musique, Poèmes aussi ridicules que nouveaux, et qu’on ne pourrait souffrir, si l’on avait le moindre goût pour les Pièces de théâtre, ou que l’on n’eut pas été enchanté et séduit par un des plus grands Musiciens qui ait jamais été. » Dacier, Poét. d’Aristote, p. 82.
Tout, au point de vue réaliste, prête au ridicule dans cet épisode de « ballet blanc » introduit en plein Shakespeare.
Toutes ces differentes attitudes representées par ces trois Figures ne sont que pour marquer tous les differens tems & toutes les mesures que l’on doit observer dans cette action, on ne doit pas entendre par ces differentes attitudes que l’on doive s’arrêter à chaque tems, ce qui seroit ridicule.
Ces sortes de divertissemens ridicules sont ordinairement dangereux ; ils dissipent l’esprit de dévotion, diminuent les forces de l’ame, refroidissent la charité, réveillent dans l’ame mille sortes d’affections. » N’est-ce pas là en dire assez pour en éloigner ? […] C’est, par exemple, dit-il, de penser, lorsqu’on étoit à prendre ce plaisir de la danse, que plusieurs réprouvés brûloient dans l’enfer pour les péchés commis à la danse et à cause des danses ; que plusieurs religieux et personnes de piété étoient à la même heure devant Dieu, chantant ses louanges, et contemplant ses divines perfections ; et que leur temps a été par là bien mieux employé que celui qu’on a mis à danser ; qu’on a fait pitié à la sainte Vierge, aux anges et aux saints, lorsqu’ils ont vu que le cœur s’arrêtoit à ce plaisir si ridicule ; qu’enfin à mesure qu’on y a donné plus de temps, on s’est aussi plus approché de la mort qui mettra fin à tous ces plaisirs. » Je demande maintenant s’il est bien facile et bien ordinaire de s’appliquer, au retour de la danse, à toutes ces considérations, que saint François de Sales croit néanmoins nécessaires pour empêcher les funestes impressions du plaisir qu’on y a cherché et goûté ?
Briser des masques hideux, bruler des perruques ridicules, supprimer les paniers incommodes, bannir les hanches plus incommodes encore, substituer le goût à la routine, indiquer un costume plus noble, plus vrai et plus pittoresque ; exiger de l’action et du mouvement dans les scènes, de l’ame et de l’expression dans la danse ; marquer l’intervalle immense qui sépare le mécanisme du métier, du génie qui le place à côté des arts imitateurs ; c’étoit m’exposer à la mauvaise humeur de tous ceux qui respectoient et vénéroient les anciens usages quelque barbares et ridicules qu’ils pûssent être.
Dans la comédie, les acteurs chaussés eu sandales de bois, et vêtus à l’ordinaire ne crioient pas si haut, mais leurs masques étoient encore plus ridicules que ceux des premiers. » Il y avoit des masques à deux profils ; ils servoient à la comédie ; ces masques exprimoient deux sentimens opposés, ou deux passions différentes : un des côtés par exemple traçoit la colère d’un père en courroux, l’autre côté offroit tous les traits de la tendresse paternelle, etc. […] Julien Pollux, qui écrivit sous l’Empereur Adrien, dit affirmativement que l’on fit sculpter à Athènes des masques parfaitement ressemblans au citoyen que l’on vouloit jouer sur la scène : il ajoute que Socrate eût le désagrément de s’y voir tourner en ridicule.
Les Mœurs ordinaires des contemporains, que la pénétration, la gaieté, et la vivacité grecque, saisissaient toujours du côté ridicule ; l’esprit épigrammatique si naturel aux Athéniens, la liberté de leur gouvernement, l’influence que chacun des Citoyens avait dans les affaires publiques, le moyen facile dans des représentations imitatives, de peindre, avec les couleurs les plus défavorables, des Rivaux qu’on avait toujours un intérêt éloigné ou prochain de dégrader ; tous ces objets saisis vivement par des Esprits susceptibles de la plus grande chaleur, produisirent en peu de temps la Comédie.
Puis elle mime un menuet de Schubert ; une interprétation pathétique et passionnée aurait été ridicule.
Que de tableaux bisarres et singuliers ne trouvera-t-il pas encore dans la multitude de ces oisifs agréables, de ces petits-maîtres subalternes, qui sont les singes et les caricatures des ridicules de ceux à qui l’âge, le nom ou la fortune semblent donner des priviléges de frivolité, d’inconséquence et de fatuité ! […] Les grands hommes ne doivent créer que de grandes choses, et abandonner toutes celles qui sont puériles à ces êtres subalternes, à ces demi-talens, dont l’existence ne marque que le ridicule. […] Dans un spectacle aussi riche en ressources que celui de notre opéra, n’est-il pas choquant et ridicule de ne point trouver de dégradations dans les tailles, lorsqu’on s’y attache et qu’on s’en occupe dans les morceaux de peinture qui ne sont qu’accessoires au tableau ?
Celui qui pendant sa danse ferait mouvoir le corps par secousses, qui hausserait ses épaules par le contrecoup des jambes, qui plierait ou lâcherait les reins, pour faciliter l’exécution des temps, et qui, par les grimaces de sa figure, nous démontrerait toute la peine que lui coûte son travail, serait un objet absolument ridicule ; le nom de grotesque lui siérait mieux que celui de danseur41.
La représentation théatrale partagée entre l’acteur récitant, et l’acteur faisant les gestes passe ma conception ; si j’ajoute à cette méthode peu naturelle, un troisième personnage chaussé d’une sandale de fer, frappant rudement le plancher pour marquer la mesure de chaque geste ; si je parle ensuite d’une flûte gauche nommée Tibia, faite avec la partie la plus grosse du roseau, dont le son devoit approcher de celui du Basson, et qui servoit à accompagner l’acteur ; si je compare le son de ce frêle instrument avec celui de la voix qui sortoit avec fracas du cornet adapté à l’enorme bouche du masque de l’acteur ; mes conjectures se perdent, ma raison se tait, et c’est vainement que je cherche ce sage, ce vrai, ce naturel qui embellit les arts ; je n’apperçois sur cette scène antique qu’un amas de ridicules et d’invraisemblances. […] Le récitatif des premiers opéra Français mis en musique par Cambert et par Lully étoit egalement dénué d’harmonie ; il étoit langoureux, sans expression, et en voulant l’orner par de longues cadences, on ajoutoit à son ridicule ; la basse continue en fermoit l’unique accompagnement, et par cette monotonie, on peut aussi comparer ce récitatif à la déclamation des anciens accompagnée d’une seule flûte.
Mais s’ils s’arrogent des droits tout-à-fait impertinens, ce n’est point leur faute ; qu’on s’en prenne à ceux qui pourraient mettre un frein à leur orgueil, & qui les laissent tranquillement former un Aréopage aussi indécent que ridicule.
La méthode des anciens maîtres fut tournée en ridicule, et l’on alla jusqu’à introduire l’usage des ballets dans les maisons d’éducation.
Quelle cacaphonie ridicule !
« que je paroîtrai ridicule à plusieurs, en faisant observer les règles que je vais vous prescrire par rapport aux noces ; mais si vous me croyez, j’espère que l’avantage que vous en retirerez, vous fera comprendre que je ne vous aurai rien dit que d’utile. Loin de rire de ce que je vous dis, ce qui vous paroîtra ridicule, c’est là mauvaise coutume que je combats ; et vous ne pourrez vous empêcher de reconnoître que ce qui se fait maintenant est une conduite d’enfans sans raison, ou même de gens ivres ; et que celle que je m’efforce de vous persuader est une conduite pleine de modestie et de sagesse, et qui vous feroit commencer à mener dès ce monde une vie toute céleste.