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17. (1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Seconde partie.] — Chapitre III. Objections tirées des Docteurs de l’Eglise. » pp. 167-174

Après que l’esprit intérieur nous a presque entièrement abandonnés dans un siècle marqué à tant de traits qui le déshonorent, et qui nous rapprochent si fort du paganisme, les danses seroient-elles moins dangereuses qu’elles ne l’étoient du temps des saints Pères, où un grand nombre de chrétiens vivoient encore dans la ferveur du christianisme ; au lieu qu’il n’y en a presque plus aujourd’hui qui en connoissent et en sentent la sainteté et les devoirs ? […] C’est être trop sourd à la vérité, de ne pas sentir que leur raison porte plus loin. […] Et n’est-il pas évident que c’est bien réellement défendre les danses, que de ne les permettre qu’à des conditions qu’on sent bien ne pouvoir guère être remplies ?

18. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur les fêtes nationales] — Lettre i. sur les fêtes nationales. » pp. 109-115

Les fêtes publiques ont eu jusqu’ici différens objets, tantôt celui de distraire le peuple de ses maux, tantôt de capter son suffrage par d’inutiles prodigalités ; tantôt enfin, de déployer à ses yeux une magnificence qui, par un triste retour sur lui-même, lui faisoit plus profondément sentir sa misère ; mais je n’ai pas encore vu de fêtes en France, où la moralité fut unie au plaisir, où la décence et le bon goût fussent joints à la gaieté : le résultat de toutes les fêtes est, beaucoup de gens ivres, beaucoup de bourses volées, souvent des accidens graves, de la fatigue, et peu de plaisir, du moins de ce plaisir qui doit tourner au profit des mœurs, du goût et de l’esprit. […] Vous sentez, Monsieur, et vous me connoissez assez pour être persuadé que mes idées sur cette grande fête, ne rouleroient point sur un feu d’artifice et une illumination ; cela convenoit aux courtes vües ; moi je n’aime point la fumée.

19. (1845) Notice sur Giselle pp. 3-24

Le public, qui regrettait encore Taglioni et comptait toujours sur le retour d’Elssler, la sylphide et la cachucha incarnées, se sentit consolé tout d’un coup et n’envia plus ni Saint-Pétersbourg ni l’Amérique : une danseuse s’était révélée. […] Elle ne se sent plus que des ailes, et si elle chante, ce n’est que devant ses amis, quelque air du Tyrol ou de Venise auquel elle prête un charmant cachet local. […] Albrecht l’a senti ; aussi a-t-il emprunté le costume d’un jeune vendangeur, et n’a-t-il gardé de sa condition que son élégance. […] En effet, après quelques pas désordonnés, espèce d’agonie chorégraphique merveilleusement rendue par Carlotta, elle tombe morte, la main sur son cœur, entre les bras de Bathilde et de Berthe, au profond désespoir d’Albrecht et même d’Hilarion, qui sent toute l’horreur du crime qu’il vient de commettre, car il est l’assassin de Giselle. […] comme elle est heureuse de se sentir libre encore et légère, et de voltiger à son gré de çà de là, comme un papillon capricieux !

20. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur l’artiste »

Observez que je parle ici de l’âme d’un homme de génie ; parce que j’entends par le mot génie, l’aptitude naturelle à recevoir, à sentir, à rendre les impressions du tableau supposé. […] Cette émotion, moins vive à la vérité, mais du même caractère, se fait sentir à tous ceux qui sont à portée de jouir des diverses productions des beaux-arts. […] La multitude en est frappée, il est vrai, sans les apprécier, les demi connaisseurs les discutent sans les sentir : on s’en occupe moins longtemps aujourd’hui que d’une parodie sans esprit, dont on n’a pas honte de rire : qu’importe, en seront-ils moins un jour l’école et l’admiration de tous les esprits et de tous les âges? […] Pour produire des ouvrages qui restent, pour acquérir une gloire que la postérité confirme, il faut des ouvrages et des succès qui résistent aux efforts du temps, et à l’examen des sages ; il faut avoir senti un enthousiasme vrai, et l’avoir fait passer dans tous les esprits ; il faut que le temps l’entretienne, et que la réflexion, loin de l’éteindre, le justifie. […] Je suppose le public assemblé pour voir la représentation d’un excellent ouvrage ; la toile se lève, les acteurs paraissent, l’action marche, un transport général interrompt tout-à-coup le spectacle ; c’est l’enthousiasme qui se fait sentir, il augmente par degrés, il passe de l’âme des acteurs dans celle des spectateurs ; et remarquez qu’à mesure que ceux-ci s’échauffent, le jeu des premiers devient plus animé ; leur feu mutuel est comme une balle de paume que l’adresse vive et rapide des joueurs se renvoie ; c’est là où nous devons toujours être sûrs d’avoir du plaisir en proportion de la sensibilité que nous montrons pour celui qu’on nous donne.

21. (1775) La littérature renversée, ou l’art de faire des pièces de théâtre sans paroles [graphies originales] « Lettre, d'un grand sauteur. A M. de Voltaire, sur les pantomimes . » pp. 17-37

Il est fâcheux que les Pièces de ce Théâtre ne soient pas toutes sans paroles, & que le Public ne sente pas assez le mérite des Drames où l’Acteur n’a rien à dire. […] Depuis quelque temps on commence à sentir à l’Opéra le mérite des Pantomimes . […] « Je crois bien que vous m’en saurez bon gré ; quant à ces personnes dont je vous parle, je suis bien fâché de ne pouvoir les satisfaire ; mais je leur répondrai, & vous appuierez mon avis, sans doute, que pour bien exceller dans l’Art Pantomimique, il faut mettre la chose pour le mot, & rien de plus ; que des gestes de situation profondément sentis, valent cent fois mieux que des gestes faits par l’esprit, pour refroidir l’ame ; qu’enfin il faut préférer le geste qui fait vivre un ouvrage, à celui qui sait briller l’Acteur » : soit dit en passant, ceci peut encore servir de règle pour les Théâtres, où la parole est en usage ; car je ne prétends pas moins qu’à la gloire d’éclairer mon siècle .... […] Vives & saillantes, sans froideur & sans lieux communs, remplies de situations rapides qui parlent aux yeux, & mettent à l’instant le Spectateur au fait, elles sont l’ouvrage d’hommes de goût, qui sentent, qui réfléchissent. […] Ce Peuple sage & réfléchisseur a senti les beautés dont il est susceptible.

22. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. Seconde partie. — Chapitre X. De la maniere de faire les bras avec les Coupez de mouvemens. » pp. 236-238

J’ai separé le coupé de mouvement des autres coupez, pour ne le pas confondre, & pour faire sentir toute la grace qu’il faut lui donner, ce pas se fait en avant & de côté.

23. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XI, une visite chez rodin » pp. 118-123

On se sent bondir, comme le chien qui vous précède chez le maître de céans, et l’on se demande ce que sera l’avenir. […] Il regarde tout d’un tel air de tendresse, que l’on sent qu’il est attaché passionnément à ce coin de terre.

24. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — III, comment je créai la danse serpentine » pp. 22-

D’abord je me sentis fort intimidée en présence de quelque chose d’aussi imposant que mes voisins. […] Inconsciemment je sentais que j’étais en présence d’une grande découverte, d’une découverte dont je n’eus que plus tard la certitude et qui devait m’ouvrir la voie que j’ai suivie depuis. […] On la voit et on la sent : elle est trop compliquée pour que des mots parviennent à la réaliser. […] Je me sentis perdue, morte, plus morte, me semble-t-il, que je ne serai au moment où mon heure dernière sonnera.

25. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VI. » pp. 40-55

Le premier se vengera dans l’instant, en faisant sentir le poids de son bras ; le second, au contraire, luttera contre les idées d’une vengeance aussi basse que déshonorante ; ce combat intérieur de la fureur et de l’elévation de l’ame prêtera de la force et de l’énergie à sa démarche à ses gestes, à ses attitudes, à sa physionomie, à ses regards : tout caractérisera sa passion ; tout décèlera la situation de son cœur : les efforts qu’il fera sur lui-même pour modérer les mouvements dont il sera tourmenté, ne serviront qu’à les faire éclater avec plus de véhémence et de vivacité : plus sa passion sera contrainte plus la chaleur sera concentrée, et plus l’effet sera attachant. […] Le mélange des couleurs, leur dégradation, et les effets quelles produisent à la lumière, doivent fixer encore l’attention du maître de ballets ; ce n’est que d’après l’expérience que j’ai senti le relief que ces effets donnent aux figures, la netteté qu’ils répandent dans les formes, de l’élégance qu’ils prêtent aux groupes. […] Les artistes surtoût et les gens de goût sentiront la justesse et l’importance de cette observation. […] Je ne saurois vous dire le plaisir que me procura cette idée mise en exécution, dont l’exécution surpassa même mon attente, et qui fut généralement sentie.

26. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VII. Supériorité et avantages de la Danse en action »

Autant de tableaux qu’il y a dans la nature de manières d’être, autant d’occasions de les varier qu’il y a de façons différentes de sentir et d’exprimer.

27. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XIV, la princesse marie » pp. 146-

A une heure du matin je dansais toujours, mais je me sentis tout à coup si exténuée que je dus m’arrêter. […] Je me réfugie ici de temps en temps, et j’y reste seule avec moi-même jusqu’à ce que je me sente de nouveau prête à affronter le monde. […] Je sentis que j’étais en présence de quelqu’un de réellement grand, même si sa naissance ne l’eût pas faite telle.

28. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VIII. » pp. 65-96

J’ose croire qu’une pareille disparate blessera toujours ceux que le plaisir de sentir conduit au spectacle ; car elle peut n’être pas apperçue par les originaux qui n’y vont que par air, et qui, tenant une énorme lorgnette à la main, préférent la satisfaction d’étaler leurs ridicules, de voir et d’être vus, à celle de goûter le plaisir que les arts réunis peuvent procurer. […] Sans être musicien, un poéte ne peut-il pas sentir si tel trait de musique rend sa pensée ; si tel autre n’affoiblit pas l’expression ; si celui-ci prête de la force à la passion et donne des grâces et de l’énergie au sentiment ? […] Sans être danseur et maitre de ballets, il peut également s’apperçevoir de la confusion qui y régnera, du peu d’expression des exécutans ; il peut, dis-je, sentir si son action est rendue avec chaleur ; si les tableaux en sont assez frappans, si la pantomime est vraie, et si le caractère de la danse répond au caractère du peuple et de la nation quelle doit représenter. Ne peut-il pas encore sentir les défauts qui se rencontrent dans les vêtemens par des négligences ou un faux goût qui, l’eloignant du costume, détruit toute illusion ? […] Le même goût qui porta l’art de cette grande actrice à un si haut dégré de perfection, lui fit sentir le ridicule de ces anciens costumes du théatre ; et cherchant à rendre, à imiter la nature dans son jeu, elle pensa, avec raison, qu’il falloit la suivre dans les habillemens.

29. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre premier — Chapitre IV. Origine de la Danse, définition qui en a été faite par les Philosophes. »

L’Homme a eu des sensations au premier moment qu’il a respiré, et les sons de la voix, le jeu des traits du visage, les mouvements du corps ont été seuls les expressions de ce qu’il a senti.

30. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Avertissement. » pp. 33-34

Il en est un autre dont il faut bien faire l’aveu : on a tant de fois mis mon ouvrage à contribution sans me nommer, on s est si souvent et si hardiment paré de mes dépouilles que j’ai senti qu’il ne me resteroit plus rien, si je ne prenois le parti de déposer et de consigner le peu qui me reste, afin que 1’opinion publique, je n’ose dire la postérité, puisse le reconnoître et le réclamer pour moi.

31. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXIV. De la maniere de faire les bras du Menuet. » pp. 99-103

On doit aussi faire attention que quoique j’aie mis ces trois Figures differemment, ce n’est que pour en exprimer mieux leurs differentes situations, & en faire sentir tous les tems distinctement : afin que ces mouvemens distinguez se succedant l’un à l’autre, n’en composent qu’un seul dans l’étenduë d’un pas de Menuet.

32. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « Observations sur la construction d’une salle d’opéra. » pp. 3-32

Si l’on ajoute à ces tableaux effrayans, les entraves perpétuelles, qui ressérrent le génie, qui captivent l’imagination, qui circonscrivent les idées, qui enchaînent la volonté, et qui forcent le peintre, le maître des ballets, le musicien, et souvent le poète, à sacrifier au rétréci du local, les grands effets de leur art ; on sentira qu’une salle construite et placée comme est celle de l’opéra, ne peut qu’exciter des craintes sans cesse renouvellées. […] Il me sera facile de faire sentir et de démontrer cette vérité. […] Il est aisé de sentir que cette prolongation du théatre ne pourrait s’opérer sans le secours d’une charpente mobile dont toutes les pièces seraient numérotées et qui se monteraient et démonteraient avec facilité et en très peu de teins. […] La scène est comme un tableau dont on ne peut sentir tout l’effet que dans un certain point d’optique. […] On sentira le triple avantage résultant de cette proportion.

33. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE PREMIERE. » pp. 2-14

L’abus des meilleures choses est toujours nuisible ; je ne désaprouve que l’usage trop fréquent & trop répété de ces sortes de figures : usage dont mes confreres sentiront le vice, lorsqu’ils s’attacheront à copier fidelement la nature, & à peindre sur la Scene les différentes passions, avec les nuances & le coloris que chacune d’elles exige en particulier. […] Un Maître de Ballets, sans intelligence & sans goût, traitera ce morceau de Danse machinalement, & le privera de son effet, parce qu’il n’en sentira pas l’esprit.

34. (1908) Quinze ans de ma vie « Préface » pp. -

Sentir ?

35. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre II. De la maniere de bien marcher. » pp. 4-8

Il faut aussi donner à sa maniere de marcher un tems qui ne soit ni trop vîte, ni trop lent ; celui-ci tient de l’indolence, & l’autre sent l’étourdi ; ainsi il faut éviter ces deux extremitez.

36. (1860) Mémoires de Rigolboche « Mémoires de Rigolboche — Chapitre V » pp. 60-75

— Marguerite, me dit-il solennellement, tu viens de créer un mot qui fera fortune, et dont le besoin se faisait généralement sentir. […] A ce moment-là, un mur se présenterait devant moi, que je me sentirais la force de passer au travers.

37. (1724) Histoire générale de la danse sacrée et profane [graphies originales] « Histoire generale de la danse sacrée et prophane : son origine, ses progrès & ses révolutions. — Chapitre III. Des mouvemens de la Danse par rapport aux actions humaines, suivant les préceptes des Egyptiens & des Grecs. » pp. 59-69

Le plaisir & la douleur produisent des mouvemens au-dehors ; comme la fureur divine qui est un mouvement surnaturel, est obligée de se faire sentir par des transports extraordinaires, l’ame ne la pouvant recevoir qu’elle ne se répande sur le corps : c’est pour cela que les anciens avoient des airs & des chants convenables aux passions. […] Il faut qu’il paroisse de la contrainte dans un amour naissant, de la hardiesse dans ses progrès, & beaucoup de transport dans ses succès : enfin il faut lui donner toutes les couleurs que les Naturalistes ont remarquées ; que tout parle en lui ; que ses yeux, ses gestes, ses pas, sa mine, ses mouvemens fassent connoître ce qu’il est & ce qu’il sent.

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