Ils exigeaient des recherches fines pour le choix des habits, des idées vives pour l’assortiment des personnages, de l’habileté pour donner aux Danses l’expression convenable, du génie pour l’invention générale, du talent pour la composition des symphonies ; du goût, de l’ordre, de la variété dans les décorations, de l’imagination, de l’adresse dans les machines, et une dépense immense, pour mettre en mouvement une composition si compliquée.
Les vers qui exposent le sujet, les machines qui l’embellissent, les décorations qui établissent le lieu où il s’exécute, n’en sont que des parties accessoires.
[Voir Entrechat] Ce discours ridicule qu’on a tenu constamment en France, depuis la mort de Lully, en l’appliquant successivement à toutes les parties de la vieille machine qu’il a bâtie, et qu’on répétera par habitude ou par malignité, de génération en génération, jusqu’à ce qu’elle se soit entièrement écroulée, n’est qu’un préjugé du petit peuple de l’Opéra, qui s’est glissé dans le monde, et qui s’y maintient depuis plus de soixante ans, parce qu’on le trouve sous sa main, et qu’il dégrade d’autant les talents contemporains qu’on n’est jamais fâché de rabaisser.
Toutes les machines qu’il inventa, étonnèrent par leur ensemble, leur prestesse et leur précision.
Le Théâtre était fort paré, Bien disposé, bien éclairé, Et des Machines l’artifice Y fit dignement son office.
L’invention ou la forme du ballet est la première de ses parties essentielles : les figures sont la seconde : les mouvements la troisième : la Musique qui comprend les chants, les ritournelles, et les symphonies, est la quatrième : la décoration et les machines sont la cinquième : la Poésie est la dernière ; elle n’était chargée que de donner par quelques récits les premières notions de l’action qu’on représentait. […] Toutes ces choses différentes animées par la danse, embellies par les plus éclatantes décorations, soutenues d’un nombre fort considérable de machines surprenantes, formèrent le fonds de ce ballet, un des plus ingénieux et des plus galants qui aient été représentés en Europe. […] Il fallait des décorations en grand nombre, et des machines surprenantes. […] Ce genre, qui a plu dans sa nouveauté, présente un plus grand nombre de ressources pour l’amusement du spectateur, des moyens plus fréquents à la poésie, à la peinture, à la musique, d’étaler leurs richesses ; et au théâtre lyrique, des occasions de faire briller la grande machine, qui en est une des premières beautés : mais il faut attendre la reprise des Fêtes de l’Hymen et de l’Amour, pour décider si ce genre est le véritable. […] Tout ce que la poésie, la musique, la danse, les machines peuvent fournir de plus brillant, fut épuisé dans ce spectacle superbe ; la description qui en parut étonna l’Europe, et piqua l’émulation de quelques hommes à talents, qui profitèrent de ces nouvelles lumières pour donner de nouveaux plaisirs à leur nation.
Il est d’usage de donner vers les trois derniers mois de la saison, une grande pantomime ornée d’une infinité de machines de transformation, et de changement de lieu, Arlequin est le héros de ces farces communément plates et dégoûtantes. […] J’avouerai que j’y ai vu des machines ingénieuses. […] C’est vainement que j’offris vingt cinq guinées pour me procurer cette machine ingénieuse.
Un exercice qui rend le corps plus souple, plus vigoureux, plus léger, porte dans le cœur une confiance fière qui le ranime, et dans l’esprit une vivacité aimable qui l’éclaire ; des agitations mesurées dont la machine est souvent occupée, sont pour elle, comme une huile salutaire qui en adoucit les ressorts.
Lully fut dès lors regardé comme un Compositeur divin, les Chanteurs comme des modèles, les Ballets comme les chefs-d’œuvre de la danse, les Machines comme le dernier effort de la mécanique, les Décorations comme des prodiges de peinture.
Un Théâtre des mieux orné Que mon œil ait jamais lorgné, Roulant sur les fortes échines De plus de cent douze Machines, Lesquelles on ne voyait pas, S’étant avancé de cent pas, On ouït, soudain, l’harmonie D’une Angélique symphonie De douces Voix et d’instruments ; Et durant ces divins moments, On admirait sur des montagnes Diane et ses chastes Compagnes, (Avec des arcs, flèches, ou traits) Ayant d’adorables attraits, Et dont, tout de bon, quelques-unes, Tant blondines, que claires-brunes, Charmaient cent cœurs, en moins de rien, Sans, même, en excepter le mien.
J’oserai dire encore que la surprenante Machine de Marly peut donner une idée & même une espece de preuve du mouvement harmonieux des Planetes ; laquelle auroit été encore plus sensible, si l’Inventeur de cette merveilleuse Machine, avoit pensé d’ajoûter à son mouvement des tuyaux d’orgue, qui auroient pû former un Jeu d’orgue hidraulique, comme on en voit en Italie ; ce qui est encore faisable, si le Roi vouloit rendre ce grand chef-d’œuvre plus digne d’admiration.
Les facultés physiques de l’homme quelles qu’elles soient, ne se développent qu’à l’aide d’un mouvement continuel ; les muscles, les leviers, les charnières qui composent les ressorts de notre machine, demandent à être exercés dans tous les sens, pour ne rien perdre de leur mobilité, de leur jeu, et de leur élasticité. […] Voilà l’homme robuste et vigoureux, l’homme machine et routinier.
La Danse, la Musique instrumentale et vocale, l’art de la décoration, celui des machines, étaient, pour ainsi dire, au berceau ; et le dessein du Poète aurait exigé des exécutants consommés dans tous ces différents genres.
Il en est de même de la décoration et de la machine.
Les passions sont les ressorts qui font jouer la machine : quels que soient les mouvements qui en résultent, ils ne peuvent manquer d’être vrais. […] L’applaudissement part ; les bras & les doigts méritent des éloges, & on accorde à l’homme machine & sans tête, ce que l’on refusera constamment de donner à un Violon François qui réunira au brillant de la main, l’expression, l’esprit, le génie & les graces de son Art. […] La tête conduit rarement les jambes, & comme l’esprit & le génie ne résident pas dans les pieds, on s’égare souvent, l’homme s’éclipse, il n’en reste qu’une machine mal combinée, livrée à la stérile admiration des sots & au juste mépris des connoisseurs.
Le Théâtre et ses ornements, Ses machines, ses changements, La Mer, ses rochers et ses rives, Qui sont de longues perspectives, Donnent un plaisir infini, Grâces au Sieur Bigarany,49 De Modène, et non pas de Rome, Et fort habile et galant Homme.
C’est cette représentation Dramatique, peu régulière, mais remplie cependant de galanterie, d’imagination et de variété, qui a donné dans la suite l’idée des Carrousels, des Opéras, et des grands Ballets à machines.
Qu’ils tremblent, je me propose de consacrer mes veilles au Théâtre fameux des Boulevards ; oui, je vais le gratifier de plusieurs Pantomimes excellentes, sublimes, merveilleuses : j’en jure par le Parnasse, aussi respecté des Poètes que le Styx était redoutable aux Dieux de la Mythologie ; ou plutôt j’en jure par le Repoussoir, machine qui sert à nous élever quand nous saisons nos sauts-périlleux : ce serment-là est terrible dans la bouche d’un grand-Sauteur.
Mais il n’en est par de cette grande machine comme du corps humain ; le pauvre docteur qui connoissoit à merveille l’indiqué, l’indiquant et l’indication, y perdit son Latin.
Car l’on ne saurait bien d’écrire Ces Prodiges que l’on admire, Ces magnifiques Changements Qui se font à tous les moments, Ces vols surprenants, ces Machines Qui passent, presque, pour divines, Ces chœurs de Musique, ces Airs, Et cent autres Charmes divers, Qui font passer ce grand Spectacle, Quoi qu’un simple Essai, pour Miracle.
La Concorde sur une machine élégante et riche, entourée de fleurs et de fruits parut dans les airs, et fit le récit. […] On fit servir à ce spectacle les débris des décorations, des habits, des machines qu’on avait employés l’année précédente à la représentation de la tragédie de Mirame 113 ; ouvrage si peu fait pour réussir, que tout le pouvoir du premier Ministre ne fut pas assez fort pour l’empêcher de tomber ; mais qui, à le considérer philosophiquement, fut cependant le premier fondement de notre Théâtre.