Ce fut, je crois, la dernière fois que la reine parut à l’Opéra. […] C’était le général X…, l’un des aides-de-camp des princes… La reine avait appris ce qui se préparait… Or, une tête humaine était à la veille de tomber, celle du régicide Meunier, condamné à la peine capitale par la Chambre des pairs pour avoir tiré sur Louis-Philippe… Et la pauvre femme, épouvantée à l’idée de voir un simulacre de tête tranchée bondir sur le plancher, envoyait supplier nos gentlemen de renoncer à leur lugubre plaisanterie. […] Esther et Odry parodièrent la cachucha, aux Variétés, dans les Saltimbanques, — tandis que Roger de Beauvoir écrivait les vers enflammés qui suivent sur le socle de la statuette, que Barre venait de modeler, de la danseuse de l’Opéra : Bacchante aux cheveux noirs, courant sur le Méandre Avec tes léopards enivrés de raisin, Haletante d’amour et joyeuse d’entendre Ta cymbale argentine aux échos du ravin ; Catalane fougueuse au flanc nerveux qui ploie Comme, au cirque espagnol, l’adroit toréador ; Toi qui lances l’éclair de ta robe de soie, Arrondissant pour nous tes bras pailletés d’or ; Adorable Manon pour qui, dans les casernes, Ainsi que pour la Reine eût roulé le tambour, Pour qui, durant le bal et sous quatre lanternes, Les marquis se seraient battus jusques au jour ; Inexplicable Sphinx, fille de vingt contrées, C’est toi que Barre a faite en ce plâtre enchanteur, Nous appelant encor de tes lèvres dorées, Car ta danse a la voix et l’âme du chanteur !
J’y ai été fêtée en vraie reine.