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2. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre VI. » pp. 56-71

Tantôt ce sont des drames et des tragédies, dont les sujets pauvres et décharnés sont sans mouvement, et peu propres à faire naître l’illusion, et à nous entraîner à l’admiration. […] Peut-on raisonnablement admettre pour principes d’un art qui doit ne s’annoncer qu’avec l’élégance, la grace, la souplesse et la liberté combinée des mouvemens, des positions fausses, anti-naturelles, et propres à disloquer les pieds. Les cinq autres appellées bonnes sont défectueuses dans leurs proportions ; bien plus propres à rétrécir et à guinder l’éxécution méchanique qu’à l’étendre et à l’embellir. […] Je vais vous raconter une anecdote assez singulière par sa bizarerie, et bien propre à prouver que le charlatanisme artistement prêché enfante des apôtres, des idiots, et des fanatiques. […] Une étude approfondie, soutenue par l’expérience m’a prouvé que ces principes étroits étoient plus propres à opposer une barrière à la danse qu’a étendre ses progrès.

3. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XI. » pp. 107-114

chaque passion a un accent particulier qui lui est propre ; elle a ses couleurs, ses nuances, ses dégradations ; je n’entreprendrai pas d’en faire l’analyse. […] Ne pourroit-on pas regarder ce qui constitue l’intonation parfaite, l’accent propre à l’organisation de la voix ; comme un instrument chargé d’une infinité de cordes, les quelles, pour être justes et sonores, doivent être montées par nos affections et accordées par les sentimens à tous les tons, et à tous les modes propres à exprimer les accens variés des passions. Ces cordes, quoique bien disposées, ne produiront entre elles que des sons faux et dissonants, lorsque l’art seul voudra les faire parler : mais elles obéiront, et rendront au contraire tous les tons propres au langage des passions, lorsqu’elles seront touchées par lâme, et que le coeur en déterminera toutes les vibrations. […] Au physique comme au moral, ou s’adonne plus volontiers aux unes qu’aux autres ; mais dans tous les cas l’exercice augmente l’énergie de l’organe ou de la faculté qu’on employe, ou dont on se sert davantage aux dépens de celle qu’on néglige le plus ; c’est une loi invariable de l’économie animale : Voilà pourquoi les jambes d’un danseur, et les bras d’un maître d’escrime ont tant de prestesse et d’agilité ; voilà pourquoi les mains de certains artistes acquièrent par la répétition des mouvemens une dexterité telle, qu’un homme habile dans un art n’est pas propre à passer subitement à l’exercice d’un autre, sans l’avoir étudié et sans en avoir contracté l’habitude ; voilà encore pourquoi le mathématicien profond qui analyse tout, ne brille point par les produits de son imagination, tandis que le poëte chez le quel elle est dans une activité continuelle, est souvent sujet à des erreurs de jugement.

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