Les peintures animées, les récits pittoresques, le style vivant en quelque sorte, qu’on retrouve dans tous les écrits qui ont conservé et transmis les traditions originelles des peuples, attestent la présence de ce drame, dont l’instinct a été donné à l’homme en même temps que la voix et le geste, en même temps que la parole et le mouvement. […] La danse semblait stationnaire dans ce mouvement général qu’il ne faut pas mépriser aujourd’hui parce que nous l’avons dépassé ; la gavotte avait remplacé le menuet, qui lui-même avait détrôné la chacone, jadis si fort en faveur, que ce fut dans une chacone que débuta le jeune Vestris. […] La Cour, avec ses habitudes exclusives et ses allures exceptionnelles, n’existait plus ; l’embarrassant patronage de la chambre du roi était tombé ; il fallait lancer, en quelque sorte, l’Opéra dans le domaine de tous ; il fallait y amener la foule ; non pas, comme au temps de la première révolution par des éclats politiques qui effraient le plaisir, mais en continuant le progrès musical commencé, en suivant les traditions de mise en scène et de décors que la Muette de Portici avait léguées, en encourageant le perfectionnement que Taglioni et Perrot avaient tout-à-coup révélé dans la danse, en jetant à pleines mains et partout le luxe et la vérité, en intéressant au succès de l’Opéra tout ce qui concourt au mouvement intellectuel de la société, en bannissant de la salle tout ce qui avait pu effaroucher les susceptibilités bourgeoises et industrielles, en appelant incessamment l’attention du public sur l’Opéra, en choisissant pour l’initier à cette splendeur, à cette pompe et à cette harmonie de tous les arts, les jours qui lui permettaient d’y accourir, en stimulant l’émulation des artistes ; en un mot, en faisant de l’Opéra, théâtre, salle et foyer, le centre de toutes les lumières.
Si après ce premier mouvement on regarde les effets qu’elle produit sur l’esprit, il faut tomber d’accord que la Poésie, comme la Peinture, a la propriété d’instruire ; mais celle-ci le fait plus généralement ; elle instruit les ignorans aussi-bien que les doctes ; nous voyons même dans l’Histoire de la Conquête du Méxique, que ces peuples n’ayant pas l’usage de l’écriture, envoyoient des relations en peinture de ce qui se passoit dans le Royaume d’une Province à l’autre, par l’expression de la Peinture dont ils avoient l’usage au défaut de l’écriture ; desorte que sans ce secours il est difficile de bien pénétrer dans le reste des Arts, parce qu’ils ont besoin de figures démonstratives pour être bien entendus. […] La main n’a aucune part à toutes ces choses, qu’autant qu’elle est conduite par la tête : ainsi à proprement parler, il n’y a rien dans la Peinture qui ne soit l’effet d’une profonde spéculation : il n’y a pas jusqu’au maniment du pinceau, dont le mouvement ne contribue à donner aux objets l’esprit & le caractere.