La danse sacrée des Saliens ou des Prêtres de Mars, ne laissa pas de subsister encore long-tems dans le temple de Mars ; j’en parlerai plus au long dans son lieu. […] Mais pour celui qui compose les Balets, il faut, disent les Anciens, qu’il soit d’une profonde imagination, versé dans l’Histoire comme dans la fable, & grand Naturaliste ou bon Physicien, pour caractériser les passions, comme il est rapporté plus au long dans Lucien, au chapitre de la Danse, où les curieux peuvent le voir.
Philostrate nous aprend encore dans son troisiéme Tableau, & Cartari dans son Traité des Images des Dieux, que les Anciens ont regardé Comus, comme la Divinité du bal & des festins, & l’ont représenté dans un Salon superbement illuminé, avec un visage riant, la tête couverte d’un chapeau de fleurs, tenant de la main gauche un flambeau allumé, qu’il laisse pancher nonchalamment pour brûler plus vîte, & paroissant comme enyvré de plaisirs, appuyé sur un épieu qu’il tient de la main droite : on voit encore dans ce Salon, dont le parquet est parsemé de fleurs, une partie des conviez qui festinent autour d’une longue table proprement garnie, d’autres qui dansent un branle, & quantité de spectateurs rangez sous la Tribune, sur laquelle il y a une symphonie nombreuse ; desorte qu’il est aisé de comprendre par ce grand appareil, que les Anciens ont voulu nous faire entendre que les bals & les festins sont des dépenses qui se doivent faire avec autant de profusion que de sumptuosité ; & que ces sortes de divertissemens sont de l’appanage des grands Seigneurs, pour s’attirer la bienveillance des peuples, ou pour faire remarquer leur grandeur & leurs magnificences. […] Comme les Princes & les Princesses du Sang étoient en grand nombre dans ce tems-là, cette premiere cérémonie fut assez longue, pour que le bal fît une pause, pendant laquelle des Suisses précédez des premiers Officiers de la Bouche, apporterent six tables ambulatoires, superbement servies en ambigus, avec des buffets chargez de toutes sortes de rafraîchissemens, qui furent placez dans le milieu du bal, où chacun eut la liberté d’aller manger & boire à discrétion pendant une demi-heure.