Avant de vous nommer, Monsieur, le peuple qui aime le mieux la musique, qui la cultive avec passion, et qui en fait l’agrément de ses loisirs, je me permettrai de vous faire quelques observations relatives à cet art, et particuliérement sur la manière leste et frivole que nous employons communément pour en juger les productions ; jugement bien propre à prouver que le peuple, qui aime le mieux la musique, n’est pas celui qui sait le mieux en apprécier les beautés. […] Les hommes doués d’une organisation parfaite peuvent juger sainement des arts, sans les avoir étudi2s. […] Je voulus consoler Gluck de cette espèce de chûte ; il me répondit avec la gaieté et la franchise de son caractère, qu’il n’en étoit point blessé ; que le jugement des connoisseurs l’avoit amplement dédommagé de celui de la foule ignorante ; il ajouta qu’il falloit encore trente années pour que le bon goût de la musique se propageât à Paris ; que la majorité du public, fréquentoit les spectacles, moins par goût pour les arts que par ton et par désœuvrement ; que cette foule innombrable n’avoit point encore l’organe assez sensible pour juger des charmes de la musique, et qu’en général, elle avoit les oreilles doublées de peaux d’âne. J’ai encore à vous entretenir de la légèreté, avec la quelle nous avons jugé Hayden et Mozart.
Jugez ce que ne feront pas Ses Yeux et ses autres Appas.