J’avois réservé les couleurs tendres & vaporeuses pour les fonds ; la même dégradation étoit observée encore dans les tailles : l’exécution se ressentit de cette heureuse distribution ; tout étoit d’accord, tout étoit tranquille, rien ne se heurtoit, rien ne se détruisoit ; cette harmonie séduisit l’œil, & il embrassoit toutes les parties sans se fatiguer ; mon Ballet eut d’autant plus de succès que dans celui que j’ai intitulé le Ballet Chinois, & que je remis à Lyon2, le mauvais arrangement des couleurs & leur mêlange choquant blessoit les yeux ; toutes les Figures papillotoient & paroissoient confuses, quoique dessinées correctement ; rien enfin ne faisoit l’effet qu’il auroit dû faire. […] L’attention que doit avoir le Maître de Ballets, c’est de placer sur les parties obscures de la décoration les habits les plus clairs & les plus brillants, & de distribuer sur toutes les masses de clair les habits les plus sombres & les moins éclatants ; de ce bon arrangement naîtra l’harmonie ; la décoration servira, si j’ose m’exprimer ainsi, de repoussoir au Ballet ; celui-ci à son tour augmentera le charme de la Peinture, & lui prêtera toutes les forces capables de séduire, d’émouvoir & de faire illusion au Spectateur.
Cette harmonie intime de mouvemens de toute la machine ne peut être le résultat des principes de l’école ; l’élève est, si j’ose m’exprimer ainsi, un bloc que les principes dégrossissent ; ils l’ébauchent, mais le goût seul, je le répète, finit et donne à la figure les contours et la grace qu’elle doit avoir pour être vraiment belle.