Fanny Elssler est grande, bien prise et bien cambrée ; ses jambes sont tournées comme celles de la Diane chasseresse : la force n’y altère en rien la grâce ; la tête, petite comme celle d’une statue antique, s’unit par des lignes nobles et pures à des épaules satinées qui n’ont pas besoin de la poudre de riz pour être blanches ; ses yeux ont une expression de volupté malicieuse extrêmement piquante, à laquelle ajoute encore le sourire un peu ironique de la bouche arquée à ses coins. […] Un incident ne tarde pas à venir interrompre les exercices : il s’agit de deux profanes qui, bravant la consigne, veulent à toute force pénétrer dans le sanctuaire. […] Cléofas n’a que le temps de se cacher derrière un paravent qui se trouve là fort à point.— Florinde accueille l’importun chorégraphe par des reproches assez vifs, car c’est lui surtout qu’elle accuse de l’avoir compromise, en réglant le pas de deux comme il l’a fait ; mais le brave homme se montre si marri, se confond tellement en excuses, que la danseuse n’a pas la force de lui garder rancune, et scelle même le raccommodement par un baiser. […] Mais Paquita, qui les a vus de loin se provoquer, accourt se jeter entre eux, et les force d’ajourner la partie, au grand désespoir de Florinde, qui ne peut empêcher Cléofas de se rendre auprès de Dorotea. — La danseuse et Paquita, restées ensemble, se racontent mutuellement leur histoire. — Elles sont femmes, c’est bien naturel. — Rapprochées par un commun désir de vengeance, elles oublient leur rivalité, et forment contre la veuve une alliance offensive et défensive, à laquelle Asmodée vient généreusement promettre son appui. […] Cléofas a la malheureuse idée, — c’est le diable qui le pousse, — de venir fourrer son nez à la porte du boudoir, juste au moment où Dorotea, moitié de gré, moitié de force, accorde un baiser au chérubin en uniforme, et lui laisse prendre un ruban à son corsage.
Et l’éxemple de Cléomede natif de l’Isle d’Astipalée, aussi célébre chez les Grecs pour la force du corps, que Samson le fut parmi les Hébreux, en faveur duquel l’Oracle de Delphes prononça que le dernier des Héros étoit Cléomede. […] Suétone rapporte dans la vie de Jules-César, qu’étant sur les bords du fleuve Rubicon, incertain s’il le passeroit ou non, attendu que ce passage étoit contraire aux ordres du Sénat, un prodige ou phantôme ressemblant à un homme, fort haut & beau par excellence, s’apparut à lui jouant d’un chalumeau fait de canne ; plusieurs Bergers y accoururent, & des soldats abandonnerent leurs postes pour l’ouir, entre autres les trompettes, à qui ce phantôme en arracha une, & se jetta dans la riviere qu’il passa à la nage, en sonnant l’allarme d’une grande force avec cette trompette ; il parut pendant quelque tems sur l’autre bord de la riviere : alors César dit à son armée, allons où les prodiges des Dieux nous appellent ; cette résolution, dit Suétone, lui procura l’Empire.