Dans notre Art cette confusion d’idées sur le mérite différent de ceux qui le professent se fait remarquer encore plus communément que dans les autres, dans les jugements que chacun porte à sa fantaisie sur les Compositeurs des Ballets et sur les Danseurs. […] Un compositeur copiste est placé au rang de Noverre, et un compositeur sans grâce est comparé à Hilverding. […] Je compare les compositeurs de ce genre de danse aux Faiseurs de Farces, et les Danseurs aux Acteurs de la Comédie, qui jouent des rôles de Caractère. […] Les compositeurs de ces Ballets peuvent être comparés aux Poètes qui font des Comédies, des Eglogues, des Pastorales, et les Danseurs qui les exécutent avec grâce, avec délicatesse, aux Acteurs de l’Opéra et de la Comédie. […] Quant à moi, content de lui avoir donné un essai de ce genre de spectacles, en qualité de compositeur, s’il daigne applaudir à mes recherches, à mes études, aux efforts que je fais pour l’amuser, je ne lui demande pas davantage ; cette gloire me suffit.
Un ballet est un tableau, ou plutôt une suite de tableaux liés entre eux par l’action qui fait le sujet du ballet ; la scène est, pour ainsi dire, la toile sur laquelle le compositeur rend ses idées ; le choix de la musique, la décoration, le costume en sont le coloris ; le compositeur est le peintre. […] Du moins si ces grands compositeurs ne pouvant transmettre à la postérité leurs tableaux fugitifs, nous eussent au moins transmis leurs idées, leurs principes sur leur art. […] L’histoire, la fable, la peinture, tous les arts se réunissent pour tirer leur frère, de l’obscurité, où il est enseveli ; et l’on s’étonne que les compositeurs ayent dédaigné des secours si puissans. […] Je serois tenté de le croire, puisque le plus grand nombre des compositeurs se borne à copier servilement un certain nombre de pas et de figures dont le public est rebattu depuis des siècles ; de sorte que les ballets de Phaéton, ou de tout autre opéra, remis par un compositeur moderne, diffèrent si peu de ceux qui avoient été faits dans la nouveauté, que l’on s’imagineroit que ce sont toujours les mêmes. […] Voilà, dis-je, une scène, qui doit offrir un beau désordre, et où l’art du compositeur ne doit se montrer que pour embellir la nature.