[3] Un bon danseur doit tout entreprendre, pour corriger, ou pour cacher les défauts de sa construction ; c’est un des talents que doit posséder celui qui veut mériter d’être rangé parmi les artistes. […] Ne les faites point mouvoir par secousses, ni par saccades, ce serait un grand défaut qui dégraderait l’artiste le plus parfait dans l’exercice de ses jambes. […] Aussi l’avons-nous vue toujours être elle-même un objet de controverse parmi les artistes. […] Ces faibles artistes se trompent ; ils seront justement appréciés, et ne serviront qu’à grossir la foule des danseurs imparfaits.
Les danses de Tréfilova portent l’empreinte de ce que les mondains appellent la distinction et qui est, pour l’esthéticien, la perfection : conformité absolue et naturelle de la forme plastique à la vie intérieure de l’artiste. […] Tout, en cette femme menue et qu’on croirait frêle, de la petite tête si royalement posée sur un cou svelte jusqu’aux pointes brèves et carrées, est sculpté par un merveilleux artiste : la danse classique. Artiste qui ne se contente pas de couler la matière humaine dans un moule unique, mais qui cisèle son œuvre, en élague tout le superflu, lime toutes les aspérités de sorte que tout, dans la statue vivante, n’exprime que cette unique fonction : l’esprit de la danse. […] Et pourtant j’ai encore bien des choses à dire sur la grande artiste, deux fois compatriote, qui incarne le génie de ma ville natale, Saint-Pétersbourg aux parapets de granit et aux îles verdoyantes, comme elle incarne celui de la danse russe classique.