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9. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre IX. » pp. 88-96

Si les ouvrages de Denis d’Halicarnasse, de Rufus, et autres écrivains de l’antiquité n’avoient point été ensevelis sous les ruines de Rome, nous serions mieux instruits, et nous pourrions parcourir les routes tortueuses d’un dédale tracé depuis, par des mains inéxpérimentées, sans courrir les risques de nous égarer. […] Juvenal en parlant d’un écuyer tranchant fort éxpert, dit « qu’il découpoit les viandes en dansant. » On peut découper les viandes en gesticulant, et en mettant de la dextérité et de la bonne grace ; mais en dansant cela me paroit absurde ; cet auteur ajoute qu’il y a du mérite à découper un lièvre ou une poularde, avec un geste varié et adapté à chaque opération ; il y avoit à Rome, dit-il, des écoles particulières pour cette espèce de saltation. […] Ce langage muet étoit universellement entendu à Rome. […] Il faut convenir que les auteurs anciens n’ont jamais parlé des jambes de leurs pantomimes, ni de leurs élans, ni du brillant de leurs pieds ; ce qui prouve que la danse proprement dite n’éxstoit ni à Athènes, ni à Rome. […] Rome, à cette époque avoit perdu ses grands acteurs, et n’avoit plus de spectacle ; cette disette ne contribua pas peu au succès des mimes ; la nouveauté est toujours comme lorsqu’elle se montre avec quelques attraits ; mais je ne puis croire à la perfection de ces acteurs pantomimes et je vais vous le démontrer par des raisons suffisantes.

10. (1724) Histoire générale de la danse sacrée et profane [graphies originales] « Histoire generale de la danse sacrée et prophane : son origine, ses progrès & ses révolutions. — Chapitre VII. Des Spectacles des Danseurs de corde, & de l’Art Gymnastique, & des sauts périlleux. » pp. 161-182

C’est pourquoi ils font payer les places à présent sur le même pied qu’à la Comédie ; ce qui me fait souvenir de rapporter ce qui arriva un jour à Térence dans Rome, au sujet des Danseurs de corde. Il fait mention dans le Prologue de la Comédie intitulée D’heigra, qu’étant prêt de faire jouer cette piéce sur le Théâtre de Rome, l’an 586 de sa Fondation, partie des places étant même déja remplies, il se répandit un bruit dans le Parterre, que des Danseurs de corde, accompagnez d’une troupe d’Athlétes & de Gymnastes pour les sauts périlleux, avoient dressé leur Théâtre dans une Place publique, & qu’ils alloient commencer leurs Jeux pour la premiere fois ; aussitôt les spectateurs qui étoient venus pour voir la premiere représentation de sa Comédie, sortirent file à file, sans même redemander leur argent, & préférerent, au grand regret de Térence, la nouveauté du spectacle des Danseurs de corde, à celui de sa Piéce. […] Tuccaro, comme je l’ai déja dit, attribue la corruption de la danse Théâtrale aux Danseurs de corde, qui joignirent à leur troupe des danseurs, des bouffons & des farceurs, pour représenter sur leur Théâtre des danses qui tendoient à la corruption des mœurs, & surtout par des danses aussi impudiques qu’indécentes, qui furent si fort au goût de la jeunesse Romaine, que les Maîtres de Danses établirent dans Rome pour leur plaire, les danses Nuptiales pour la célébration des noces, qui étoient très-licentieuses, & dont les mouvemens exprimoient les devoirs maritals ; ce qui dura jusqu’au régne de Tibere, qui pour en réformer les abus, fit bannir de Rome par un Arrest du Sénat, la troupe des Danseurs de corde, & tous les Maîtres de Danses qui étoient établis dans Rome depuis un fort long-tems pour l’éducation de la jeunesse ; desorte que la danse y fut interdite jusqu’au régne de Caligula qui succéda à l’Empire. […] Alors Caligula leur dit : Vous avez vû & entendu, Messieurs les Sénateurs, le sujet qui vous a fait mander ici, & dont je suis persuadé que vous êtes contens ; j’ai encore à vous dire que vous avez eu trop de complaisance pour Tibere, en bannissant de Rome des gens dont la Profession étoit aussi utile à la jeunesse, que convenable au divertissement de la grandeur Romaine. Le Sénat lui répondit qu’il ne l’avoit fait que par rapport aux danses licentieuses & indécentes, qui tendoient à la corruption des mœurs, & qu’ils espéroient qu’il n’en souffriroit plus l’usage, auquel cas ils consentoient volontiers le rétablissement des Maîtres de Danses : ce qui fut confirmé par un Arrest du Sénat, qui fit refleurir la Danse dans Rome plus que jamais.

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