J’ai dit, Monsieur, que la Danse étoit trop composée & le mouvement symmétrique des bras trop uniforme, pour que les Tableaux pussent avoir de la variété, de l’expression & du naturel ; il faudroit donc si nous voulons rapprocher notre Art de la vérité, donner moins d’attention aux jambes, & plus de soin aux bras ; abandonner les cabrioles pour l’intérêt des gestes ; faire moins de pas difficiles, & jouer davantage de la physionomie ; ne pas mettre tant de force dans l’exécution, mais y mêler plus d’esprit ; s’écarter avec grace des regles étroites de l’Ecole, pour suivre les impressions de la nature & donner à la Danse l’ame & l’action qu’elle doit avoir pour intéresser. […] Rien n’est si difficile à ménager que ce que l’on appelle bonne grace ; c’est au goût à l’employer & c’est un défaut que de courir après elle, & d’en répandre également par-tout. […] Ce ne seroit pas m’entendre que de penser que je cherche à abolir les mouvements ordinaires des bras, tous les pas difficiles & brillants, & toutes les positions élégantes de la Danse ; je demande plus de varieté & d’expression dans les bras ; je voudrois les voir parler avec plus d’énergie ; ils peignent le sentiment & la volupté, mais ce n’est pas assez, il faut encore qu’ils peignent la fureur, la jalousie, le dépit, l’inconstance, la douleur, la vengeance, l’ironie, toutes les passions innées enfin dans l’homme, & que d’accord avec les yeux, la physionomie & les pas, ils me fassent entendre le cri de la nature. […] Ce mêlange innombrable de pas enchaînés plus ou moins mal, cette exécution difficile, ces mouvements compliqués, ôtent, pour ainsi dire, la parole à la Danse.
On marche dans les sentiers difficiles qui conduisent au Temple de mémoire à côté des Montesquieu, lorsqu’on peint comme Vanlo.
Comme il est parlé dans plusieurs pas de ces Jettez, sans que j’en aye donné aucune instruction particuliere, je vais l’expliquer dans ce Chapitre, en suivant l’ordre des pas, qui est d’aller des plus faciles aux plus difficiles.
D’ailleurs rien de plus difficile que l’exécution de ces danses de « promenade » et de maintien.
Se non si adopera il Dégagé, dovrebbesi star fermo ed aspettare, per rientrare in cadenza; ma più difficile assai riesce questo star fermo per entrar poi in battuta, che usandosi il Dégagé per riempimento.
Il est dis-je, si difficile de rencontrer parmi nous des Batyles, et des Pylades, que je ne saurois me dispenser de condamner tous ceux qui, par l’idée qu’ils ont d’eux-mêmes, prêtendent à se faire imiter. […] Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre, qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, et qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au spectateur, qui le transporte, en un instant, dans le lieu, où la scène a dû se passer ; qui met son âme dans la même situation, où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle, dont l’art ne lui présente que l’imitation.
Il est, dis-je, si difficile de rencontrer parmi nous des Batyle & des Pilade1, que je ne saurois me dispenser de condamner tous ceux qui par l’enthousiasme qu’ils ont d’eux-mêmes, cherchent à se faire imiter. […] Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la Peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, & qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au Spectateur, qui le transporte en un instant, dans le lieu où la Scene a dû se passer ; qui met son ame dans la même situation où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle dont l’Art ne lui présente que l’imitation.
Paul Franck, directeur de l’Olympia, pour avoir bien mérité de la danse ; chargé d’un commandement difficile, il n’a cessé de faire preuve de courage et d’un esprit d’initiative peu commun.
On s’embarque, plein de cette erreur, sur cette mer, qu’on juge aussi tranquille que celles qu’on voit peintes à ce théâtre : on y vogue avec une réputation déjà commencée ou établie par d’autres ouvrages décidés d’un genre plus difficile : mais à peine a-t-on quitté la rive, que les vents grondent, la mer s’agite, le vaisseau se brise ou échoue, et le pilote lui-même perd la tête et se noie. […] Comment se persuader qu’un genre pour lequel en général on ne s’est pas accoutumé encore à avoir de l’estime, est pourtant un genre difficile ? […] On peut dire d’une entrée de ballet, ce qu’on a dit souvent du sonnet : la plus légère tache défigure cette espèce d’ouvrage, bien plus difficile encore que le sonnet même, qui n’est qu’un simple récit ; le ballet doit être tout entier en action. […] Ce nom qu’on donne encore aux diverses parties de ces sortes d’ouvrages, doit faire connaître aux commençants et quelle est l’origine de ce genre difficile, et quelle doit être leur coupe pour qu’ils soient agréables au public ; c’est surtout cette mécanique très peu connue qui paraît fort aisée, et qui fourmille de difficultés qu’il faut qu’ils étudient.
Elle fut dès lors un spectacle brillant et régulier, composé de routes les parties difficiles, dont la liaison forme au théâtre ce bel Ensemble, qui est un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain.
J’ai dit que les principaux personnages d’un ballet ne devoient pas faire oublier les subalternes ; je pense même, qu’il est moins difficile de faire jouer des rôles transcendans à Hercule et Omphale, à Ariane et Bacchus, à Ajax et Ulisse, etc. qu’à vingt quatre personnes qui seront de leur suite. […] Je crois décidement, Monsieur, qu’il n’est pas moins difficile à un peintre et à un maître de ballets de faire un poème ou un drame en peinture et en danse, qu’il ne l’est à un poète d’en composer un ; car, si le génie manque, on n’arrive à rien ; ce n’est point avec les jambes que l’on peut peindre ; tant que la tête des danseurs ne conduira pas leurs pieds, ils s’égareront toujours, et leur exécution sera machinale : et qu’est-ce que l’art de la danse quand il se borne à tracer quelques pas avec une froide régularité.
Avec de l’imagination, de l’étude et du discernement, on peut se flatter de le porter bientôt à son plus haut point de gloire ; mais c’est surtout dans les Opéras de Quinault qu’il aurait pu atteindre rapidement à la plus éminente perfection, parce que ce Poète n’en a point fait dans lequel il n’ait tracé, avec le crayon du génie, des actions de Danse les plus nobles, les mieux liées au sujet, les moins difficiles à rendre.
Dans la « coda » du pas de deux, elle introduit une série de 32 fouettés (la plus difficile et la plus belle des pirouettes), tirée du Lac des Cygnes, et dont l’histoire vaut d’être un jour contée.
Ce pas est très-singulier dans sa maniere de le faire, & je croy qu’il ne tient son nom que de sa seule construction, au lieu qu’aux autres la plus grande partie sont composez des autres pas ; mais celui-ci est different de son premier pas, il faut d’abord s’élever sur la pointe du pied & plier après le pas, ce que l’on va voir par cette description : par exemple, vous voulez faire un pas tombé du pied droit ; ayant le corps posé sur le pied gauche, & les jambes écartées à la deuxiéme position, en vous élevant sur le pied gauche, la jambe droite suit ; parce que le corps se penchant sur le côté gauche, il attire la jambe droite qui le tire derriere, jusqu’à la cinquiéme position, en se posant entierement à terre & son genou se plie, ce qui fait lever le pied gauche, mais le genou droit s’étendant vous oblige à vous laisser tomber sur le pied gauche à la deuxiéme position, ce qui est un demi jetté, qui se fait en sautant à demi, ce pas n’est pas d’une difficile execution, lorsque l’on sçait prendre ses mouvemens à propos, c’est par la force du coup de pied & la pente du corps qui attire les jambes & les genoux se plient comme si les forces manquoient, ce qui oblige le talon du pied droit que vous tirez derriere de se poser à terre & son genou se pliant par le poids du corps qui se pose dessus, en se relevant cela fait comme un ressort qui étant pressé cherche à s’étendre, ainsi le genou en s’étendant rejette le corps sur le pied gauche, ce qui termine l’étenduë de ce pas.
J’ai vû plusieurs personnes les prendre de la premiere position, ils font aussi un fort bon effet, ils m’ont paru plus difficiles, d’autant que lorsque le corps se pose sur un pied, la jambe de derriere suit, & s’approche de l’autre à la premiere position, & de là vous pliez & vous vous élevez du même tems sans passer le pied, que lorsque les jambes sont bien étenduës, vous posez le talon du pied sur lequel vous vous estes élevé, & son genou se détend à mesure que vous glissez le pied qui étoit en l’air jusqu’à la quatriéme position, qui est l’étenduë ou proportion rde votre pas ; mais comme vous passez le pied à plein, & que le talon porte à terre, le corps se pose facilement sur ce pied, & vous vous élevez sur sa pointe, & de suite laissez appuyer le pied ce qui termine ce pas, on en fait aussi en allant de côté : alors on le commence dans une position differente ; parce que ordinairement il se fait après un pas de Bourée dessus & dessous, qui finit son dernier pas à la troisiéme position.
Les maîtres s’envoyoient réciproquement de petites contredanses et des morceaux brillants et difficiles, tels que le Menuet d’Anjou, la Bretagne, la Mariée, le Passepied ; sans compter encore les folies d’Espagne, la Pavonne, la Courrante, la bourrée d’Achille, et l’Allemande. […] Mais aujourd’hui les pas sont compliqués, ils sont doublés et triplés ; leur mélange est immense : il est donc très difficile de les mettre par écrit, et encore plus difficile de les déchiffrer, cet art au reste est très imparfait ; il n’indique exactement que l’action des pieds ; et s’il nous désigne les mouvemens des bras, il n’ordonne ni les positions ni les contours qu’ils doivent avoir ; il ne nous montre encore ni les attitudes du corps, ni ses effacemens ni les oppositions de la tête, ni les situations différentes, nobles et aisées, nécessaires dans cette partie ; et je le regarde comme un art inutile, puisqu’il ne peut rien pour la perfection du nôtre.
Ed avvegnaché paia che il saper per via d’esempi sia molto più agevole dello intender per via di regole, perché veramente è assai più difficile d’imprendere le regole della musica, che il mandarsi in memoria, udendola più volte, un’aria nel Teatro (il qual esempio serva per tutti gli altri, che di ogni scienza e di ogni arte si possono in mezzo produrre).
Rameau créa un nouveau genre ; son génie triompha des vieilles rubriques ; ses riches compositions étoient alors d’une exécution difficile : en effet le Trio des parques de l’opéra, d’Hypolite et d’Aricie ne put être exécuté qu’après six semaines de répétitions : cependant-il étoit confié aux seconds chanteurs de l’opéra, en 1773 Rameau donna son opéra des Indes galantes, ouvrage rempli tout à la fois de science, de goût et d imagination ; le tremblement de terre fait pour le second acte de cet ouvrage , ne put jamais être exécuté par l’orchestre de l’opéra ; cependant des musiciens habiles et de bonne volonté jouèrent ce morceau à la seconde lecture avec infiniment d’ensemble et de précision ; et l’effet qu’il produisit, entraina les auditeurs au sentiment de l’admiration.
D’autres hommes, et ils sont rares, étudient les arts sans les exercer ; mais en examinant la route qu’ils ont à parcourir, les difficultés qu’ils ont à vaincre et les nombreux obstacles qu’ils ont à surmonter, avant de pouvoir atteindre ce but commun à tous les arts, l’imitation de la nature ; ces hommes, dis-je, sont des juges intègres ; ils prononcent sans partialité, et sont d’autant plus indulgens qu’ils n’ont point oublié, que la critique est aisée, mais que l’art est difficile.