Ils s’y reproduisirent, s’y formèrent, et s’y établirent ; mais l’Art de la Danse fut peut-être celui qui y fut porté à un plus haut degré. […] Ils se séparèrent, et l’Art y gagna. […] Les efforts, le zèle, le talent furent secondés par les récompenses : l’Art s’accrut, et les Romains en jouirent52. […] Ses discours firent du bruit, frappèrent la multitude, et furent sur le point de nuire à l’Art. […] Tous les trésors de la mémoire, de l’esprit et de l’Art, suffisaient à peine à la multitude des compositions nouvelles qu’exigeait d’eux le goût éclairé des Romains.
La peinture et la Danse ont cet avantage sur les autres arts, qu’ils sont de tous les pays, de toutes les nations ; que leur langage est universellement entendu, et qu’ils font par-tout une égale sensation. […] Qu’il paraisse ce restaurateur de la vraie danse, ce réformateur du faux goût, et des habitudes vicieuses qui ont appauvri l’art ; mais qu’il paroisse dans la capitale. […] vous voulez composer d’après l’histoire, et vous l’ignorez ; d’après les poètes, et vous ne les connoissez pas : appliquez-vous à les étudier ; que vos ballets soient des poèmes ; apprenez l’art d’en faire un beau choix. […] Portez l’amour de votre art jusqu’à l’enthousiasme. […] renoncez au théatre ; abandonnez un art, qui n’est pas fait pour vous.
J’ose dire sans amour-propre, que j’ai ressuscité l’art de la pantomime ; il étoit enseveli sous les ruines de l’antiquité ; il ne se montra ni sous le règne de Médicis, ni sous celui de Louis quatorze. […] Comment est-il possible d’exceller dans un art dont on ignore les premiers principes ? Cet art enfant du goût et de l’imagination, peut-il être exercé par ceux qui en manquent ? ce qu’ils savent le moins bien est ce qu’ils devroient savoir le mieux ; tous ces mauvais copistes gâtent et entachent les plus aimables productions ; ils sont à l’art ce que les chenilles sont aux fleurs ; ils les dégradent, et leur font perdre tout à la fois leur forme, leur fraîcheur et leur éclat. […] Je termine, Monsieur, et après vous avoir entretenu du métier ; je vous parlerai de l’art, c’est à dire de l’expression et de cette pantomime animée qui est l’esprit et l’âme de la danse.
Je trouve, dans ses compositions, l’indication évidente de deux objets qu’il a cru que la Danse devait y remplir ; et ces objets sont tels, que la connaissance de l’art et celle de la nature a pu seule les lui suggérer. Dans les premiers temps, avant la naissance même des autres arts, la Danse fut une vive expression de joie. […] Qui a su mieux que Quinault, ces lois fondamentales de l’Art dramatique ? […] Il n’est donc point de Danse qui ne puisse être admise au Théâtre ; mais elle n’y saurait produire un agrément réel, qu’autant qu’on aura l’habileté de lui donner le caractère d’imitation qui lui est commun avec tous les beaux Arts, celui d’expression qui lui est particulier dans l’institution primitive, et celui de représentation qui constitue seul l’Art dramatique. […] En suivant, au surplus, cette règle avec scrupule, on a la clé de l’Art.
Dans ces tems d’une rustique simplicité, quelques bonds irréguliers exprimaient sans art, mais non pas toujours sans grâce, une joie franche et vive. Ensuite les règles s’établirent au son des instrumens et de la voix ; le corps s’agita en cadence ; les bras s’ouvrirent ou se fermèrent ; les pieds formèrent des pas lents ou rapides ; les traits du visage participèrent à ces mouvemens divers ; et la danse devint un art universel et estimé. […] Trop heureux si je puis à la fois, offrir à la science des maîtres une méthode lumineuse et sûre, prémunir l’inexpérience des élèves contre les écarts du faux goût, et perfectionner un art qui a fait l’occupation et le charme de ma vie tout entière. […] Ce changement, produit par des passions diverses, porta un coup terrible à notre art en lui enlevant ses plus agréables attributs, l’élégance dans les manières et l’amabilité dans l’expression de la physionomie. On ne vit plus que cette partie matérielle qui défigurait un art plein de grâces et de charmes : on se tourna alors vers la danse de théâtre, et l’on s’en occupa entièrement, comme du seul moyen nécessaire pour briller en société.
Outre les éléments de son Art, il faut au Danseur, comme à l’Écrivain, un style dont ils sont la matière première ; et ce style est plus ou moins estimable, selon qu’il rend, qu’il exprime, qu’il peint avec élégance, une plus grande quantité de choses estimables, agréables, utiles. […] L’Art de la Danse simple, lui dirais-je, a été poussé de nos jours aussi loin qu’il soit possible de le porter. […] [Voir Entrechat] Il semble que ces trois sujets aient épuisé ces sortes de ressources de l’Art ; mais, par bonheur, la Danse en action vous reste. […] Connaissez votre siècle : il aime les Arts.
Que l’art est cependant loin encore de cette perfection! […] Le débit sans nuances est pire que la lenteur qu’on aurait l’art de nuancer. […] Par cette conduite nous verrons infailliblement l’art s’accroître, et nos plaisirs devenir plus piquants. […] D’autres l’ajoutent à leur voix naturelle, et c’est une misérable imitation de ce que l’art a la cruauté de pratiquer en Italie. […] Telle fut la célèbre Pélissier, qui dans le tragique surtout employait toutes les ressources de l’art pour rendre ce défaut moins désagréable.
Tous les beaux arts s’empressent à lui prêter leurs secours et leurs charmes ; il est celui des sens, et sa composition fait le plus grand honneur au génie et à l’imagination brillante des François. […] j’ai si constament vu le contraire, que je me persuade qu’il n’y à qu’un Prince ami des arts et protecteur des talens ; ou le théatre des arts, (qui puisse offrir ce grand et vaste cadre qui réuniroit à la fois tous les genres de beautés. […] La convenance est aux arts imitateurs ce que l’honnêteté et la bienséance sont à la société : que l’on brise ces liens ; tout est dissous. […] Dans la peinture, les objets une fois placés n’ont que le mouvement de l’instant que le peintre a choisi ; le nû qui favorise cet art et qui est étudié partiellement, dans ce que la nature présente de plus parlait, ne peut être adopté pour le théâtre, toutes les draperies de peintre enchaînent et lient les objets ; mais les draperies jettées avec art, groupées avec intelligence n’ont qu’un mouvement instantané. […] Dailleurs, la danse étant l’art des mouvemens doit être débarrassée de toutes les entraves qui s’opposeraient à son exécution.
Ce fut le 17 Février 1673, que ce beau génie fut enlevé aux arts et à sa patrie. […] Tous les arts qui embellissoient le règne brillant de ce Monarque, y déployèrent à l’envi leurs trésors et leur magnificence. […] L’opéra y fixa son domicile en 1794 et il y déployé encore aujourd’hui tout ce que les arts réunis peuvent produire d’intéressant et de merveilleux. Pendant l’intervalle de tous ces incendies, les arts se perfectionnoient ; c’est au milieu des flammes, des ruines et des décombres que le génie s’éleva, et que des hommes célébrés enfantèrent des ouvrages faits pour immortaliser ce spectacle magnifique et pompeux. […] Je vous parlerai bientôt des progrès successifs de cet art qui fut porté au dernier degré de perfection il y a vingt cinq ans, et dont les taches légères n’empêchent pas qu’il ne soit aujourd’hui le plus fêté et le plus aimable.
À Rome, elle devint partie de l’Art dramatique, et marcha alors d’un pas égal avec la Poésie, l’Éloquence et la Musique. […] On y voit partout l’imagination et le goût marquer la place des Arts qu’il y a réunis, et faire toujours naître du fond du sujet chacun de leurs emplois différents. […] Je vois cependant à la représentation tous ces mêmes Arts oisifs dans ce moment. […] Peut-être est-ce le fond le plus riche que la Danse théâtrale, aidée du secours des machines, ait jamais eu, pour déployer tous les plus beaux ressorts de l’Art. […] Instruite par son art de l’état du camp de Godefroy, jouissant des transports de Renaud, elle n’a que sa fuite à craindre ; et cette fuite, elle ne peut la redouter, qu’autant qu’il serait possible de détruire l’enchantement dans lequel son art et sa beauté ont plongé son heureux Amant.
La Danseuse Je n’ai pas besoin de danser une théorie d’art pour la faire admettre par un public d’artistes. […] Vous voulez que tout, en art, ait une signification littéraire. […] Ingres réalisait en 1840 une formule d’art qui était morte ailleurs et qui ne vivait plus que par lui seul. […] En art, il y a une mode à considérer, il n’y a pas de mode à suivre. […] Moi Je le sens… Et comme elle n’en est plus émue, elle nous éloigne de l’art qu’elle-même abandonne.
Réunissons le génie du Poëte & le génie du Peintre, puisque notre Art n’emprunte ses charmes que de l’imitation parfaite des objets. […] Il est essentiel de discerner la place que chaque partie doit occuper : l’homme enfin doit se trouver sous la draperie ; l’écorché sous la peau ; & le squélette sous les chairs, pour que la Figure soit dessinée dans la vérité de la nature, & dans les proportions raisonnées de l’Art. […] Il ne peut se distinguer dans son Art, qu’autant qu’il s’appliquera à l’étude de ceux dont je viens de parler : exiger qu’il les posséde tous dans un degré de supériorité, qui n’est réservé qu’à ceux qui se livrent particuliérement à chacun d’eux, ce seroit demander l’impossible. […] Tous les Arts se tiennent par la main, & sont l’image d’une famille nombreuse qui cherche à s’illustrer. […] De ce rapport des Arts, de cette harmonie qui regne entr’eux, il faut conclure, Monsieur, que le Maître de Ballets, dont les connoissances seront le plus étendues, & qui aura le plus de génie & d’imagination, sera celui qui mettra le plus de feu, de vérité, d’esprit & d’intérêt dans ses compositions.
Il l’engagea à venir à Rome, après en avoir parlé à Mécène, qui aimait les Arts. […] Son imagination féconde lui suggérait chaque jour quelque nouveau moyen de perfectionner l’Art et d’embellir le Spectacle. […] Ils devaient en être jaloux : elle honorait l’Art, et pouvait être pour eux une leçon continuelle de l’objet qu’ils avaient à remplir. […] Ils en avaient le fond ; mais l’Art de l’employer leur fut inconnu. […] Quel dommage, que l’Art de la Danse nous manque !
Rien n’est plus ordinaire que de voir les gens à talents déclarer hautement qu’une pratique qu’on veut établir pour l’avantage de l’art, est impossible, par la seule raison que le travail et l’effort ne leur ont pas encore procuré la facilité de la suivre. […] Si un Danseur n’avait pas cet air leste, cette légèreté qui est la première grâce de l’art, au premier entrechat qu’il hasardait, on s’écriait avec un ris amer : Étayez le théâtre. […] Et comment en effet, sous les yeux d’Horace, aurait-on osé trouver bon ce qui aurait été sans art et de mauvais goût ? […] Il a cru jusqu’ici l’avoir portée à la perfection possible ; parce que, d’un côté il n’a point vu le mieux, et que de l’autre il est naturel de croire que ce qui plaît actuellement est le point suprême de l’art, dont le but unique est de plaire. […] Sous Louis XIV l’art n’était point connu, et ne pouvait pas l’être.
Il n’y a point d’Histoire touchant les Sciences & les Arts, qui ne renferme quelques instructions avantageuses pour la société civile. C’est dans cet esprit que je traite de celle de la Danse, dont nous n’avons eu jusqu’à présent qu’une connoissance très-confuse : ce qui fait qu’on ne la regarde plus aujourd’hui que comme un art simplement utile au divertissement public ; & même, suivant l’opinion de l’Eglise, comme un art contraire aux bonnes mœurs. […] Ce n’est pas la faute des Inventeurs de l’art de la Danse, si par succession de tems son usage a été corrompu par les attraits du luxe & par la corruption des mœurs ; ce qui fait que l’Eglise l’a regardée depuis comme un art plus digne de la molesse des femmes que du courage des hommes. […] Il y avoit une autre danse attribuée à Venus, où il paroît qu’elle disoit, Avancez le pied, mes enfans, & trépignez à qui mieux mieux ; comme si Venus eût voulu donner à la jeunesse des preceptes de ce bel Art. […] La suite nous fera voir que les Auteurs qui ont parlé de l’art de la Danse, n’ont point porté leur imagination au-delà de l’étendue de son excellence, à la considerer dans toutes ses parties ; ce qui paroîtra fort opposé à l’opinion du vulgaire.
Obstacles au Progrès de la Danse Les gens à talents forment, dans les Arts, des espèces de Républiques différentes entre elles par des usages particuliers, et toutes ressemblantes par un fanatisme d’indépendance, que des caprices successifs entretiennent, et que la raison n’est guères capable de refroidir. […] Ils suivent des pratiques que l’insuffisance a adoptées, et qu’ils imaginent la perfection de l’Art. […] Mais, pour sentir tout le danger des abus funestes à l’Art qui se sont glissés parmi nos Danseurs du Théâtre ; pour leur faire connaître à eux-mêmes, la nécessité qu’il y a de les réformer, pour engager peut-être le Public à les y contraindre, je pense qu’il est nécessaire de les développer sans ménagement. C’est le plaisir de la multitude, c’est la gloire d’un Art agréable, c’est l’honneur d’un Spectacle national, que je sollicite. […] S’il y a huit Danseurs ou Danseuses à l’Opéra, qui soient en droit d’avoir chacun deux entrées particulières ; il faut (si l’on veut remplir les lois primitives de l’Art) imaginer seize actions séparées qui se lient ou se rapportent à l’action principale, et supposer encore, que ces huit sujets se prêteront à les exécuter.