L’abus des meilleures choses est toujours nuisible ; je ne désaprouve que l’usage trop fréquent & trop répété de ces sortes de figures : usage dont mes confreres sentiront le vice, lorsqu’ils s’attacheront à copier fidelement la nature, & à peindre sur la Scene les différentes passions, avec les nuances & le coloris que chacune d’elles exige en particulier. […] Les passions étant les mêmes chez tous les hommes, elles ne différent qu’à proportion de leurs sensations ; elles s’impriment & s’exercent avec plus ou moins de force sur les uns que sur les autres, & se manifestent au dehors avec plus ou moins de véhémence & d’impétuosité.
Mais lorsque l’âme agit, surtout au printemps de l’âge, que de passions contraires l’embarrassent, que d’ennemis domestiques l’assiègent !
L’abus des meilleures choses est toujours nuisible ; je ne désapprouve que l’usage trop fréquent et trop répété de ces sortes de figures ; usage dont mes confrères sentiront le vice, lorsqu’ils s’attacheront à copier fidèlement la nature, et à peindre sur la scène les différentes passions, avec les nuances et le coloris que chacune d’elles exige en particulier. […] Les passions étant les mêmes chez tous les hommes, elles ne diffèrent qu’à proportion de leur sensibilité ; elles agissent avec plus ou moins de force sur les uns que sur les autres, et se manifestent au dehors avec plus ou moins de véhémence et d’impétuosité.
S’ils sentent foiblement, ils exprimeront de même ; leurs gestes seront froids, leur physionomie sans caractère, leurs attitudes sans passions. […] Le ballet bien composé est une peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies et du costume de tous les peuples de la terre : conséquemment il doit être pantomime dans tous les genres, et parler à l’âme par les yeux ; est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n’offre plus alors qu’un spectacle froid et monotone.
S’ils sentent foiblement, ils exprimeront de même, leurs gestes seront froids, leur phisionomie sans caractere, leurs attitudes sans passion. […] Le Ballet bien composé est une Peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies, & du costume de tous les Peuples de la terre ; conséquemment, il doit être Pantomime dans tous les genres, & parler à l’ame par les yeux.
Que n’eût-il pas fait, si l’usage de se consulter mutuellement eût règné à l’opéra, si le poète et le maître de ballets lui avoient communiqué leurs idées, si l’on avoit eu soin de lui esquisser l’action de la danse, les passions qu’elle doit peindre successivement dans un sujet raisonné, et les tableaux quelle doit rendre dans telle ou telle situation ! […] Sans être musicien, un poéte ne peut-il pas sentir si tel trait de musique rend sa pensée ; si tel autre n’affoiblit pas l’expression ; si celui-ci prête de la force à la passion et donne des grâces et de l’énergie au sentiment ? […] elle frémit du danger de perdre ce qu’elle aime : tout annonce sa frayeur, tout caractérise sa passion. […] Ce plan peut paraitre mauvais à la lecture, mais il fera le plus grand effet sur la scène ; il n’offre pas un instant que le peintre ne puisse saisir ; les situations et les tableaux multipliés qu’il présente ont un coloris, une action et un intérêt toujours nouveau ; l’entrée seule de Tircis et celle d’Aristée sont pleines de passions ; elles peignent, elles expriment, elles sont de vrais monologues. […] Vous concevez, Monsieur, que pour peindre un action où les passions sont variées, et où les transitions de ces mêmes passions sont aussi subites que dans le programme que je viens de vous tracer, il faut de toute nécessité que la musique abandonne les mouvemens et les modulations pauvres qu’elle emploie dans les airs destinés à la danse.
Que n’eut-il pas fait si l’usage de se consulter mutuellement eût régné à l’Opéra, si le Poëte & le Maître de Ballets lui avoient communiqué leurs idées, si on avoit eu le soin de lui esquisser l’action de la Danse, les passions qu’elle doit peindre successivement dans un sujet raisonné, & les Tableaux qu’elle doit rendre dans telle ou telle situation ! […] Sans être Musicien, un Poëte ne peut-il pas sentir si tel trait de Musique rend sa pensée, si tel autre n’affoiblit pas l’expression ; si celui-ci prête de la force à la passion, & donne des graces & de l’énergie au sentiment ? […] Elle frémit du danger de perdre ce qu’elle aime : tout annonce sa frayeur, tout caractérise sa passion. […] Ce plan peut paroître mauvais à la lecture, mais il fera le plus grand effet sur la Scene ; il n’offre pas un instant que le Peintre ne puisse saisir ; les situations & les Tableaux multipliés qu’il présente ont un coloris, une action & un intérêt toujours nouveau ; l’Entrée seul de Tircis & celle d’Aristée sont pleines de passion ; elles peignent, elles expriment, elles sont de vrais monologues. […] Vous concevez, Monsieur, que pour peindre une action où les passions sont variées, & où les transitions de ces mêmes passions sont aussi subites que dans le Programme que je viens de vous tracer, il faut de toute nécessité que la Musique abandonne les mouvements & les modulations pauvres qu’elle emploie dans les airs destinés à la Danse.
Dans le meilleur de ces sortes d’ouvrages on voit tant de choses qui semblent communes ; la passion est si peu poussée dans les premiers, les détails sont si courts dans les autres ; quelques madrigaux dans les divertissements, un char qui porte une divinité, une baguette qui fait changer un désert en un palais magnifique, des danses amenées bien ou mal, des dénouements sans vraisemblance, une contexture en apparence sèche, certains mots plus sonores que les autres, et qui reviennent toujours ; voilà à quoi l’on croit que se bornent la charpente et l’ensemble d’un opéra. […] Amadis, dans le premier, croit voir dans une magicienne Oriane qu’il adore ; il met à ses pieds ses armes, et l’enchantement produit un effet raisonnable et fondé sur la passion de ce héros. […] Tout enchantement qui ne naît pas du sujet qu’on traite, qui ne sert point au développement de la passion, et qui n’en est pas l’effet, est donc vicieux, et ne saurait produire qu’une beauté hors de place ; cette espèce de merveilleux ne doit être employé à l’opéra qu’à propos. Il n’est qu’un ressort de plus dans la main du poète pour faire agir la passion, et pour lui faire créer des moyens plus forts d’étonner, d’ébranler, de séduire, de troubler le spectateur.
Les Grecs qui avaient la vue déliée et l’oreille fine, entendirent l’Oracle, et en conséquence, ils regardèrent toujours la Danse, comme une imitation par les gestes, des actions et des passions des hommes.
Entre ces femmes, Salluste nomme en particulier Sempronia, qui étoit une femme distinguée par sa naissance et par sa beauté, qui savoit très-bien le grec et le latin ; mais Salluste ajoute en même temps, qu’elle savoit mieux chanter et danser qu’une honnête femme ne devoit le savoir : Litteris græcis et latinis docta, psallere, saltare elegantiùs quàm necesse est probæ : aussi remarque-t-il aussitôt après, « qu’elle étoit dominée par l’impureté ; qu’elle alloit plus souvent chercher les hommes, que les hommes ne la cherchoient ; et que ce qui pouvoit servir à contenter ses passions, lui étoit plus cher que son honneur et sa pudeur ».
Le jeu des passions, les formes variées qu’elles prennent, suivant les caractères qu’elles subjuguent ou qui les maîtrisent, les événements terribles qu’elles amènent furent pour les inventeurs, comme autant d’études qui les guidèrent dans le premier dessein, et les figures une fois décidées, elles vinrent se placer d’elles-mêmes dans la composition générale.
Le Prince Macédonien saisit une occasion favorable d’avoir un entretien avec Statira ; il lui fait connoître sa passion.
L’amour témoin de l’impression profite de l’instant ; il leur porte le dernier coup & dans une entrée générale, il leur fait peindre toutes les passions qu’il inspire. […] Garrick m’a été d’un grand secours : on lisoit dans les yeux & sur la physionomie de mes Faunes tous les mouvements des passions qui les agitoient. […] La Pantomime est un trait, les grandes passions le décochent ; c’est une multitude d’éclairs qui se succédent avec rapidité ; les Tableaux qui en résultent sont de feu, ils ne durent qu’un instant, & font aussi-tôt place à d’autres. […] Des signes extérieurs qui annoncent un sentiment deviennent froids & languissants, s’ils ne sont subitement suivis d’autres signes indicatifs de quelques nouvelles passions qui lui succédent ; encore est-il nécessaire de diviser l’action entre plusieurs personnages ; une même altération, des mêmes efforts, des mêmes mouvements, une agitation toujours continuelle fatigueroient & ennuieroient enfin & l’acteur, & le spectateur ; il importe donc d’éviter les longueurs, si l’on veut laisser à l’expression la force qu’elle doit avoir, aux gestes leur énergie, à la physionomie son ton, aux yeux leur éloquence, aux attitudes & aux positions leurs graces & leur vérité.
Le premier se vengera dans l’instant, en faisant sentir le poids de son bras ; le second, au contraire, luttera contre les idées d’une vengeance aussi basse que déshonorante ; ce combat intérieur de la fureur et de l’elévation de l’ame prêtera de la force et de l’énergie à sa démarche à ses gestes, à ses attitudes, à sa physionomie, à ses regards : tout caractérisera sa passion ; tout décèlera la situation de son cœur : les efforts qu’il fera sur lui-même pour modérer les mouvements dont il sera tourmenté, ne serviront qu’à les faire éclater avec plus de véhémence et de vivacité : plus sa passion sera contrainte plus la chaleur sera concentrée, et plus l’effet sera attachant. […] L’homme bien né lui en présente au contraire une multitude ; il exprime sa passion et son trouble en cent manières différentes, et l’exprime toujours avec autant de feu que de noblesse.
Le premier se vengera dans l’instant en faisant sentir le poids de son bras ; le second, au contraire, luttera contre les idées d’une vengeance aussi basse que déshonorante ; ce combat intérieur de la fureur & de l’élévation de l’ame prêtera de la force & de l’énergie à sa démarche, à ses gestes, à ses attitudes, à sa physionomie, à ses regards ; tout caractérisera sa passion, tout décelera la situation de son cœur ; les efforts qu’il fera sur lui-même pour modérer les mouvements dont il sera tourmenté, ne serviront qu’à les faire éclater avec plus de véhémence & de vivacité : plus la passion sera contrainte, plus la chaleur sera concentrée, & plus les étincelles auront de feu. […] L’homme bien né lui en présente au contraire une multitude ; il exprime sa passion & son trouble de cent manieres différentes, & l’exprime toujours avec autant de feu que de noblesse.